La révolution sociale des années soixante, la guerre du Vietnam, la
libération sexuelle, la politisation des universités, tout cela Ed
Kemper ne l'a pas vécu. A sa sortie d'Atascadero (institut
psychiatrique) il est frappé par les nouvelles habitudes
vestimentaires des jeunes et il est particulièrement écœuré par
les hippies qu'il juge sales et indignes. Il continue de s'habiller
de manière conservatrice, avec des cheveux coupés courts et une
moustache qu'il entretient avec soin.
(Stéphane Bourgoin)
Ed Kemper un début de
solution face à la prolifération des punks à chiens ?
Pas
vraiment, notre homme, définitivement de bon goût malgré ses
défauts pour le moins encombrants, refuse tout net de toucher,
violer ou ne serait-ce qu'assassiner des êtres qui, comme les
hippies de son époque criminelle, le débectent de par leur
apparence négligée et la crasse qui se dégagent de ces sinistres
personnes.
Entre deux séries de crimes notre homme à ses habitudes dans un bistrot majoritairement fréquenté par la police locale, il sympathise avec bon nombre d'agents des forces de l'ordre, au point que son interlocuteur pensera à une blague, et lui raccrochera au nez, lorsqu'il téléphonera au commissariat pour se dénoncer !
Car Ed Kemper en a marre, marre de nettoyer tout ce sang, il ne sait que trop bien qu'il ne maîtrisera jamais son instinct de tueur, que cette barbarie doit cesser. Mais pas sans que soit exécuté le crime dont tous les autres n'étaient que préparatifs, celui de sa mère à l'autorité castratrice, sa mère à l'origine de tous ses maux, seule responsable de son dysfonctionnement. Sa mère dont la tête aura l'honneur d'être exposée sur la cheminée et de servir de cible à fléchettes. Mais son corps ne sera source d'aucun plaisir posthume, Ed ne mange pas de ce pain là.
A la lecture du livre de
Stéphane Bourgoin, Ed Kemper se révèle étonnamment attachant. Doté d'un QI de 136, il n'a rien d'un énième débile profond,
bien au contraire, son esprit affûté et sa complète collaboration
avec l'auteur rendent son parcours, s'il n'est pas excusable, pour le
moins humain. Aussi incompréhensible que cela puisse paraître de
prime abord, Ed Kemper fait preuve d'une telle franchise envers lui
même que l'on découvre l'individu derrière le monstre. Sans se
chercher d'excuse, ni prononcer de réel remord, Kemper raconte son
inévitable histoire, la seule qu'il pouvait vivre, selon lui, avec
l'éducation qu'il avait reçu. L'histoire d'un enfant terrorisé par
la société qui l'entoure, frustré et maltraité par son alcoolique
de mère, et qui s'enferme lentement dans un monde de fantasmes.
Devenu adulte, Ed Kemper, 2m10 pour 160 kgs n'est plus que fureur et frustrations.
Devenu adulte, Ed Kemper, 2m10 pour 160 kgs n'est plus que fureur et frustrations.
Son intelligence l'a mené à se rendre à la police, à collaborer avec le FBI afin de dresser les premiers profils de tueurs de masse. Enfin, elle l'a mené à comprendre qui il est et ce pourquoi il agit ainsi. Elle aurait pu aussi lui permettre d'échapper à la justice et de continuer sa série de meurtres pendant encore longtemps.
L'ogre de Santa-Cruz est
un livre passionnant, surtout de par l'approche de son auteur.
Contrairement à la sale habitude des biographes français, lui s'est
rendu sur place, à rencontré et interviewé personnellement le
tueur. Il a aussi su raconter les crimes sans jouer la surenchère,
sans sensationnalisme à deux balles. Stéphane Bourgoin se plonge
dans ce monde torturé après le viol et l'assassinat de sa copine
par un serial killer, pourtant son écriture ne trahit ni
acharnement, ni manque d'objectivité. Il cherche sans cesse à
apercevoir l'être humain, même au cœur des tueries lorsque
l'individu n'est plus que pulsions sauvages.
Il ne recule pas devant un brin d'humour, comme cette anecdote de l'agent du FBI, seul avec Ed Kemper dans une cellule d'interrogatoire de pénitencier. Une fois sa tâche terminée, le fédéral sonne une première fois le garde afin qu'il vienne lui ouvrir, rien ne se passe, il sonne à nouveau quelques minutes plus tard puis encore une fois. Kemper le regarde, esquisse un vague sourire et lui dit « Personne ne viendra à cette heure ci, c'est l'heure de la relève de la garde et du repas des condamnés à mort, pendant un quart d'heure nous sommes livrés à nous même...»
Il ne recule pas devant un brin d'humour, comme cette anecdote de l'agent du FBI, seul avec Ed Kemper dans une cellule d'interrogatoire de pénitencier. Une fois sa tâche terminée, le fédéral sonne une première fois le garde afin qu'il vienne lui ouvrir, rien ne se passe, il sonne à nouveau quelques minutes plus tard puis encore une fois. Kemper le regarde, esquisse un vague sourire et lui dit « Personne ne viendra à cette heure ci, c'est l'heure de la relève de la garde et du repas des condamnés à mort, pendant un quart d'heure nous sommes livrés à nous même...»
Au fil de ses différentes
enquêtes, plusieurs dizaines, Stéphane Bourgoin a également croisé
la route de Henry Lee Lucas et de son amant Ottis Toole, tout deux
emprisonnés à perpétuité.
La main de la mort raconte leur sinistre épopée.
La main de la mort raconte leur sinistre épopée.
Henry Lee Lucas, c'est un
peu Délivrance à lui tout seul, il tue sa mère, une prostituée
qui l'oblige, enfant, à la regarder faire son boulot,
il viole et égorge comme on va pisser, baise chiens, cochons,
chèvres et s'octroie même parfois de cocasses fantaisies en
décapitant au préalable la copine de Mr Seguin.
Sa rencontre avec Ottis
Toole n'arrange pas les choses, à eux deux, ils deviennent une
véritable entreprise de mort. Crucifixion, crane fracassés à coups
de pierre, kidnapping d'enfants, snuff movies, appartenance à une
secte satanique se livrant à des orgies sanguinolentes mêlant
crimes, cannibalisme et sexe outrancier, les deux hommes ont tout
fait et pas qu'un peu, leur parcours criminel bien que régulièrement
interrompus par des peine de prisons toujours à minima s'étale sur
trois décennies !
Bizarrement, Henry Lee
Lucas d'abord condamné à mort sera gracié par un Georges Bush Jr
décidément sacrément épatant. En voilà un qui doit avoir de
sacrés penchants.
Surtout que le parcours
du gars Lucas n'inspire aucune clémence. Avec lui on tombe dans le
sens premier du terme « tueur de masse » le nombre de ses
victimes et de celles de son amant est estimé entre 300 et 600 !
Là encore le bouquin est
captivant, véritable voyage aux tréfonds de l'horreur. Il ne ressort
aucune trace d'humanité de ce duo, juste deux rednecks
définitivement carbonisés, perdus entre démence, vaudou et LSD en
quantités industrielles. Henry Lee Lucas est jovial, vantard, il
raconte son parcours comme on raconterait des souvenirs de l'âge
turbulent. Ottis Toole est torturé, lâche, et les savoir mort tous
les deux n'émeut pas plus que d'écraser une mouche contre un
carreau. Il suffit juste de s'inquiéter un chouïa si après lecture
de ces ouvrages, vous vous retrouvez à contempler les intestins de
l'insecte...
Hugo Spanky
En général, j'hésite à ouvrir un titre de ce genre de collections. A ce jour diverses tentatives n'ont jamais dépassé les premières pages, mais le compte-rendu de "L'ogre de Santa Cruz" donne vraiment envie d'y plonger. Ça semble sérieux et puis l'univers mental du serial killer américain est à la fois si lointain et si proche que s'en est troublant. Chouette recension.
RépondreSupprimerJe viens de finir le livre, oui, c'est en effet très troublant. La terreur psychologique qu'il fait vivre à ses victimes dans sa voiture fait penser à un sale huit-clos qui n'aurait qu'une seule et fatale issue. Une lecture morbide, mais très intéressante ethnologiquement parlant ;))
SupprimerPour info:
RépondreSupprimerStéphane Bourgoin rejoint les éditions Ring
Merci pour l'info, j'en profite pour te confirmer la bonne tenue des livres dont il est l'auteur, rien à voir avec le racolage habituellement lié à ce genre d'ouvrages. Bourgoin fait un travail sérieux et reconnu comme tel, de plus son écriture est réellement captivante.
SupprimerReste plus qu'à avoir l'estomac bien accroché.
Hugo