Tandis qu'à New York,
Sylvia Robinson secouait le cocotier à grand coups de
maxi-singles signés Sugarhill Records, à Washington une
autre éphémère gloire des 60's, Chuck Brown, s'activait à
donner vie à une autre sorte de Funk, le Go-Go DC.
Moins dépouillé que le
Hip-Hop New-Yorkais, le Go-Go n'en partage pas moins les mêmes
influences Electro-Funk, le même désir de dégraisser ce Funk qui
au fil des 70's n'avait eu de cesse de se gonfler d'ornements,
parfois brillants, trop souvent étouffants, rarement tranchants. Le
Go-Go,Chuck Brown
et Trouble Funk en tête, va se charger de revigorer tout ça.
Dès les pochettes, leurs disques affichent la différence, couleurs
criardes et chamarrées, X vengeur, symbolique guerrière, motif
primitif de l'art africain tel que refaçonné par Basquiat,
autant d'images choc pour signifier que la musique qu'elles abritent
cogne dur au cœur du tempo. Le Go-Go garde les cuivres mais
les utilise comme autant de coups de feu, les percussions déboulent
en embuscade, emplissent l'espace sonore tantôt en rototom, tantôt
cherchant la transe tandis que les basses deviennent infra pour la
première fois et qu'au dessus de ce fatras apocalyptique se posent
les voix. Guère de mélodies sophistiquées, le Go-Go c'est
le règne de l'apostrophe permanente façon Nouvelle-Orléans, le
fameux question/réponse, Inané/Olaé ! De quoi rendre jobastre
le plus statique d'entre tous alors même que la fête bat son plein
sur le dancefloor. C'est qu'il faudrait être sacrément bien riveté
au sol pour ne pas se lâcher lorsque la déferlante de sonorités, à
l'impact en forme d'uppercut de Mike Tyson, vous saute à la
gorge.
Chuck Brown n'en
est pas à son coup d'essai en ce début des 80's. Après avoir passé
quelques années derrière les barreaux durant la première moitié
des 60's, condamné pour meurtre en état de légitime défense, il
forme les Soul searchers avec lesquels il enregistrera
plusieurs albums durant la décennie suivante avant de s'atteler à
l’œuvre de sa vie. A sa suite apparaîtront toute une palanquée
de groupes aussi méconnus que bourrés de qualités, des machins
tout en énergie brutes, Rare Essence, Experience Unlimited
(EU) Junkyard Band, Double Agent Rock, Mass
Extension, Hot Cold Sweat, Redds and the boys, tous
mélangeant avec élégance mais dans un joyeux foutoir rap, funk,
dub, guitares et percussions. Les Run DMC retiendront la
leçon.
Musique de clubs alors
que le Hip-Hop vivait sa genèse dans la rue, le Go-Go gardera
une mauvaise réputation de musique mafieuse, coupable d'avoir fait
danser trop de Stagger Lee, de pimps à la gâchette facile.
Régulièrement entachées de règlement de compte, les soirées
Go-Go ne franchiront jamais les frontières de Washington et
le genre périclitera sans avoir connu de reconnaissance nationale,
encore moins mondiale. Hormis Trouble Funk rapidement signé
par Sugarhill records, rares seront les groupes à décrocher
le moindre hit malgré le soutien de Island records et le financement
par son magnat, Chris Blackwell, d'un film consacré au genre,
Good to go. Qui se ramassera un bide dont on ne se remet pas.
Chuck Brown se reconvertira dans un registre plus soft,
quelque part du côté de George Benson malgré une fougue
plus proche de James Brown. Il s'éteint en 2012, respecté
mais jamais vraiment reconnu pour ce qu'il fut, un authentique
original, créateur d'un son qui n'a pas pris une ride. Écoutez son
We need some money pour vous en convaincre.
Reste quelques
compilations du genre, véritables bombes honorant le slogan du
Go-Go :Drop the bomb !Go-Go
Crankin' est l'une d'entre elles, regorgeant de morceaux
démoniaques au sein desquels on peut reconnaître les prémices de
Prince, du Dancehall ou du Rap triomphant des
80's sans qu'elles aient quoique ce soit à leurs envier. J'ai raflé
le disque dans un carton humide à l'occasion d'une brocante
automnale, pile en face d'un stand de disques sans que cette
mirifique galette ait éveillé le moindre intérêt de quiconque.
L'ignorance des autres fait le bonheur des uns.
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