Tandis que le pigeon standard joue les paons en exhibant sa queue dans les festivals, raquant son ticket à un tarif affichant sans complexe ses deux zéros, je me préparais une fois de plus à publier ici même une énième diatribe à base de bile, de sentence et de morve. Pestant contre l'inépuisable capacité de l'humain à se conduire comme un mouton, à accepter sans broncher d'avaler tout et n'importe quoi (la moitié des Who à 150 euros !!!) avant de passer le reste de son temps à se plaindre d'avoir mal au cul.
Et puis j'en ai plus eu rien à foutre de ces cons. Par la grâce d'un jingle radio annonçant que la cité voisine conviait la populace à venir guincher gratuitement et sans contrainte au son et en présence de l'éminent et inusable Kid Créole et ses Coconuts, voila t-il pas que j'étais d'humeur à lubrifier mes zygomatiques. Wohoho, fit le Spanky soudain envahit par un sentiment de paix universelle. August Darnell, enfant du Bronx aux rêves communicatifs de filles en robes léopard mises en lambeaux lors du naufrage de la croisière s'amuse, de rythmes Calypso sur beats disco, de basses et percussions seulement dominés par le rugissement des cuivres. Kid Créole, 65 ans mais pas plus grand-père d'Annie qu'il n'en était le père il y a....il y a un bail pour tout dire.
Arrivé sur le front de mer du port Tabarka de Marseillan, le couple Spanky ne pouvait que se sentir heureux d'être là, pas de fouille, pas de regards suspicieux, pas de liste interminable d'interdits en tout genre, pas de parcage à bestiaux direction l’abattoir. Au lieu de quoi 4 rangées de tables pour déguster la macaronade, les moules frites ou une assiette de coquillages, un public familial en short et chemise à fleurs et des buvettes dépourvues de bière artisanale à la con. Une foutue bouffée de fraicheur dans un monde de poseurs. Le pouvoir du Kid, celui de n'avoir jamais créé de caste.
Et justement le Kid le voila, Cab Calloway style, Zoot Suit mauve (puis jaune), chainette king size, galurin et chaussure blanches. Et ce pep's bordel, cette impulsion de bonheur, ce funk des mers du sud aux envolées de trombone et trompette à sourdine pour pimenter encore un peu plus l'implacable sauce. Avant toute autre considération la musique de Kid Créole s'adresse aux papilles gustatives. Et le public d'oublier ripaille et digestion, it's party time !
Les Coconuts sont là, bien sur, renouvelées mais pas tant que ça, c'est pas la course au jeunisme, deux d’entre elles affichent quasiment vingt ans de présence au sein de la troupe et aucun signe de fléchissement des rotules à l'horizon, la jeunette du lot est à bonne école. De toute façon je cause là de musiciens de haut vol, d'amoureux de la chose aussi généreux qu'impeccables de professionnalisme, pas des pinces kikis à la mord moi le nœud. Kid Créole a inventé sa propre route et son itinéraire ne croise jamais la médiocrité.
A tout dire la seule question que je me posais concernait le répertoire, comment allait-il se démerder pour garder l'attention d'un public certainement pas constitué de fans érudits mais bel et bien de candidats au plaisir des soirs de chaleur, une fois interprétés la dizaine de tubes que même les plus réfractaires gothiques ne peuvent que connaître ? La réponse est aussi simple que la question était inutile, le Kid ne joue QUE les tubes en question ! Haha, trop balèze, en acrobate de la scène, en vétéran du swing, August Darnell envoie de l'extended mix aux gourmands que nous sommes et c'est tellement parfait ainsi que j'en suis resté sur le cul. Dans le désordre et de mémoire (oui je sais c'était hier soir mais je ne mémorise pas les concerts, pas plus que je ne vous ai rapporté de photos exclusives) Don't take my coconuts, Annie I'm not your daddy, The lifeboat party, Stool pigeon (rachachacha, quel pied bon sang), Casual sex, I'm a wonderful thing baby, Endicott, Caroline was a drop-out en ouverture, My male curiosity en conclusion et My boy Lollipop en interlude Coconut solo au milieu du set. Autant le dire comme c'est, le show Kid Créole and the Coconuts c'est 1h30 de rappel ! On se croirait chez Kool and the Gang, la set list de la mort qui tue.
Et de nous souvenir une fois le show achevé pourquoi la musique est si importante, pour ces instants d'apesanteur qu'elle nous apporte même lorsque les nouvelles nous plombent les pieds toujours plus profond dans cette fatalité qui ne demande qu'à nous ensevelir définitivement. Aussi, merci à la ville de Marseillan pour ce délicieux moment offert dans la brume d'un soir d'été parfumé d'embruns et d'odeurs de cuisine. Pour cette offrande sans contrepartie à ceux qui cherchent encore à s'évader d'une année de trime sans considération en partageant un repas populaire avant de tortiller du cul devant un spécialiste de la chose. Et de passer ce message au cerveau, débranche !
Hugo Spanky
ce papier est dédié à Philippe Lombardi, ton élégance en toutes situations nous manquera tout autant que tes silences. Rencontré autour d'une pile de singles du Clash, ça ne s'invente pas plus que ça ne s'oublie. A la revoyure l'ami.
Ah Spanky Man ton papier est une bouffée de fraîcheur qui vient contrarier cet été caniculaire; à te lire on ne peut que t'envier d'avoir partagé avec ta dulcinée un tel moment de liesse avec ce diable de Kid dont les affres du temps ne semblent être que broutilles risibles à ses yeux.
RépondreSupprimerTiens du coup j'ai comme une furieuse envie de me jouer un album de ce bon August et d'enchaîner avec un petit Belafonte de derrière les fagots.
En enchainant sur Robert Mitchum, tu passes une après midi de rêve.
SupprimerMon seul regret du concert, il n'a pas fait No fish today. Pour le reste c'était juste parfait.
Hugo Spanky
... et les Coco Girls ;))
SupprimerMais tu ne crois pas si bien dire au sujet de Belafonte cher @Harry, car l'intronisation du groupe sur scène s'est faite sur Banana Boat ! ;))
Cela confirme que c'est un homme de bon goût. Et oui les disques de Mitchum sont des déliceux plaisirs coupables.
SupprimerIl vit encore ???
RépondreSupprimerIl fait mieux que vivre encore, il pétille.
SupprimerHugo Spanky
moi je suis définitivement coconut
RépondreSupprimerComme je te comprends,elles ont un tel talent, ça crève les yeux. De plus le Kid nous la joue version ONU, une Hollandaise, Une Californienne et une Suédoise.
SupprimerHugo Spanky
Comme c'est bon d'avoir lu ce que je viens de lire (de là à penser etc...) Avec un pote nous étions tombé amoureux dès leurs version de Lily Merlene. Et puis comme tout snob qui se respecte mais qui reste un peu con sur les bords nous mettions avant le "Fresh Fruit.." plutôt que le "tropical Gangster" qui avait cartonné et que nous écoutions aussi plein, plein, plein (On faisait pareil avec le "Fear of music" des Talking Heads).
RépondreSupprimerJ'ai été les voir avec madame au Palace. Le sketch d’aguicher les mecs devant la scène et de les envoyer balader en faisant le geste de la main pour dire, laisse t'as pas les moyens, haaa ces Coconuts, Pas touche.... Il y avait encore le petit chauve qui mettait l'énergie à la Louis de Funes baigné tout gamin dans la Salsa.
Et puis merde quand même, quel compositeur. Une seule preuve. Dans ce film oublié il y avait une BO ou Phil Collins avait tiré un Golden Tube: "Againts All Odds" ... Mais découvrez "My male Curiosity" de Darnel, là on survole pas mal de grands interprètes. Ce mec avait réussi à mettre de la POP à une période - les années 80 - où la Soul avait tourné le dos à ce côté FUN sans être forcément disco.
Au passage, bien sûr, superbe les photos. Bravo pour l'article et les souvenirs et un petit bout de chansons que je me suis offert.
Bon je suis lourd mais j'insiste:
https://www.youtube.com/watch?v=0UWU2X7fk_8
Mais non t'es pas lourd et en plus t'as raison. August Darnell est un alchimiste, sa musique est constituée d’ingrédients si savamment choisis qu'on ferait tous bien d'en profiter tant qu'il est là pour la jouer parce que des comme lui y en aura pas deux. D'ailleurs j'ai oublié de la citer mais il a conclu le concert par My male curiosity qu'il a enchainé à Endicott. Je corrige cet oubli illico, merci à toi.
SupprimerEt sinon, mon petit pêché mignon dans la vaste discographie du Kid, c'est Back in the field again.
Hugo Spanky
"Back in the field again". Bien vu de l'avoir sorti du fond du CD, terrible cette place quand on sait que écouter un CD en entier, ce n'est pas comme écouter un vinyle. Mais si je devais débatre sur ce que à apporté la numérisation, je maintiens que le bilan est ultra positif, sauf la pochette en main tandis que l'on écoute... religieusement son achat. Bon je m'égare.
SupprimerSur Kid Creole, deux choses:
1) AMG (http://www.allmusic.com/artist/kid-creole-the-coconuts-mn0000071231/discography)
et ses notes en étoiles, c'est marrant que les étoiles diminuent au fur et à mesure que l'on s'enfonce dans les années 80. Ce qui est particulièrement injuste car j'ai toujours trouvé la qualité des compositions bien maintenue, même sur le "In Praise.." qu'aimaient moins mes potes, plus Pop moins "Latin".
2) Et voilà que le même AMG nous colle plein d'étoiles sur un très récent. Pochette ultra kitsch "I Wake up Screaming" ... Bon, je vais l'emprunter à la médiathèque pour voir si ce regain d'enthousiasme est mérité.
Tu le connais?
Ouais je le connais, c'est le dernier en date (en photo dans le papier d'ailleurs), il est assez proche de Private waters in the great divide, un côté un peu Prince. Moins d'orchestrations aussi. Tous ces sites avec leurs étoiles et compagnie c'est franchement de la daube, un peu comme les classements à la con des magazines "100 meilleurs disques rock"
SupprimerJe pense qu'il est plus utile de donner des éléments sur le disque afin que l'éventuel auditeur sache un peu vers quoi il s'engage plutôt que de lui dire celui ci est meilleur que l'autre. La musique c'est suggestif, on y cherche pas tous la même chose. Vaut mieux dire au gonze que tel disque est plus calypso, celui là plutôt reggae ou pop que d'imposer son point de vue en décidant tout seul dans son coin que c'est quand il fait du Funk que le Kid est le meilleur.
C'est avec des raisonnements comme les leurs qu'on se retrouve avec des centaines de blaireaux qui connaissent Sticky Fingers et jamais Emotional Rescue. Que vienne foutre les Stones dans ma réponse ? J'en sais rien. )))
Hugo Spanky
Pour les étoile, bon d'accord. Mais j'aime bien ce site, les chroniques sont bien complètes, les fiches aussi et ils ont un peu moins la pression des dernières sortie, même si leur portail me donne (un peu) tord. Sur ce site, j'en ai fait des découvertes.
SupprimerPour Kid Creole, j'ai le soupçon que au fur et à mesure qu'il passait de mode, les étoiles baissaient alors que les albums; eux, se valaient.
Pour les Stones, bah, c'est ton combat... moins épique que pour faire passer les solo de Jagger!!
Je viens de parcourir le site, ce qui est bien c'est de pouvoir écouter les disques, même partiellement.
SupprimerMon combat c'est pas tellement les Stones, c'est tenter d'exciter la curiosité des gens vers des albums qui sont pas ceux systématiquement désignés comme étant le saint graal. Les Who ? A Quick One. Elvis ? Fun in Acapulco. T.Rex ? Tanx. Springsteen ? The wild the innocent and the E.Street shuffle. Alice Cooper ? Flush the fashion. Stones ? Voodoo lounge. James Brown ? I'm real... Ces mecs ont tous enregistrés des dizaines d'albums, ce serait quand même dommage qu'on défende tous le même. Et carrément impensable qu'on aime tous le même, de la même façon qu'on aime pas tous la même fille.
Étonnons nous les uns les autres, restons différents.
Hugo Spanky
Ce site est ce que je connais de plus complet et même très subjectif... comme tu aimes. Il y a forcément un saupoudrage ressenti US. Je ne m'en suis persuadé qu'au moment où je fréquentai un forum tenu par des internautes US. Il y existe un fond que tu ne retrouves pas en UK pour comparer avec leurs cousins. Ils ont ce côté mystique racine parfois déroutant (Beach Boys VS Beatles) alors que la morgue UK, même chez les rebelles ça reste très "sûr de soi"
SupprimerPour les disques continue, tu as de l'influence. Pour les filles ... chacun la sienne alors?
Y a pas de comparaison possible entre US et UK, les uns savent de quoi ils causent, les autres sont des suiveurs, les uns ont inventé le Rock, les autres l'ont édulcoré en Pop. J'aime trop Jerry Lee Lewis pour pardonner aux anglais.
SupprimerHa, je te le confirme, j'ai horreur de prêter mes disques )))))
Hugo
Merci pour ce bel et juste hommage à Philippe. Pour moi, le silence est devenu assourdissant
RépondreSupprimerFaut s'accrocher Serge, je crois hélas que c'est le lot de ceux qui vieillissent que d'apprendre à côtoyer l'absence des plus proches. Et barré comme c'est ça va pas aller en s'améliorant. Avec tout ce que vous avez vécu ensemble, tu as au moins la satisfaction de n'être pas passé à côté du bonhomme, vous avez pleinement profité l'un de l'autre et avez mené tellement de projets ensembles qu'il t'en restera toujours quelque chose pour les moments de solitudes.
SupprimerDe toutes façon on n'a pas le choix, tout cela est tellement injuste et cruel que soit on s'invente une philosophie à la con, soit on fracasse les murs à coup de poings.
Je t'embrasse Serge, aussi futile et dérisoire que cela puisse être, sache qu'ici on pense à toi. Et si un jour tu veux écrire sur Philippe, faire partager cette vie pour l'essentielle consacrée à son incommensurable passion pour la musique, je n'ai pas besoin de te rappeler que tu es ici chez toi.
Hugo
Le Pied, tout ce qui faut par cet été bien chaud !!
RépondreSupprimer7red
Avec ta ganache pour trinquer ça aurait été encore mieux )))
SupprimerHugo
Ton billet et les photos font envie. J'ai ressorti les albums du Kid quand je me suis mis sérieusement à écouter Cab Calloway juste avant l'été. (Il n'est pas venu jouer dans la région, du moins pas que je sache.)
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