lundi 25 janvier 2021

LeT iT BaCK

 

Mal barré comme on est, je ne suis pas certain que les cinémas soient ouverts d'ici le mois d'août, mais si d'aventure c'était le cas il y a fort à parier que quelques uns d'entre nous seront vautrés sur les strapontins le 21 au soir pour découvrir la nouvelle production Disney. En fait de nouvelle, ça fera alors plus d'un an qu'elle dormira dans des cartons, en attente d'un destin favorable.

Get Back de Peter Jackson, c'est la version lumineuse de Let It Be, le documentaire de Michael Lindsay-Hogg brièvement sorti en salles en 1970, puis en VHS quelques années plus tard, avant d'être mis au rencard par les Beatles eux-mêmes pour cause de mauvaises vibrations émanant de la pellicule. 


On connait le contexte, un hangar de Twickenham, John et Yoko tout pâlot à force de taquiner le dragon, George qui tire la tronche un jour sur deux, Ringo qui bricole Octopus's garden dans son coin et Paul qui tente tant bien que mal de faire démarrer le bourrin. A la manivelle. C'est clair dès les premiers dialogues que l'allumage électronique n'est pas de mise. Il y met de la volonté, Paulo, il explique, développe des idées, les siennes, rien à faire, son face à face tendu avec Harrison et celui plus conciliant avec un Lennon visiblement peu concerné vont surement faire les frais de la nouvelle mise en perspective des évènements. Puisque c'est bien de cela dont il s'agit avec Get Back. Si en son temps Let It Be remplissait son rôle de cinéma vérité sur la désintégration du plus populaire groupe de l'épopée du rock, Ringo Starr et Paul McCartney ont décidé, surement à juste titre, qu'il y avait autre chose à proposer à partir des 55 heures de celluloïd, avant qu'elles ne se désagrègent de la même façon que les souvenirs qu'elles contiennent. 



Trésor culturel s'il en est, tout ce qui touche aux Beatles se doit d'être conservé, c'est donc l'intégralité des bandes qui ont été transférées en numérique pour en assurer l'éternité. Et au prix où est l'éternité de nos jours, il faut rentabiliser l'affaire ou périr. Ringo Starr, Paul McCartney et les veuves respectives des deux autres ont donc levé le véto qui s'opposait à la parution en dvd du documentaire de Michael Lindsay-Hogg, non sans s'y apposer une condition. On y arrive. Avant la ressortie du documentaire de 1970, Let It Be, dans sa splendeur rénovée, Disney sera en charge de distribuer une version love love love de l'histoire : Get Back. Et tant mieux. Après tout ils n'ont pas inventé les images. Peut être étaient-elles un peu surjouées pour sauver les apparences devant les caméras, on s'en branle. Pour voir des gonzes tirer la tronche, on a les chaines infos. Tant qu'à raquer une place de ciné autant laisser le quotidien sur le trottoir, on le récupèrera bien assez tôt en sortant. Pour ce que j'en ai vu, le boulot a été bien fait. L'idée de prendre le mec qui a mis de l'humour potache dans le cinéma gore coulait de source, Peter Jackson ne déçoit pas. Les couleurs sont resplendissantes, le rythme est nerveux et la musique est bonne. On peut pas dire qu'ils se soient foutus de notre gueule, ils ont mis la gomme. C'est tout beau, tout neuf et suffisamment différent pour qu'on ne soit pas dispensé d'acheter le dvd du documentaire original.

 


La conclusion de l'un comme de l'autre ne change pas, c'est toujours sur le toit d'Abbey Road que l'affaire se finit. Le reste, joyeux ou mortifère, n'est au bout du compte que prétexte pour en arriver là. Qu'en 2021 on découvre que les Beatles se sont séparés dans la joie et l'allégresse est tout sauf étonnant et nous en dit plus sur notre époque que sur la vérité historique. Mais ça, va bien falloir apprendre à faire avec.

 Hugo Spanky

Let It Be 1970 Michael Lindsay-Hogg 

(clic droit Enregistrer la cible du lien...)  


Archive.org/Let_It_Be_1970_film 



 

 

mercredi 20 janvier 2021

PHiL SPeCToR


J'ai lu tellement de conneries sur Phil Spector depuis sa mort que j'ai ressorti Let It Be Naked de l'étagère où il prenait la poussière pour vérifier mon impression d'époque sur ce fameux disque qui, en débarrassant l'ultime parution des Beatles de sa post-production, devait démontrer à quel point Spector les avait dénaturé. Du moins selon Paul McCartney. Le disque a depuis retrouvé sa place et j'ai renoncé à polémiquer avec quiconque est capable de préférer ce soufflé raplapla à la pièce montée spectorienne d'origine. Qu'on vienne pas me saouler avec The long and winding road, ce titre n'a besoin d'aucun artifice pour être une mélasse. Et Across the universe sans les chœurs n'existe pas, vu qu'on les chante même quand ils n'y sont pas. Manière de signifier leur approbation Lennon et Harrison avaient très vite réquisitionné Spector pour leurs projets solos, mais que de son côté McCartney ait fait un calcaire, je peux le comprendre, question d'égo. Alors en plein dans sa période leader maximo, McCartney ne pouvait que trouver saumâtre que ce farceur de Lennon valide les bandes sans même prendre la peine de lui en parler. Il n'empêche que l'argument Spector est nul, il a mis des violons sur ma chanson, venant du mec qui a signé Yesterday, j'ai des réserves quant à sa crédibilité.

 





Bref. Il faut aussi être lucide, les productions Spector du début des sixties, celles de son âge d'or commercial, ont été chahuté par le temps, pour la raison toute simple qu'elles étaient spécifiquement conçues pour être écoutées sur les équipements d'alors, mono et peu puissants. Elles utilisaient mille artifices pour s'extraire du flot que déversaient les radios, pour faire vibrer comme aucune autre le haut parleur des valises électrophones. Un peu comme la compression de nos jours. Sauf qu'il ne suffisait pas de sélectionner une option sur la console, fallait inventer, innover, exiger, ériger. Savoir s'entourer aussi (Jack Nitzsche, Sonny Bono). Et puis soyons clair, si le wall of sound transféré en numérique, raboté en mp3, sonne bizarre aux oreilles formatées de nos sinistres années en cours, il n'en demeure pas moins que les chansons transcendent l'habillage, To know him is to love him, Be my baby, Walking in the rain, Baby I love you, Then he kissed me, Spanish Harlem, He hit me (and it felt like a kiss), Unchained melody, Ebb tide...il n'y aura eu guère que les Shirelles et le nectar de Motown pour leur faire de l'ombre.

Son chef d’œuvre absolu, sa signature pour l'éternité, n'est pas River deep mountain high par Ike & Tina Turner en 1966 comme le veut la légende, mais You're lost that lovin' feelin' par les Righteous Brothers avec lequel il atteint tous les sommets deux ans plus tôt. De ce côté là rien n'a changé, le titre est aussi intouchable aujourd'hui qu'hier, étourdissant de beauté.

 




Ensuite, c'est avec Lennon qu'il se réinvente dans la contrainte, minimalisme primal oblige, Instant karma et bien sur l'album du Plastic Ono Band, puis Imagine, Some Time in New York City et My sweet lord avec Harrison pour couronner son comeback en haut des charts. Cette seconde partie de carrière sera moins prolifique, Spector est un homme de singles et la mode est alors aux 33tours ce qui le perturbe quelque peu, mais elle sera encore riche en disques façonnés pour accompagner toute une vie (Leonard Cohen, Dion, Ramones). Elle sera aussi ponctuée d'intenses péripéties flirtant avec une folie furieuse de plus en plus affirmée (l'enregistrement de Rock'N'Roll pourrait à lui seul justifier un roman) et trouvera sa conclusion avec le Season Of Glass de Yoko Ono, un disque maculé de sang, ponctué de coup de feu.

 


La fin de l'histoire est un chapitre supplémentaire à ajouter au sommaire de Hollywood Babylone, le producteur fou et l'actrice ratée s'anéantissent mutuellement au terme d'une nuit de trop à fuir une réalité contre laquelle on ne gagne jamais. S'étriper sur le sujet ne sert à rien sinon alimenter des réseaux qui n'ont de sociaux que le nom, Phil Spector est mort en prison en payant sa dette. A nous d'honorer la notre.


Hugo Spanky

Spector, le film


vendredi 15 janvier 2021

Bye Bye SylVaiN SylvaiN


Sylvain Sylvain est mort. Vous m'en direz tant. Sylvain Sylvain, Syl Sylvain pour les intimes, Sylvain Mizrahi pour la famille, un nom à se faire insulter sur twitter de nos jours, un nom qui ressemble à qui il était, juif né en Égypte, enfance en France, New Yorkais dès l'adolescence, un vagabond. I'm a wanderer, I roam around around...

Sylvain Sylvain c'est la gratte rockabilly sur les deux disques des New York Dolls, canal de gauche (Johnny Thunders est à droite, les trois autres au milieu et en avant Rock!), c'est aussi lui composait les chansons les plus roublardes, celles qui auraient pu faire d'eux des stars si des programmateurs radio mal avisés n'avaient pas décidé de les laisser dans leur caniveau. Ces gens là mériteraient d'être emprisonnés, si vous voulez le fond de ma pensée. Faudrait remettre La Bastille en fonction pour s'occuper de leur cas.  Faire justice. Surtout qu'il va persévérer à composer des merveilles ignorées, des sucreries fraiches et toniques comme l'air chargé de rosée du petit matin. Deux disques de mieux enregistrés avec une bande de ritals ou en trio (The Teardrops), un gars, une fille et lui. Deux disques que le temps n'a pas encore découvert, il n'est pas le seul, tant mieux, ils sont toujours comme dans mes souvenirs, nerveux, pas guindés pour deux sous, diablement enjoués. Crowded love, Lorell, Formidable, Teenage news, Every boy and Every girl, Deeper and deeper, Sorry, No dancin'... Du rock'n'roll de rêve pour faire voltiger les jupes des filles. Au dos de la pochette il remercie Meat Loaf pour la bouffe et Chic pour les bières, solidarité des crapules. 



Avant ça, il avait mis en forme le premier album en solo de son acolyte David Johansen avec qui il partagera l'obsession de vouloir faire exister les New York Dolls sans Johnny Thunders, ni Jerry Nolan. Une quête vaine là encore, même si quelques couillons s'y feront prendre dans des années 2000 décidément mal embouchées. Sans doute que ça lui aura permis de profiter un peu plus à son aise des quelques années qu'il lui restait à partager avec nous.

Sylvain Sylvain est mort d'un cancer, comme un grand, lui qui était resté le gamin du lot. L'espiègle aux bajoues barrées d'un sourire de Gavroche, dont il avait adopté la casquette. Tête frisée et mascara, fan de John Lennon, Elvis et Marc Bolan, amoureux du Doo Wop et des nuits sans fin. Du Funk aussi, par lequel il avait été contaminé après avoir flashé sur Prince et auquel il annonce vouloir se consacrer au début des années 80. Il bricole un disque qui ne sortira pas des cartons, RCA lui rend son contrat en 1982, plus jamais il n'aura les honneurs d'un label mainstream. Inlassablement, il accompagne David Johansen ou Johnny Thunders au long de tournées à travers le vaste monde qui leur feront à tous plus de mal qu'elles ne leur rapporteront de thunes. Il y a deux ans de cela, il avait fallu faire appel à une cagnotte solidaire pour qu'il puisse accéder aux soins. Qu'importe, c'est la vie qu'ils avaient choisi, drogues, cascades de champagne et p'tites pépées, même si de moins en moins joliment emballées. 

 





Durant ses dernières années d'insouciance il avait écrit son livre, avait témoigné pour de nombreux documentaires. Sylvain s'était vu octroyer le titre respectable de membre honoraire des légendes de Manhattan, sorte de mémoire encore vive d'un temps révolu où les complexes restaient au vestiaires. Un temps où l'on savait danser sur les tracas plutôt que de se les refiler sur les réseaux sociaux. Un temps qui nous échappe un peu plus à chaque nouveau départ vers d'autres galaxies.

Sylvain Sylvain est mort. Bye bye baby doll.


Hugo Spanky