Après l'avis d'Hugo Spanky voici celui d'Harry Max, en attendant que 7red s'y colle.
Trompé par la pochette qui laissait entendre un album rentre dedans et basique, toutes guitares rugissantes en avant, la première écoute de Wrecking Ball, le nouveau disque de Bruce Springsteen, m’a décontenancé car manifestement nous avons affaire à son travail le plus sophistiqué en terme d’arrangements.
Tout commence par le single We take care of our own qui d’emblée donne le ton de cet opus : un manifeste pour toutes les personnes que cette saloperie de crise frappe de plein fouet ; une invective contre les patrons, les politiques et les institutions gouvernementales qui nous bafouent sans vergogne. En somme un poing tendu ou plutôt – d’où la fameuse pochette – une guitare brandie en guise d’insoumission envers les pontes de la finance qui nous assassinent une peu plus chaque jour avec leurs mesures criminelles. Et puisqu’il n’y a plus d’aide à recevoir de quiconque, que les bonnes intentions sont en voie de disparition, nous n’avons plus qu’à prendre soin de nous même. Mais ensemble car ce c’est là que ce fait toute la différence.
Avec Easy money, composition folk rock rehaussée d’une touche de gospel, on se laisse volontiers emporté par un rythme de valse procuré par un violon entraînant.
Sur Shackled and drawn, l’une des merveilles de cet album généreux en pépites, c’est un rythme martial qui nous accueille tandis que des percussions de tous types se rajoutent au fil de ce morceau à forte connotations irlandaises qui voit son final asséné par un banjo saccadé d’une redoutable efficacité. Avec Jack of all trades, la sobriété est de mise. Toute en délicatesse cette complainte déchirante, avec son solo de trompette admirable ainsi que l’arrivée toute en douceur d’un ensemble de cordes, nous étreint durablement le coeur et finit par nous laisser exsangue face à tant de charges émotionnelles.
Déboule ensuite un autre sommet, Death to my hometown. Grâce à cette chanson, Bruce nous rappelle que désormais ce ne sont plus les bombes, les batailles rangées, bref des ennemis tangibles qui détruisent nos usines, nos familles et nos foyers mais bel et bien le capitalisme outrancier et sans pitié pour personne qui mène notre monde vers sa perte. Le message est on ne peut clair : il ne faut surtout pas courber l’échine ; on doit renvoyer en enfer tous ces saligauds qui servent aveuglement ce capitalisme meurtrier.
This depression, titre à la rythmique lourde et angoissante, nous martèle que seul le coeur nous sauvera ; que nous devons nous soutenir coûte que coûte pour pouvoir nous en sortir tout en gardant sa dignité.
Wrecking ball, le morceau titre, va encore plus loin dans sa démonstration. Il nous exhorte à foutre tout en l’air, à faire table rase et à bâtir un nouveau monde. Ce morceau est un hymne pour galvaniser les foules et sa construction, d’une complexité à faire blêmir n’importe quel musicien digne de ce nom, mérite les plus hautes éloges. Son ouverture se fait de façon nuancée au moyen d’une guitare électroacoustique sur laquelle se superpose en de multiples couches tout un ensemble d’instruments et de percussions (accordéon, violon, basse, clap hands, grosse caisse, etc.) puis soudain toute la machinerie s’emballe et des cuivres endiablés précipitent le morceau dans une nouba frénétique qui rendrait hystérique une pauvre hère dépressive sous valium. Tout le monde est au taquet et cette ode à l’insurrection nous plonge dans le plus ineffable des bonheurs.
You’ve go it, plus terne et conventionnelle, aura pour triste titre de gloire d’être la composition la moins convaincante – voire même dispensable – de cet album.
Vient ensuite la reprise de Land of hope and dreams qui, vu le sujet de ce disque, à toute se place ici d’autant plus qu’elle fait preuve d’un allant du meilleur effet.
Ultime monument de cette galette mirifique We are alive nous convie à une fiesta avec les morts de tous les diables. Elle mélange de manière détonante racine irlandaise (on se croirait dans un pub), ambiance mariachi (les trompettes furieuses !), touche redneck (le banjo trépidant !) et envolées à teneur western. Autant vous dire que lorsque The Pogues rencontre Los Lobos et vont voir Délivrance cela n’engendre pas la monotonie !
Cet album aurait aisément pu se terminer sur ces entrefaites mais deux formidables bonus tracks viennent l’enrichir : Swallowed up (in the belly of the whale) qui bénéficie d’une atmosphère délétère des plus poignantes et American Land (qui dit, en substance, que toutes les races ont construit ce pays et qu’elles ne se laisseront pas déloger sans broncher) qui vient clore ce disque de fort belle manière grâce à une version d’anthologie qui nous pousse à nous lancer dans une gigue infernale.
On l’aura compris Bruce a bouffé de la vache enragée et, remonté comme il est, la tournée française qui s’annonce promet des spectacles riches en moments d’exceptions. Ça tombe bien car l’équipe de Ranx ZeVox a déjà ses billets pour le concert prévu à Montpellier.
Gageons que nous vous en ferons un commentaire plein de ferveur. D’ici là, nous vous souhaitons bonne écoute avec Wrecking ball.
Harry Max
Forum Land of hope and dreams
Le prix du billet pour son concert à Zürich en juillet: à partir de 125 jusqu'à 250 francs suisses. (l'euro est à 1,21 frs.)
RépondreSupprimerSans autre commentaire.
Comme disait le "garbage man" Lux Interior "on fait payer nos places de concerts plus chers que les autres parce qu'on est meilleurs que les autres"
SupprimerJe ne partage pas cet argument. Je n'irai pas le voir à ce prix. Les Cramps sont restés abordables jusqu'au bout. (Si on ajoute les frais de voyage+bouffe, ça vous met l'événement pour deux à 500 francs.)
RépondreSupprimerSuperbe papier de not' révérend Harry Max, au top !
RépondreSupprimerC'est vrai que ce disque sonne sacrément bon, un super plus pour le Rocky Ground, salement prenant, j'en oublierai presque ces guitares trop lourdes qui m'horripile tant, rajouter à ça toutes ces tites mélodies celtillonnantes et des lyrics pas cons, du coup ça nous donne forcément un putain de bon disque !
J'avais trouvé ce bonhomme, dont je ne me suis jamais vraiment préoccupé, très grand dans son hommage à onc' Joe, ce disque plus le live à Dublin me bascule.
Même, toujours, trop cher, j'aurais plaisir à aller l'applaudir, si !!
Nos écoutes sont complémentaires comme toujours, tu relèves rocky ground celle là même que j'ai mis le plus de temps à apprécier, un peu comme streets of philadelphia à côté duquel j'étais passé avant que tu ne m'en causes. C'est que le Bruce tristuss il m'est plus évident avec dramaturgie et démesure que intime et mélancolique même si avec le temps je finis par aimer les deux (et commander le single de streets of philadelphia)
SupprimerAu final un disque comme je les aime, qui dit pas oui dès la première écoute, qui prend le temps de s'enraciner profond. Un disque de Bruce Springsteen.
Hugo