vendredi 11 octobre 2013

SouthLAnD


Un soleil de plomb dont les rayons toxiques vous transpercent le crâne et mettent votre cervelle en ébullition.
Une chaleur suffocante qui vous fait macérer dans un bain de sueur nauséabond et collant comme de la poisse.
Le corps d'un enfant, pissant du sang à gros bouillon, gisant au milieu de la route.
Des sirènes qui hurlent à vous éclater les tympans.
Une jeune femme nue, violée et tabassée à mort, dont le cadavre a été déposé dans une ruelle sinistre et sur lequel des gamins s'amusent à jeter des cailloux.
Le ballet des gyrophares qui accompagne vos gestes d'animal aux aguets.
Une main sanguinolente jetée sur un trottoir comme on se débarrasse d'un mégot de cigarettes.
Le crissement des pneus de voitures qui arrivent à toute blinde.
Un attroupement de personnes hostiles qui vous insultent et ont une furieuse envie de vous larder de coups de couteaux.
Le regard apeuré d'un de vos collègues qui ne sait quelle contenance adopter.
Des poursuites dans des dédales inextricables où la crasse et le danger pullulent.
Votre cœur qui cogne à vous en faire péter la poitrine.
Un bébé abandonné dans un carton miteux devant un parking.
La colère noire qui vous remue les tripes face à un tel spectacle.
Un merdeux plein aux as qui se croit tout permis et tente de vous amadouer.
Un rictus mauvais qui se dessine sur votre visage à l'idée de le remettre à sa place.
Des coups de feu dans un magasin; un illuminé qui fait son jogging la queue à l'air; une pute accroc au crack qui s'accroche à la vitre de votre voiture et vous quémande du fric; une femme en peignoir qui déambule, l'air hagard, un couteau de cuisine à la main; un énergumène qui balancent par poignée entière des billets de banques aux quatre vents: rien de plus normal, c'est dans l'ordre des choses.
Bienvenue à L.A., ville de toutes les turpitudes.
Bienvenue dans le quotidien des flics de cette ville cauchemardesque.
Bienvenue dans la série Southland.


Alors que tout semblait avoir été dit en matière de séries policières avec «The Shield» (une implacable étude d'une âme corrompue) et «The Wire» (le plus magistrale analyse politique qui soit sur le trafic de drogue et ses ramifications), il faudra désormais prendre aussi en compte «Southland», un autre show qui, au terme de ses cinq saisons, aura lui aussi marqué les esprits.

C'est à une femme, Ann Biderman, que l'on doit le création de cette série dont elle a assuré également la production et une partie de la scénarisation. Et la bougresse n'a pas froid aux yeux: elle n'hésite pas à nous enfoncer le tête bien à fond dans les pires travers de la cité des anges si mal nommée. Si vous pensiez trouver votre dose de glamour ici, vous faites fausse route: ça flingue, ça surine, ça viole, ça bastonne, ça beugle à tout bout de champ; c'est l'antichambre de l'enfer qui nous est donnée à contempler et le spectacle à de quoi vous retourner l'estomac.

Tout débute par l'arrivée du bleu Ben Sherman (interprété par le tendron Benjamin McKenzie, LE point faible du casting car à force d'abuser des ses regards en biais on a envie de le baffer!) qui intègre l'unité des patrouilles de L.A. et se voit attribuer l’officier John Cooper comme formateur. Cooper, dont Michael Culditz sublime le rôle, impose une autorité inébranlable rien que par sa seule présence. Ce type semble taillé dans du granit que rien ne peut effriter et c'est à la dure qu'il éduquera le petiot. Quant on se retrouve face à un Cooper, toute envie de lui balancer des salamalecs nous quitte aussitôt et on se comporte comme une pisseuse face à lui.



Vous me direz en réprimant un bâillement, quoi de plus banal et de déjà vu comme situation de départ sauf que la complexité de ces deux personnages fera toute la différence tout au long du show. Alors que l'on pensait que Sherman avait l'étoffe d'un bon flic, au fil de coups de plus en plus pendable, il finira par perdre toute notre sympathie. Tandis que Cooper se révélera une âme brisée qui ne tient que grâce à son job qui pourtant le conduira à sa perte.


On découvre ensuite la brigade antigang au travers du duo formé par le pondéré, Nate Moretta (incarné par Kevin Alejandro) et le chien fou, Sammy Bryant (joué par LA révélation du show, le formidable Shawn Hatosy). Ces deux là s'entendent comme deux larrons en foire et, alors qu'un danger mortel les attend à chaque tournant de rue, ils asticotent des petites frappes belliqueuses comme si de rien n'était. Ils imposent par leur présence farouche sur le terrain le respect à la vermine. Mais à force de tirer le Diable par la queue, ils finiront par en payer chèrement le prix.

Puis il y a Lydia Adams (sous les traits de l'attachante Régina King) , inspecteur de la criminelle, une sacrée bonne femme au caractère bien trempée qui houspille la hiérarchie dès que celle ci lui met des bâtons dans les roues et qui met un point d'honneur à faire son boulot avec un acharnement jamais pris en défaut. Acharnement si poussé que la plupart de ses partenaires finissent par jeter l'éponge et préfèrent la quitter. C'est le genre de personne qui remuera ciel et terre afin de retrouver une gamine disparue même si parfois au bout du chemin la résolution de l'affaire s'avère des plus cruelles.


Plusieurs points contribuent à la force de cette série.
En premier lieu, il y a sa réalisation qui, en digne héritière de l'école «The Shield», nous plonge au cœur de l'action avec ses caméras portées à l'épaule qui renforcent le réalisme des scènes tournées au cœur même de L.A. Si bien que lorsqu'une course poursuite se déroule, on s'attend presque à ce qu'une bastos vienne se loger dans notre salon. Vient ensuite, l'évolution de ses personnages qui déjoue tous les manichéismes et ne cesse de nous surprendre.


Dewey (interprété par un C.Thomas Howell en roue libre), la tête brûlée insupportable des patrouilleurs, qui jure comme un Tony Montana au nez emplit de coke et qui apparaît comme le pire des branleurs, se révélera bien plus profond et touchant que l'on pouvait l'imaginer. Sammy Bryant, rongé par la relation avec sa tarée de femme et plusieurs traumatismes liés à son job, se trouvera à plusieurs reprises au bord du précipice, prêt à commettre l'irréparable et nous mettra le palpitant en surrégime (il faut le voir affronter l'air buté, devant chez eux, de dangereux malfrats qui ne demandent qu'à le trucider ou être prêt à éliminer de sang froid une enflure pour constater à quel point Shawn Hatosy porte ce rôle au pinacle).

John Cooper nous étonnera constamment face à son attitude (il peu aussi bien terrorisé un marmot pour lui enlever l'envie de traîner dans de rues malfamées que faire preuve de compassion envers une pauvre fille se retrouvant sous les roues d'un bus) et sa fin lors de l’ultime épisode du show, nous laminera jusqu'au tréfonds de notre âme.

L'obstination envers et contre tous dans ses enquêtes et la tristesse qui l'accable quand elle est confrontée à des affaires sordides, nous rapproche de Lydia Adams même si pourtant elle n'est pas exempte de reproches (sa façon d'écraser ses partenaires, son dénie de grossesse apportent une ambiguïté bienvenue à ce personnage).
Quant à Ben Sherman, sa trajectoire du parfait petit flic vers quelque chose de bien plus trouble, nous laisse un goût amer dans la bouche.


L'autre point fort de la série est le choix toujours impeccable de ses guest-stars. Nous avons là d'anciennes gloire de «The Wire» qui viennent en quelque sorte adouber ce show: Wood Harris (le retors, Avon Barksdale dans «The Wire») qui vient jouer un soi disant caïd repenti et Jamie Hector (l'effrayant Marlo Stanfield de «The Wire») qui fait office de parrain des A.A. pour John Cooper. Nous avons également Lucy Liu qui fait un come-back fracassant dans le rôle d'une flic qui ne recule devant rien pour assurer sa promotion, ou bien encore Lou Diamond Phillips (le mec de «La Bamba», oui) épatant en flic teigneux.


Mais ce qu'il fait toute la teneur de cette série, c'est bel et bien son étude d'une précision redoutable du comportement humain. Rien ne nous est épargné: toutes les pires exactions que l'on peut administrer à son prochain, tous nos vices les plus destructeurs nous sont jetés en pâture sans les moindre ménagement. C'est l'art de l'homme pour la destruction qui nous est dévoilé dans ses plus cruelles incarnations: dépendance à la drogue ou à l'alcool, prostitution sauvage, meurtres gratuits, viols, enfance bafoué, famille au bord du gouffre, manigances politiques, abus du pouvoir de l'uniforme, corruption, etc. C'est une litanie sans fin d'horreurs qui se répète jour après jour. Que l'on soit simple citoyen ou flic, personne n'est à l’abri d'un dérapage.
Avec «Southland», c'est le quotidien effroyable qui se cache sous les trompeurs oripeaux de L.A. qui nous est crûment exposé. La ville dans laquelle bien des anges viennent se cramer le ailes pour finir le tête explosée sur le bitume.


Harry Max. 

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5 commentaires:

  1. Pas encore vu mais ça donne envie. Là, on est en plein Dallas, on attaque la saison 4, ça n'a pas pris une ride, c'est dément comme c'est bon et d'une actualité qui fait froid dans le dos. Dallas, série éducative, après son visionnage, t'es prévenu, it's man's man's world. Et l'Homme est un loup pour loup l'Homme, comme chacun sait.
    En alternance, on mate Trémé, saison 3. Encore une série éducative mais on y tape du pied plus souvent, et en rythme !
    Hugo

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  2. Embrouilles au paradis, on dirait... Je jette un oeil direct sur ça. Merci Harry

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  3. Çà à l'air bien sympa oui, je vais aller voir ça de plus près aussi. Là je suis dans Boardwalk Empire saison 2, je me régale.
    Sylvie

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  4. Hugo pour ton anniv tu te tapes dallas,moi je regarde une nouvelle série sur canal"LLylammer" du soprano finlandais excellent à voir ,dja

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  5. Super ton intro, ça me rappelle la Boznie en 96. en tout cas ça m"a donné envie de voir la série.
    juju allin

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