J’ai bien grandi depuis, je ne suis pas devenu ingénieur du son mais je garde la même approche, quand j’écoute un disque, je l’écoute de fond en comble. Je traque l’instrument planqué au fond du mixage, celui que l’on entend à peine mais qui insuffle la vie. Je me délecte de l’équilibre entre les instruments, quand les sons se marient et existent sans prédominance de l’un sur l’autre. Sauf que.
De plus en plus souvent, la musique me semble aussi sexy qu’une branlette dans un cinéma porno. Je me demande pourquoi les disques parus depuis une vingtaine d’années ne font qu’un petit tour avant de quitter définitivement ma platine. Pourquoi j’ai cette sensation d’étouffement, ? Pourquoi au bout de quatre chansons, je n’ai plus envie que de silence ? Pourquoi les disques qui me font rire, danser ou pleurer remontent au bas mot aux années 80 ? Comme dirait Pépé Jean, maintenant je sais.
Perfecting sound forever explique tout ça et bien d’autres choses sans prise de tête. Le livre de Greg Milner n’est pas celui d’un professeur foldingue, plutôt celui d’un jeune mec passionné comme nous, qui cherche à comprendre, à apprendre, à savoir. Des découvertes de Thomas Edison, des premiers enregistrements de LeadBelly par les Lomax père et fils, jusqu’au son hyper-compressé et agressif d’aujourd’hui. De Def Leppard qui pour Hysteria décomposa jusqu'aux accords de guitares, enregistrant les notes séparément avant de générer l'accord en les balançant simultanément dans la console, non sans leur avoir auparavant appliqué un traitement différent à l'une et l'autre. De Bruce Springsteen qui s'enregistre sur une simple cassette, la trimballe des mois dans sa veste en jean jusqu'à ce que Little Steven lui fasse remarquer qu'aucun groupe ne rendra mieux justice à ces chansons que leur nudité virginale. Reste alors aux ingénieurs du studio à trouver comment tirer un master exploitable à partir d'un low-fi pareil.
Le Baby I love you so d'Augustus Pablo et Jacob Miller propulsé dans l'hyper-espace par King Tubby pour les dubs novateurs de Meets Rockers Uptown bidouillés tandis qu'opposition et pouvoir se canardent dans les rues du ghetto. The Clash en Jamaïque, le bruit revendiqué et revendicatif du It takes a nation of millions to hold us back de Public Enemy, les boucles de Yo bum rush the show. Les Red Hot Chili Peppers et l'excès de compression de Californication qui provoque un rejet chez leurs propres fans, allant jusqu'à faire pétition sur le net afin que l'album soit remastérisé. Ricky Martin, premier artiste à placer en haut des charts un titre 100% Pro Tools avec Livin' la vida loca. Et surtout, l'évolution des machines, leur emprise exponentielle sur la musique, des trésors d'orfèvrerie qu'elles permirent de concrétiser au formatage en règle que leur utilisation systématique par des besogneux sans imagination en a fait.
Du miracle au banal. Le livre nous promène au fil d’un siècle de son, laissant pointer en filigrane cette angoisse; la musique est-elle vraiment utilisée pour notre bien ? Ne serions-nous pas tombés amoureux d’un poison potentiel ? Des ruses des artisans géniaux de l’analogique jusqu'aux promesses du numérique offertes en pature aux marchands de plats sans saveur, c’est un parcours en pente, sans cesse compensé par plus de volume rectiligne, que nous suivons kleenex en main. Finalement, la musique est devenue comme les voitures, performances standardisées et caractère de mollusque.
Le Baby I love you so d'Augustus Pablo et Jacob Miller propulsé dans l'hyper-espace par King Tubby pour les dubs novateurs de Meets Rockers Uptown bidouillés tandis qu'opposition et pouvoir se canardent dans les rues du ghetto. The Clash en Jamaïque, le bruit revendiqué et revendicatif du It takes a nation of millions to hold us back de Public Enemy, les boucles de Yo bum rush the show. Les Red Hot Chili Peppers et l'excès de compression de Californication qui provoque un rejet chez leurs propres fans, allant jusqu'à faire pétition sur le net afin que l'album soit remastérisé. Ricky Martin, premier artiste à placer en haut des charts un titre 100% Pro Tools avec Livin' la vida loca. Et surtout, l'évolution des machines, leur emprise exponentielle sur la musique, des trésors d'orfèvrerie qu'elles permirent de concrétiser au formatage en règle que leur utilisation systématique par des besogneux sans imagination en a fait.
Du miracle au banal. Le livre nous promène au fil d’un siècle de son, laissant pointer en filigrane cette angoisse; la musique est-elle vraiment utilisée pour notre bien ? Ne serions-nous pas tombés amoureux d’un poison potentiel ? Des ruses des artisans géniaux de l’analogique jusqu'aux promesses du numérique offertes en pature aux marchands de plats sans saveur, c’est un parcours en pente, sans cesse compensé par plus de volume rectiligne, que nous suivons kleenex en main. Finalement, la musique est devenue comme les voitures, performances standardisées et caractère de mollusque.
Et cette question fondamentale, un enregistrement doit-il restituer à l'identique le son créé par un ensemble de musiciens ou, au contraire, le modifier, le triturer pour, éventuellement, l’améliorer ? Où placer le curseur ?
Le débat n’est toujours pas tranché, il n’existe de vérité que dans les vibrations de nos tympans. C’est notre dernier espace de choix, on peut refuser un disque.
Le business, lui, a choisi, utilisant la compression à outrance pour marquer les esprits comme la pub le fait avec ses images chocs, ses slogans accrocheurs, ses jingles incessants au point d’en donner la nausée. Si tu vomis du Mc Do, c’est que tu as mangé du Mc Do, si tu gerbes du Pharrell Williams, c’est le même principe. Peu importe que tu gerbes, l’essentiel c’est que tu t’en sois gavé. La compression, c’est le nivellement par le volume, réduire la différence de puissance entre le son le plus bas et le son le plus haut d’une chanson, de manière à ne jamais laisser une seconde de répit à l’auditeur. Les pointes fortes étant proches des plus faibles, il devient facile de monter le son de l’ensemble au moment du mastering ou de la diffusion sur les ondes. Si publicités et musiques n’avaient jamais fait aussi bon ménage qu’aujourd’hui, c’est parce qu’elles ne se sont jamais autant ressemblées.
Enregistrements à encéphalogramme plat, sans aucune dynamique, accumulation de bruits contraire à notre physiologie auditive, saturations luttant pour exister au milieu des hurlements de l’environnement urbain. Des sons inhumains bien dans l’ère du temps puisque devenir robot est notre destinée. La grande braderie de l’âme à commencée !
Perfecting sound forever porte bien son nom, c’est exactement de cela dont il s’agit, de cette quête vaine oubliant que le mieux est l’ennemi du bien, ignorant que dès que l’on dépasse le stade de la captation et de la restitution fidèle de ce qui se joue dans une pièce, on entre en territoire aléatoire, on s’offre un taxi pour Tobrouk au milieu des sables minés. Les manipulateurs ne manquèrent pas au fil de l’histoire, savoir qu’aujourd’hui ils sont au pouvoir n’est pas forcément très encourageant pour la suite, leur seul message semblant être : continuez de dormir tranquille.
Nous recherchons l’émotion dans un produit qui en est dorénavant dépourvu dès sa fabrication. Même si, paradoxalement, c’est sur cette qualité disparue que la publicité nous le vante. Mais puisque quand on lui montre la lune, l’idiot regarde le doigt...
Hugo Spanky
et il y en a bcp qui ont regarder le doigt!!!!! bizz pam
RépondreSupprimerSalut Pam, alors ce concert de Lana Del Rey c'est pour quand ? On tente de choper des places pour jeudi mais ça semble carrément pas possible. Tu nous raconteras, on compte sur toi. Ultraviolence ne quitte pas la platine, ça fait du bien un disque pareil.
SupprimerBises
Hugo
ben , c est jeudi!!!! plus de place je sais des potes sont furax!!! mais bon!!! oui, comme tu dis un disque qui fait du bien....
SupprimerAh merde, tu seras à Carcassonne. Chapeau vous avez fait fissa pour choper les tickets ça à été complet super vite, nous on a été naze, mañana mañana. Bordel si on s'en dégote on se boira une bière ensemble, je porterai mon badge Ranx Ze Vox et un enjoliveur de Mercedes à la boutonnière ;-)
SupprimerHugo Spanky
Putain ! Tu fais chier Hugo !
RépondreSupprimerJe vais encore dépenser du fric pour acheter ce bouquin ! Merde alors !
Chourave-le ! Les prix pratiqués par les éditeurs c'est de la provocation, faut pas se laisser faire.
SupprimerBon, pour celui là encore ça va, 24 euro pour 430 pages c'est correct mais quand même, par principe de temps en temps faut refuser le sourire de la caissière.
Hugo Spanky
oui, j y suis déja d ailleurs, lol pour l enjoliveur de mercedes a la boutonniére!!! met une cote de maille, c est plus sur!!!lol bizz pam
SupprimerOn a hésité à venir pour l'embrasement de la Cité, c'est superbe et ça fait un bail qu'on l'a pas vu.
SupprimerBises
Hugo
Sur ce sujet j'ai toujours été partagé. En lisant ton article je m’interrogeais. J'ai frissonné sur du Stones écouté sur un magnétophone cassette qui mixait mal la stéréo. J'ai plus tard pleuré une perte de platine, acheté une pas chère qui me frustrait tellement que je me suis remis à la recherche d'une avec pointe Shure etc... J'ai chez moi au salon une bonne chaîne, enceinte Epsilon mais j'écoute 90% de la musique sur deux enceintes Altec branchés sur une tour, que du MP3... Même mes opéras que j'ai en CD!!
RépondreSupprimerPendant ce temps les studios se démènent pour chercher des améliorations techniques aux enregistrements, aux captations.
J'ai la sensation que l'on retrouve ce paradoxe dans l'image.
Mais ta question? est ce que cela dénature la qualité d'une oeuvre quand on cherche à la perfectionner. Ou bien, est ce que l'assurance du gros son, rend fainéant ou inutiles les recherches de contrastes et de silences au moment de la création?
Pas de réponse, mais j'aimais bien mon "Goats Head Soup" sur mon magnéto pourri. Et pourtant, c'est loin d'être le meilleur Stone.
Ce n'est pas tant l'écoute qui me pose un soucis, j'ai un vieil ampli japonais avec des basses d'une souplesse miraculeuse et ça fait mon bonheur avec une Technics hors d'age pour les vinyls. C'est plutôt l'enregistrement qui devient triste et formaté, l'uniformité de l'auto tune, de la compression, des instruments qui sonnent tous pareil. J'ai la nostalgie des guitaristes qui savaient quand prendre une gibson, quand préférer une fender ou une japonaise bien cheap selon les besoins, des farfelues qui plaçaient des micros sur les toiles d'araignées, de la créativité des contraintes de l'analogique.
SupprimerIl y a une anecdote que j'ai lu je ne sais plus où racontant le calvaire d'un producteur cherchant désespérément à étouffer un son de caisse claire avec sa console dernier cri, sa centaine de plug-in et leur armada d'effets. Un musicien de studio formé à l'ancienne passait par là et lui proposa de tenter quelque chose, le gars se mit derrière le kit batterie et, miracle, le son était parfait. Comment tu as fait s’exclama le producteur, j'ai tapé doucement lui répondit le batteur.
J'adore Goats head soup, un disque bien enregistré sonnera parfaitement sur n'importe quel appareil, même le plus naze.
Hugo Spanky
P'tain, j'étais déjà passé par là il y a quatre ans... L'époque où je savais résister à l'achat de bouquin que tu proposes.
SupprimerMarrant de se relire
Aujourd'hui, le changement c'est que ma musique je l'écoute surtout au salon, avec enfin mon "vieux" dispositif des années 70. Et mes oreilles de "vieux" comme me le rappelle le fiston.
Je te parlerai bien de ce bouquin "à l'assaut de l'empire du disque" de Stephen Witt, un "polar" qui raconte l'arrivée du MP3, où comment des acousticiens ont été jetés par des ingénieurs du son lorsqu'ils sont venu les voir avec leur modèle de compression du son. Comment les premiers MP3 furent sur le marché. Le pognon que rapporte les vidéo officielle sur YOUTUBE (à te déculpabiliser définitivement tout pirates de musique, en tout cas chez les gros) etc...
Je t'ajoute un lien vers un fou du son qui épluche les enregistrements et supports du Floyd sur "Dark.." finalement pénible si tu détestes l'intro de MONEY mais il y a un commentaire que j'aime bien. "Le fait que l'oreille n'entende pas le son X, ne signifie pas que Y = X+Y..." plus fort que toute sa vidéo ;-) surtout que j'ai peu fait de différence, surtout que même via la compression à la YOUTUBE j'aurai dû en faire! Merde, trahis par mes oreilles.
https://www.youtube.com/watch?v=almdxI76DOw
Au fait, j'ai donc commandé ...
" ..un enregistrement doit-il restituer fidèlement le son original créé par un ensemble de musiciens ou au contraire le modifier.." je pense que c'est comme la vérité, c'est bien de broder un peu, tout en restant évidemment le plus proche de l'original...
RépondreSupprimerMais ce que tu dis pour le son est exactement et malheureusement ce qu'il se passe pour le cinéma aussi. "L'évolution" va tellement vite qu'on en oubli la chaleur et l'émotion première que doit nous offrir l'image ou le son et donc tous les fondamentaux. certains réalisateurs comme Michel Gondry par exemple essaient même de se retrouver dans les mêmes conditions de contraintes d'avant tout ce numérique pour réaliser ses propres films. On aime ou on aime pas, mais pour moi l'idée est engageante.
C'est dommage que ce progrès nous fasse reculer, ou nous amène tout du moins vers le bas. Je pense que l'on aurait à y gagner vraiment à se servir du meilleur de tout, ancienne et nouvelles techniques confondues...
Sylvie
tout ça a du commencer avec les pink floyd fin 70's et consorts ... l'invasion dans les eighties et puis après pfff ... on peut se consoler, nous avons la quantité maintenant hé hé hé ... tout est question d'ambiance. plus le mainstream va dans ce sens, plus je chéri, je me dévoue, j'en rajoute une couche, je milite pour le son live, mono (je m'en suis rendu compte récemment, merci Spector). mais je trouve mon bonheur même dans les musique froides parfois, donc là, tout comme pour le métal, le rendu gonflette à un rendu côté quasi comique (du moment que je raque pas pour l'écoute). le son mp3 me rappelle dans le pire des cas la petite radio que je me collais à l'oreille à l'époque, je réalise que j'use moins mes vynils (pratique), que j'écoute pratiquement plus cette arnaque de cédés (faut que je les refourge), que j'ai une faculté d'adaptation, que je suis peut être bien l'homme du troisième millénnaire, que je me demande ce qu'ils attendent pour me payer pour faire le dee jay ? l'a l'air bien le bouquin, faut que je me rencarde sur les lomax aussi, quelle famille !!!!
RépondreSupprimerrock on
Les Lomax étaient des fortiches (et un brin fada aussi) juste après avoir découvert Leadbelly ils sont tombé sur Muddy Waters...y a pire comme découvreurs de talents. Ils ont fait partie de ces mecs qui sillonnaient le sud profond pour enregistrer avec les moyens du bord et conserver à la bibliothèque nationale (c'est dingue comme les États-Unis ont de suite accordé de l'importance à la musique) les chœurs gospel et les bluesmen vagabonds (ou taulards).
SupprimerSinon les mp3 et tout ce qu'on peut ramasser sur le net c'est forcément pratique pour découvrir des trucs qui n'arriveraient jamais jusqu'à nous si on attendait après nos charlots de la presse et aussi pour tout ce qui est bootlegs mais comme tu dis, tant qu'on raque pas pour ça. Quand je craque sur un disque je me démerde pour choper le vinyl et s'il existe pas je me console avec le mp3, heureusement que les ricains assurent comme des bêtes, là bas presque tout sort encore en vinyl. Je devrais même dire surtout en vinyl parce que le cd c'est mort et enterré (bon courage pour fourguer les tiens).
Le bouquin se fini sur la fermeture des grands studios d'enregistrements, mis en faillite par la mode du home studio au même titre que la plupart des fabricants de matériel analogique et même de bandes magnétiques. Ça laisse peu de chance pour qu'on revive un age d'or comme celui qu'on a pu connaitre pour ce qui est du son bien cru et direct sans chichi comme on l'aime. C'est déprimant mais les gonzes apprennent à se servir d'un ordinateur avant même de songer à travailler une composition.
L'épopée de la stéréo est abordée dans le livre, au départ le projet était de lancer la quadriphonie mais dégun n'y a cru, les fabricants de hifi étaient réticents et les maisons de disques encore plus, du coup ils se sont rabattu sur le procédé simplifié à deux voies sans trop y croire. A tel point que grosso modo hormis quelques disques chiadés, tout ce qu'on écoute est de la mono améliorée.
Les maisons de disques étaient également réticentes pour passer au cd, philips et sony ont dû faire des pieds et des mains pour leur faire accepter l'idée qui finalement les aura foutu dans la merde où elles sont maintenant.
Oui, vraiment, ce bouquin est passionnant.
Hugo Spanky
Lu, et apprecié et merci encore pour avoir glissé une illustration avec un nichon ;-)
RépondreSupprimerEnfin quelqu'un qui s’intéresse à l'essentiel de mon talent ))))
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