jeudi 17 octobre 2013

Go-Go WasHiNGToN DC !



Tandis qu'à New York, Sylvia Robinson secouait le cocotier à grand coups de maxi-singles signés Sugarhill Records, à Washington une autre éphémère gloire des 60's, Chuck Brown, s'activait à donner vie à une autre sorte de Funk, le Go-Go DC.


Moins dépouillé que le Hip-Hop New-Yorkais, le Go-Go n'en partage pas moins les mêmes influences Electro-Funk, le même désir de dégraisser ce Funk qui au fil des 70's n'avait eu de cesse de se gonfler d'ornements, parfois brillants, trop souvent étouffants, rarement tranchants. Le Go-Go, Chuck Brown et Trouble Funk en tête, va se charger de revigorer tout ça. Dès les pochettes, leurs disques affichent la différence, couleurs criardes et chamarrées, X vengeur, symbolique guerrière, motif primitif de l'art africain tel que refaçonné par Basquiat, autant d'images choc pour signifier que la musique qu'elles abritent cogne dur au cœur du tempo. Le Go-Go garde les cuivres mais les utilise comme autant de coups de feu, les percussions déboulent en embuscade, emplissent l'espace sonore tantôt en rototom, tantôt cherchant la transe tandis que les basses deviennent infra pour la première fois et qu'au dessus de ce fatras apocalyptique se posent les voix. Guère de mélodies sophistiquées, le Go-Go c'est le règne de l'apostrophe permanente façon Nouvelle-Orléans, le fameux question/réponse, Inané/Olaé ! De quoi rendre jobastre le plus statique d'entre tous alors même que la fête bat son plein sur le dancefloor. C'est qu'il faudrait être sacrément bien riveté au sol pour ne pas se lâcher lorsque la déferlante de sonorités, à l'impact en forme d'uppercut de Mike Tyson, vous saute à la gorge.


Chuck Brown n'en est pas à son coup d'essai en ce début des 80's. Après avoir passé quelques années derrière les barreaux durant la première moitié des 60's, condamné pour meurtre en état de légitime défense, il forme les Soul searchers avec lesquels il enregistrera plusieurs albums durant la décennie suivante avant de s'atteler à l’œuvre de sa vie. A sa suite apparaîtront toute une palanquée de groupes aussi méconnus que bourrés de qualités, des machins tout en énergie brutes, Rare Essence, Experience Unlimited (EU) Junkyard Band, Double Agent Rock, Mass Extension, Hot Cold Sweat, Redds and the boys, tous mélangeant avec élégance mais dans un joyeux foutoir rap, funk, dub, guitares et percussions. Les Run DMC retiendront la leçon.




Musique de clubs alors que le Hip-Hop vivait sa genèse dans la rue, le Go-Go gardera une mauvaise réputation de musique mafieuse, coupable d'avoir fait danser trop de Stagger Lee, de pimps à la gâchette facile. Régulièrement entachées de règlement de compte, les soirées Go-Go ne franchiront jamais les frontières de Washington et le genre périclitera sans avoir connu de reconnaissance nationale, encore moins mondiale. Hormis Trouble Funk rapidement signé par Sugarhill records, rares seront les groupes à décrocher le moindre hit malgré le soutien de Island records et le financement par son magnat, Chris Blackwell, d'un film consacré au genre, Good to go. Qui se ramassera un bide dont on ne se remet pas. Chuck Brown se reconvertira dans un registre plus soft, quelque part du côté de George Benson malgré une fougue plus proche de James Brown. Il s'éteint en 2012, respecté mais jamais vraiment reconnu pour ce qu'il fut, un authentique original, créateur d'un son qui n'a pas pris une ride. Écoutez son We need some money pour vous en convaincre. 




 
Reste quelques compilations du genre, véritables bombes honorant le slogan du Go-Go : Drop the bomb ! Go-Go Crankin' est l'une d'entre elles, regorgeant de morceaux démoniaques au sein desquels on peut reconnaître les prémices de Prince, du Dancehall ou du Rap triomphant des 80's sans qu'elles aient quoique ce soit à leurs envier. J'ai raflé le disque dans un carton humide à l'occasion d'une brocante automnale, pile en face d'un stand de disques sans que cette mirifique galette ait éveillé le moindre intérêt de quiconque. L'ignorance des autres fait le bonheur des uns.


Hugo Spanky 

Ranx, le sommaire. 

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