dimanche 30 décembre 2012

BasHuNG, BLeU PéTRoLe



Dans ma ville y a un musée des arts modestes, à voir ce qu'ils exposent s'ils étaient vraiment modestes ils commenceraient par ne pas appeler ça de l'art. Dans ma ville, ils commémorent les 30 ans d'une salle de concerts fermée depuis 25 ans (!) C'est vous dire s'ils commémorent.
Des romans-fleuves asséchés où jadis on nageait



Dans la ville voisine c'est mieux, ils voient les choses en grand, font carrément passer des ersatz de led zep et de pink floyd. Comme si tant qu'à faire ils ne pouvaient pas choisir des bons groupes. 

Le business ne se fait même plus chier à proposer quelques millions de dollars de plus aux membres originaux pour qu'ils se reforment, ils prennent des clones et basta. Le plus beau c'est que les salles sont pleines !  
Les gens sont cons.

Délaissant les grands axes, 
j'ai pris la contre allée


Au milieu de tout ça, Bashung me manque. Et pas un hommage télévisé à me mettre entre les ratiches. Rien. Pas une galette d'inédits, un live, j'en sais rien quoi mais depuis le splendide L'homme à tête de chou, que dalle. A croire que la mort s'est vu retirer son triple A.
Alors j'écoute encore et encore La nuit je mens et je la trouve plus belle à chaque fois. Bijou, bijou.



Pourtant, je l'ai boudé Bashung, un temps. M'en suis détourné, le choix de ses plus récents collaborateurs en est la cause. Il a eu le don de me faire flipper, à toujours choisir des gonzes qui me me pressent les pastèques, celui des louise attaque ou ce manset de cauchemar. 


Du coup je m'étais éloigné vite fait de Bleu pétrole et un peu plus encore lorsque la maladie pointa son vilain nez. Hors de question que je devienne soudain mielleux, sans autre raison, envers un disque que j'avais pris en grippe.
Y a pas que les gens qui sont cons, parfois.
Je me dérobe, je me détache, sans laisser d'auréole


Il aura fallu un mistral glacial qui ne lâche pas l'affaire dix jours durant, puis un cinglant marin pluvieux la semaine suivante pour que me prenne l'envie de me faire consoler.  
Par Venus, tant qu'à y être. Saloperie de chanson, m'a plus quitté d'une semelle. Voir une portée de chatons blottie dans le froid des quais suffisait à faire vaciller ma carapace. Niqué. Me suis enfilé tout l'album à peine sorti du boulot. C'était y a une semaine, il s'est pas éloigné de la feutrine depuis. Malgré les évidents signes de lassitude de ma chérie. Que j'aime.
Elle est née des caprices, pommes d'or, pêches de diamant
 

 
L'album est superbe. Angora, Sur un trapèze, Je t'ai manqué, Je tuerai la pianiste, Hier à Sousse font oublier le pénible Comme un légo et une face 4 un chouïa en dessous. 



Surtout, c'est du pur Bashung, qui que soit l'auteur. Comme toujours en fait. L'homme à tête de chou paru l'an dernier le démontre avec une classe d'outre tombe, du Gainsbourg paroles et musiques et c'est du Bashung qui sort des enceintes. Trop fort l'alsacien basané.

Il m'aura fallu faucher les blés, Apprendre à manier la fourche
Pour retrouver le vrai, faire table rase du passé,
La discorde qu'on a semé, à la surface des regrets
N'a pas pris

Pffff...
Peut souffler tant qu'il veut, le mistral, je suis armé. 

Là dessus cette narcisse se plonge avec délice,
dans la nuit bleue pétrole de sa paire de Levi's

Hugo Spanky

samedi 22 décembre 2012

BiOLaY, VeNGeaNCe


Je ne me suis jamais penché sur le cas de Benjamin Biolay, dont la personnalité en rebute plus d'un. Il est vrai que le gonze a l'allure carrément hautaine et un franc parler qui n'épargne rien ni personne. Pour autant ses prises de positions anti langue de bois ont le mérite d'être souvent juste et de tirer à boulet rouge sur le milieu musical français d'une hypocrisie sans commune mesure.
Le mec agace soit mais qu'en est-il de son œuvre musicale? Plutôt indifférent à son répertoire jusqu'à présent, ce n'est qu'a la faveur de son dernier single en date, qui m'a bien titillé les esgourdes, que je l'ai vraiment découvert.


Sur son dernier album "Vengeance" nombre de titres ont pour influence directe "Play Blessures" de Bashung: Sous le lac gelé, L'insigne honneur et -surtout- Marlène déconne plongent allègrement dans la dark new-wave et mélangent orchestration classique, musique électro et textes sombres. D'autres morceaux baignent dans une atmosphère hip-hop: Ne regrette rien (avec Orelsan) et Belle époque night shop # 2 (avec Oxmo Puccino) de prime abord nous font craindre un résultat catastrophique et pourtant ces deux titres s'en sortent plus qu'honorablement. Quant aux compositions Le sommeil attendraLa fin de la fin et Confettis, d'un abord plus classique, elles bénéficient d'un travail sonore qui rehaussent leur intérêt.


Le morceau titre Vengeance qui est décliné en deux versions radicalement différentes (latine et anglo-française) a du mal à convaincre tout comme Personne dans mon lit et Trésor, trésor qui sont plutôt pénibles (en même temps, comme elles rappellent le style de ce gros naze de Miossec, il faut pas s'en étonner...). 
Les deux pièces maîtresses de cet opus sont le single Aime mon amour (un modèle de chanson pop aux arrangements tarabiscotés avec cuivres dissonants) et la splendide Profite, un duo avec Vanessa Paradis, qui nous envoûte complètement grâce à sa délicatesse musicale combinée à des paroles acides. 
Ce qui frappe dans ce disque bancal mais néanmoins attachant, c'est le travail de production de Biolay. Ce type sait admirablement faire sonner tous ces morceaux (enfin quelqu'un qui sait utiliser une table de mixage; les blaireaux de Canal Plus devraient lui demander conseil...) et a un don certain pour apporter des instrumentations variées et baroques à ses compositions. C'est bien simple, dans notre époque d'une abyssale tristesse musicale, il est l'un des rares à façonner la matière sonore de manière à apporter un souffle nouveau à une chanson française sclérosée qui en a bien besoin. 


Outre son talent de compositeur et d'arrangeur le bougre n'est pas en reste pour ses textes. Avec lui point question de mièvrerie, de langage policé, de bienséance dans les relations sentimentales. Au contraire son discours, âpre et sans concessions, tape fort et nous change agréablement des lourdeurs habituelles dont nous assènent à longueur d'ondes des blaireaux comme M (que quelqu'un l'abatte celui-là!), Jean-Louis Aubert (soit Mr. Nunnuche en chef...), Bruel (le romantique à deux sous) et consorts du même triste acabit.
Bon, on l'aura compris, le Biolay il commence à me plaire et comme je suis passé complètement à côté de son précédent double album "La Superbe" qui, paraît-il est un chef d'oeuvre, je sais ce qu'il me reste à faire.
           
Harry Max

mardi 18 décembre 2012

LeS GReLoTS d'La coURoNNe



D’la bande à Two Tones, mes ti préférés, et ce jusqu’à maint’nant, ont toujours été Ze Beat. Les mélodies, le Son, le Rythme, le cuivre de Papa Saxa, le Toast de Ranking Roger, ouais, sans aucune honte ni gène, Ze Beat !!
Depuis ce premier album où le groupe s’excusait au dos du disque de ne pas avoir eu les moyens d’y glisser les lyrics, mais demandait au public de bien vouloir y faire gaffe, un simple geste… Un truc balaise !



 
La bande à Two Tones était la bouffée d’air frais avec London Calling et en attendant Sandinista, quelque chose d’autre à se mettre entre les oreilles pour sortir de Machine Gun Etiquette et écouter différemment Prehistoric Sounds, mais très sincèrement, c’est les seconds albums de tout ces joyeux p’tits gars qui m’ont collés au plafond, vraiment, j’ai adoré le More Special, le Celebrate the Bullet, bien sûr le Wha’ppen et pour d’autres raisons le Absolutely de Madness.







La bouffée d’air frais sera vite passée, le cap des deux albums, comme un mur du Son, aura fait son tri, la petite poignée de groupes alignés au départ s’écrasera en 1981, exit The Specials, Selecters, Bodysnatchers, mes ti préférés, The Beat, sortiront un album de mieux, en 82, le superbe Special Beat Service, qui tout comme son confrère, et dernier album aussi, de la même année pondu par Jam, le Magnifique The Gift, raccrochera mes oreilles à des rythmics très Soul, toujours équipées de la même puissance de feu Made in 77.
Sorti eux aussi indemnes de ces fatidiques années 81/82, Bad Manners, dont je ne conserve aujourd’hui que le Loonee Tunes et toujours Madness.

On a avec ces deux groupes l’image même de ce qui me pique les yeux !


Le Combat Rock, tout l’monde le sait, s’est arrêté un triste jour de septembre 83, merci à lui.
Deux options alors étaient de mise, s’entériner dans un monde fictif avec des groupes qui rejouent sans cesse le même refrain ou « passer » à aut’ chose, s’épanouir les ouies, s’émanciper des épingles et autres clous, des damiers pour ceux qu’en portaient !
Une connaissance « toute relative » de la musique Jamaïcaine m’avait permis de glisser délicatement dans les Two Tonesries, ces Basses qui roulent comme l’eau d’un torrent sur les galets, le Toast des Deejays qui te bouscule dans la dance. Le Clash ou les Jam, plus encore avec London Calling, Sandinista et the Gift, qui t’ouvraient sur aut’ chose.


Je n’ai jamais été un grand fan des Punks pas mort, jamais trop compris leur utilité, à choisir je trouvais plus intéressant la bande à , Angelic Upstarts, Business, 4 Skins (première main), vilains bourrins, oui, mais tellement plus dans leur élément qu’Exploited, Crass et j’en passe.
Je me suis essayé aux Style Council, General Public et autre Fine Young Cannibals, je n’en ai gardé que les deux premiers albums de Dexys Midnight Runners ou le Jo Boxer !

Y va où l’gars, j’y arrive !

Tout ça remonte à au moins trente ans et mes dernières galettes achetées ne sont aut’ que le premier album des Chantels ; une, superbe, double compil Best Of des Shangri-Las et le Very Best Of des Cadillacs, rien de bien neuf donc mais mon oreille m’oblige, et je l’en remercie, a écouter le dernier album de Madness, et ouais, les même que cité plus haut !


Madness, les Nutty Bwoys version 2012. Si cet album ne me fait pas d’effet bœuf c’est avec un putain d’plaisir de constater que les joyeux lurons sont toujours dans la place et avec quel talent.
Si cet album ne m’envoie pas en l’air plus que ça, le groupe si, toujours. J’avais adoré le second album, plus riche que tous les aut’ trucs sortis à la même époque et j’ai continué à acheter les autres au fil du temps, avec un drôle de goût pour le 7 ainsi que le Rise & Fall, trop…, pas assez …, le Keep Moving de 84 m’avait bien plus accroché, bien que se barrant dans tous les sens, la rythmique générale de l’album m’était plus facile, et puis quoi attendre de ce groupe pas vraiment formaté ! 

 
Quand je réécoute aujourd’hui le troisième album des Members « Uprhythm-Downbeat », je me dégoûte autant que je me fais honte. Ce disque est extra Pourquoi avoir aimé, même avec certaines difficultés, Sandinista, avoir acheté et joué jusqu'à la corne les albums de Ian Dury et laissé celui-ci de coté ?


Eternel problème que le changement, pourquoi «mon» groupe fait-il aut’ chose ?
Pourquoi des uns l’accepter et pas des aut ‘ ?




Si Madness a bien commencé sa carrière avec les ti gars de la vague Two Tone ; du Punk Rock bien Jamaïcanisé donc, le groupe ne s’est pas gêné à très vite faire sa propre musique, Pop !

Un de mes blocages est bien celui-ci, rapprochant systématiquement ce terme de Pop à sheila & ringo, à midi première et rubettes.
Sans doute pour ces mêmes raisons que certain de mes disques n’ont, pendant longtemps, pas vraiment bénéficiés d’une réelle écoute, un truc digne du job effectué.

C’est ainsi qu’au milieu des 90’s, alors que les ondes résonnaient de Carpet Inspirée et aut’ putes à frange, je glissais, le nœud au ventre, dans un Joe Jackson torturé et, suite à une superbe interview de Suggs, où il contait la triste fin du groupe, les moments de doutes, le saxo assurant la tournée matinale des poubelles, eux le groupe emblématique des 80’s, redécouvrais la beauté de deux de leurs derniers albums, plutôt sombres eux aussi.

Mad Not Mad et The Madness, groupe désabusé, se dissolvant, The Madness a été enregistré avec moins de la moitié du groupe.
Ces deux disques, de 85 et 88, ont le Son de leur époque, les lyrics, super bien écris, sonnent graves, tout comme pour le « Blaze of Glory » de Jackson c’est ce qui a dû me causer.
Ce groupes qui avait écrasé les charts avec plus de hits que quiconque, soudain hors propos, trop pop !
1984, c’est un peu mon année maudite, je lui attribut toute les merdes du monde, si les english avait leur Top of the pops, c’est en 84 qu’est apparue chez nous le Top 50, changement radical du rapport avec la zic !
Avant, ceux qui se sentaient concernés se démerdaient pour aller chercher chez le disquaire leurs perles rares, et occasionnellement passer pour un con « M’sieur, z’auriez des albums de Leroy Smart ou Delroy Wilson ? » Likkle Punk in Bangarang Palais !! Du vécu !
Et l’aut con qui te demande si tu préfères pas le dernier michel delpech, dans ton cul connard !!


Ouais, du jour au lendemain c’est plus nous qui allions chercher nos disques, c’est une institution de trou du cul, de plus, qui te disait quoi écouter !
Le monde de la musique n’était plus l’affaire de quelques Misfits et autres Marginaux, elle était devenue un produit de con sommation distribuée sur une échelle tous les jours plus grande. On a le recul aujourd’hui pour savourer l’truc. 


Pour le coup, une partie de la prod devenait vraiment « alternative » quand l’aut suivait le chemin des super marchés.
La « politisation » dans la musique aussi, artistes ou groupes engagés, les bonnes causes. Peut-êt’ que c’est ça qui a causer du tort au groupe, les uns restant sur leurs chapeaux et damiers de 80, d’aut’ dans la pseudo radicalité du moment se voyant tantôt défenseur de l’humanité, d’aut’ du drapeau, les groupes et leur musique au milieu de tout ça, Pfuuu … !



Madness a eu pour folie de la jouer Pop, jamais en aucune façon blasé de ce qui se passait autour deux . Le coté grand n’enfant du groupe ne doit pas faire oublier des chansons telles Grey day ; Uncle Sam ; Tomorrow’s just another day ; le Splendide One Better Day tout comme le Ghost Train ; Don’t quote me on that comme une justification, (qui doit se justifier ?) qu’on peut avoir le cheveu court et des babouches martens sans pour autant êt’ un faf, vraiment une sale époque ! 
Pop, ouais et pourtant on est loin des cochonsetés toutes médiocres audit de ce coté de la manche.

Bien que pas anglais pour deux pounds, c’est avec un réel plaisir que j’ai appris que Madness serait de la fête du jubilé de leur bourrique de reine, ouais, si j’aurais trouvé particulièrement moche une invite faite aux Clash et carrément a gerber une participation des Pistols, c’est avec le smile que d’imaginer les Nutty Bwoys, 30 ans plus tard, représenter une partie de cette populace de la perfide albion.


 
Si ce dernier album ne fait qu’un de plus pour ce groupe je ne saurai que trop conseiller son précédent, le magnifique, y’a pas d’aut’ mot, « The Liberty of Norton Folgate », sublime fresque d’un quartier, aussi libertin que mal famé de Londres.




Dans le même esprit que l’album The Good the Bad & the Queen de Damon Albarn, Madness rend hommage à ce quartier, plein de vie, plein de vrais gens, ceux qu’ont fais Londres, aujourd’hui simple morceau de macadam rapprochant du centre des affaires.
J’en profite, et ce sera bien la seule fois, pour vanter le film de Julien Temple qui accompagne ce disque. Si vous en avez l’occaz, attrapez vous les cinq volumes de ce film sur you tube, zip it up un coup de movie maker pour le reconstituer et vous avez un spectacle de Madness sur scène d’une durée d’une heure, featuring Rhoda Dakar et un big orchestre à cordes et à cuivres, dans un superbe théâtre d’époque, mis en scène et narré par le groupe lui même avec de splendide dessins et gravures elles aussi d’époque.

 
Vraiment magnifique, tout comme l’album qu’il illustre, 12 titres à tomber à la renverse, le groupe est bien meilleur qu’une simple image, un simple riddim. Toujours aussi loufoque, burlesque mais bien plus touchant, le regard porté sur une tranche d’histoire, leur musique d’une rare richesse est ici accompagnée de cordes, cuivres pour une farandole infernale. La musique transpire ce quartier, jouisseurs, artists, mec errants.
Comme je le faisais très finement remarquer à cousin Hugh « ces P…. d’anglais restent leur meilleur sujet de chanson ».
Un album tellement massif que malheureusement le petit dernier « oui oui si si ja ja da da » résonne comme l’album de bons ti gars certes, mais salement débutant !
En plus de trente ans on en a vu défiler, certains nous ont touchés pour plutôt très longtemps, d’autres sont restés une poignée de singles, quelque chose pour se rappeler ou dancer.
Madness, fait parti de ceux qui restent, espèce de Monty Python d’la musique, vilains gentils ptit gars du quartier, popeux en doc martens, on peut rajouter devant ce superbe album, poètes du macadam Londonien et officiellement Grelots d’la Couronne. Aren't They ?

jeudi 13 décembre 2012

iT's a goOD scReaM...BRiaN De PaLMa



Tout commence par un cri. Tout finit par un cri. Voilà le résumé lapidaire que l’on peut faire de « Blow Out » de Brian De Palma. Comme souvent avec lui, son film débute par une mise en abyme : étudiantes dénudées qui se trémoussent sur du disco, couple en train de baiser, meurtre à l’arme blanche commis par une personne difforme ; tout les codes du slasher lambda sont gravés sur la pellicule. Sauf que la séquence se termine dans une salle de projection d’un studio de cinéma alors que sur l’écran une fille se fait trucider sous la douche en manifestant son effroi par un cri grotesque. John Travolta, qui incarne un preneur de son, vanne le réalisateur de cette série Z qui finit par l’envoyer paître et le somme d’aller refaire les pistes sonores d’ambiance derechef. 
Dès lors, le générique du film fait son apparition.


Grâce à ce procédé déroutant, De Palma nous fait perdre à un tel point nos repères qu’un sentiment d’insécurité nous tiendra au corps durant toute la durée du film (et pour cause…).
Ce qui frappe d’emblée dans ce long métrage c’est la composition photographique qui, dans pratiquement chaque image, nous impose les couleurs rouge, bleu et blanc et lui confère une singularité encore plus accrue. Cette palette chromatique a été choisie par De Palma pour symboliser le drapeau Américain puisque son film traite d’un complot politique.

Avec « Blow Out », De Palma assène une leçon de mise en scène à tout prétendu réalisateur. Il invente des mouvements de caméra innovants pour l’époque (la scène en rotation continue dans le studio de prise de son), il crée des compositions de plans d’un baroque absolu (l’hallucinante scène de prise de son sur le pont avec les animaux qui se fondent dans la même image que Travolta , les glaçantes séquences de meurtres perpétrées par ce dingue de John Lithgowet, par-dessus tout, le feux d’artifice final qui enferme nos héros dans une spirale déchirante) et il nous démontre à quel point le montage d’un film peut changer le sens que l’on donne à des images (l’acharnement de Travolta à reconstituer un film de l’accident inaugural).



Déjà exceptionnel de part sa mise en scène, « Blow Out » côtoie l’excellence grâce à l’apport de sa troupe d’acteurs. John Lithgow, en tueur impitoyable et redoutable d’intelligence, nous fout tant le trouillomètre dans le rouge que l’on appréhende chacune de ses apparitions comme le ferait une chochotte de première bourre. Disons-le tout net, ce sale type nous tétanise.



Heureusement Nancy Allen, dans son rôle de call girl, parvient encore à emballer nos cœurs. Cette fois-ci, à contrario de son rôle de pute futée dans « Dressed To Kill », elle incarne une femme fragile, peu sûre d’elle et naïve qui trempe dans des pitoyables affaires de chantages mises au point par une ordure lamentable, impeccablement interprétée par un Dennis Franz dont l’aspect physique crasseux s’accorde à merveille avec son esprit retors. 

Face à sa détresse manifeste, on a qu’une envie : la serrer dans nos bras pour la réconforter. Ce que ne manque pas de faire ce petit diable de John Travolta qui assure une composition de tout premier ordre : tour à tour drôle, touchant, obsessionnel, son personnage passe par toutes les gammes d’émotions et, lorsque la fin tragique nous cueille tel un uppercut d’une violence inouïe, on est totalement ébranlé par la douleur qu’il exprime.
On l’aura compris, ce long métrage ne laisse personne indemne : quand la maestria technique se combine aussi harmonieusement avec l’émotion la plus viscérale, le terme de chef d’œuvre n’a jamais autant mérité d’être employé. 
           
Harry Max

vendredi 7 décembre 2012

L'aNTRe De La foLie...BRiaN De PaLMa


A l'occasion de sa sortie en dvd copie neuve, je n'ai pas pu résister à l'envie de revoir Dressed to kill de Brian De Palma. Ce film est toujours aussi bon et étonnant.
Dès la première séquence nos repères sont bousculés puisque nous assistons, médusé, à une scène de douche d'Angie Dickinson (oui, le sex symbol des sixties qui nous a enflammé dans Rio Bravo et Le point de non retour, notamment) qui se caresse de telle manière que l'on se croirait dans un film érotique lambda des 70's réalisé par Joe D'Amato. On ne comprend que nous sommes bel et bien dans un film de De Palma que lorsque, par enchantement, un homme surgit soudainement derrière elle et se met à la violer. Dès lors le film ne sera plus qu'une succession de scènes malsaines filmées avec une maestria lyrique qui n'appartient qu'à ce sacré Brian. Car ce type n'a pas son pareil pour sublimer n'importe quel moment anodin.
Pour en juger il suffit d'assister à la scène dans le musée de Philadelphie. Durant 8 minutes totalement muettes, il transforme ce qui n'aurait pu n'être qu'une banale scène de drague en un ballet opératique époustouflant grâce à des mouvements de caméras si fluides que nous avons l’impression d’être au plus près de l’action. Bref, nous sommes cueilli par tant de maîtrise des moyens cinématographiques.


Dressed to Kill est donc un brillant exercice de style qui rend hommage de façon appuyé à Vertigo (le musée) et Psychose (le meurtre dans l’ascenseur qui fait écho à celui sous la douche) du grand Alfred Hitchcock. Rien que pour cela ce long métrage serait exemplaire mais, contrairement à ce qu’ont dit certaines critiques, ses personnages ne sont pas sacrifiés au détriment de sa mise en scène virtuose.
Angie Dickinson, en quadra délaissée par son homme qui pour ne rien arranger lui fait l’amour comme une brèle, trouve là le rôle de sa vie : elle se met littéralement à nue et, tel une jeune pucelle, on se laisse emporter par sa quête du frisson sexuel (c’est dire si on est convaincu par son interprétation !).


Michael Caine est mémorable dans son rôle de psychiatre trouble dont on ne sait quoi penser tant son sourire est aussi rassurant que celui de John Lithgow dans Blow Out.  



Nancy Allen insuffle une sensualité affriolante à son personnage de prostituée au grand cœur (on ne remerciera jamais assez De Palma d’avoir mis en avant celle qui fut sa femme durant un temps et qui, grâce à son visage digne d’une poupée et son corps affolant, nous a mis en émoi lors de notre éveil à la puberté).


Keith Gordon, le fils Dickinson dans le film, interprète un petit génie de l’électronique avec ferveur plutôt flippante (d’ailleurs ce diable de John Carpenter ne s’y trompera pas lorsqu’il l’engagerapour Christine pour incarner l’ado possédé par l’esprit de la voiture maléfique) et Dennis Franz joue l’inspecteur teigneux avec son talent habituel.
En somme, tous ces personnages présentent des névroses ou des fêlures qui enrichissent leur caractère et les rendent donc passionnants.


Spectacle total aussi baroque qu’angoissant, Dressed to Kill, nous embarque dans ses péripéties retorses qui nous secouent durablement et nous plongent dans les tréfonds les moins reluisants de la psyché humaine. Avec sa pièce maîtresse Blow Out (qui vous laisse totalement démuni et dégoûté lors de son final tétanisant) et le moins « sérieux » Body Double (qui nous en met plein la vue et qui a un postulat de départ similaire à celui de Fenêtres sur cour),  De Palma récidivera avec panache dans le registre de l’angoisse la plus viscérale. Veine qu’il avait largement explorée auparavant avec Sœurs de sang, Carrie et Furie et qui nous montre, sans conteste possible qu’il est le Roi de la perversion sur pellicule.  
                                                                   
Harry Max