mercredi 25 juillet 2012

PuBLiC eNeMy 2012



Je ne sais pas comment aborder cette chronique. Public Enemy sort un nouvel album encore meilleur que le précédent. Public Enemy est un groupe dément. Vous devez aimer Public Enemy. Public Enemy donne plus de satisfaction à un Rocker que tous les groupes à frange du monde. 7red et moi en sommes témoins, Public Enemy est capable de transformer ses concerts en hommage à James Brown, décédé 3 mois plus tôt, sans se retrouver à la ramasse. Loin de là. Ces mecs sont pas des branques.

Sauf que j'ai l'impression de pouvoir faire 10 pages comme ça, dégun n'ira faire trois clics pour télécharger cette merveille de Most of my heroes still don't appear on no stamp (clin d'oeil à Fight the power pour les quelques-uns qui suivent)
Je le sais, Public Enemy ça fait 25 ans qu'à chaque nouvel album je me fracasse sur l'indifférence générale. 



Alors, je m'installe en sentinelle. Je scrute le terrain. J'agite mon petit drapeau. Et me contente de délivrer le message: Public Enemy sort un nouvel album et un second est annoncé pour Septembre. 

Pour dire ça, j'avais imaginé ériger des ponts, dresser des sémaphores, bâtir mes phrases comme on bâtissait des édifices, tracer des droites, des parallèles. Et puis non. Public Enemy se suffit à lui seul, l'album est là, franc, massif, il remplie sa fonction, relance le débat, annonce de nouveaux concerts.
Run til it's dark placé en ouverture devrait convaincre quiconque s'y risquera. Groove qui vous saute à la gorge, solo Funkadelien, entre matraquage furieux et psychédélisme, P.E pose les bases d'un disque innovant, sans faille et doté d'un single de folie (I shall not be moved).




Depuis l'aube des années 2000, le crew a compensé le départ de TerminatorX par un DJ Lord ultra créatif mais aussi par l'adjonction d'un véritable groupe guitare/basse/batterie, le résultat est unique, en équilibre savant sur les frontières musicales, P.E jongle avec les influences jusqu'à affirmer un son unique bien au delà des genres.



Niveau textes, pas de signe de fléchissement non plus, Chuck D, Professor Griff et Flavor Flav sont toujours sur le qui-vive et apostrophent Obama au même titre qu'ils secouent chacun d'entre nous. 
De quel bois est fait Chuck D ? Ce gars là lâchera son dernier souffle le poing serré. Comme Joe Strummer avant, comme Bruce Springsteen encore maintenant, Chuck D s'inscrit dans une tradition dont la définition se perd dans le temps. Il faut de la culture, de l’intérêt pour l'histoire et un sens de la remise en cause qui va au delà des opinions politiques pour suivre ces trois là.

Par chance, il suffit d'avoir deux pieds pour danser sur leurs rythmes.

Do the right thing !

                                                                  Hugo Spanky 


mardi 17 juillet 2012

BiLLy wiLDeR aVaNTi !


Parmi tout ceux (et ils sont nombreux) à avoir voulu, caméra sur l'épaule, dépeindre l'Homme dans ses travers du quotidien, dans ses fourberies conjugales les plus veules, dans ses faiblesses les plus intimes, aucun jamais ne sera arrivé à la cheville de Billy Wilder

Sept ans de réflexion et Certains l'aiment chaud avec Marilyn Monroe candide comme jamais, La garçonnière avec son acteur fétiche l'impayable Jack Lemmon et Shirley McLaine, La grande combine toujours avec Jack Lemmon en arnaqueur culpabilisant, Embrasse moi idiot avec Dean Martin et Kim Novak. Autant de comédies grinçantes, mais chargées d'amour envers les protagonistes, autant de réussites secouant dans les grandes largeurs les tabous de leur époque.
Et lorsqu'il teinte ses films de noir, c'est le lustre du sublime qui les éclaire, Témoin à charge en est un parfait exemple, doté d'un casting de rêve, Marlène Dietrich, Charles Laughton, Tyrone Power, ce bijou s'élève dans des hauteurs seulement atteintes par Alfred Hitchcock. Et que dire alors de son coup de maître, l'impeccable et effrayant de cynisme Assurance sur la mort ? Chef d’œuvre parmi les chef d’œuvre du polar le plus noir.



Malgré mon admiration sans borne pour Billy Wilder, ce n'est pourtant que tout récemment que je suis tombé sur l'une de ses dernières réalisations, Avanti ! de 1972. Un de ses films les plus méconnu et mésestimé.
À l'époque de sa sortie en salles, Avanti ! avait fait un bide. Billy Wilder voulait renouer avec l'esprit de ses comédies des années 50 et 60 avec ce long-métrage mais les spectateurs des années 70 étaient malheureusement passés à autre chose (Arthur Penn et compagnie avaient déjà frappé...). 

Mais ceux qui connaissent son oeuvre ne peuvent qu'apprécier cette comédie douce amère où Jack Lemmon fait, une fois de plus, des étincelles en américain speedé venu récupérer le corps de son père décédé d'un accident de la route en Italie. Bien décidé à expédier l'affaire au plus vite (l'enterrement doit mobiliser le nec plus ultra du gratin people des States) notre homme se fait vite calmer par la langueur des italiens, avant de se faire embobiner avec délice par un sacré bout de femme qui met à mal toutes ses convictions et qui, peu à peu, le mène à se  laisser aller à la douceur de vivre. C'est un régal ! 


Juliet Mills n'est pas en reste non plus dans son rôle de femme complexée par son poids qui n'hésite pas à se montrer fantasque. 
Et puis tous ces personnages truculents ayant un grain de folie (le groom fourbe et maître chanteur, sa compagne à moustache, l'employé de la morgue et sa réserve inépuisable de tampons encreurs, la famille plus que pittoresque dans la propriété de laquelle s'est échouée la voiture du père de Jack, le diplomate qui manque de tout faire capoter entre le couple adultérin vedette, etc.) sont une source de quiproquos désopilants. 
  

Il se dégage de ce film une atmosphère de bien-être qui nous donne qu'une envie: lâcher prise, abandonner fissa tous nos tracas et envoyer paître tous les casse-pieds qui nous enquiquinent  pour aller goûter aux vertus apaisantes de l'Italie. Bref, Mister Wilder nous remet la patate et nous encourage à plus de frivolités; à reprendre goût à l'amusement et au batifolage. Et ce ne sont pas Macadam Cowboy (sorti en 1969) et consorts qui nous auraient procuré une telle joie. 
Alors bide commercial ou pas, croyez moi, des films qui lui sont contemporains Avanti ! n'a rien à envier, bien au contraire !

samedi 7 juillet 2012

ma hoMeToWn



1982, je déboule à Toulouse, 15 ans, envie de bouffer le monde, de découvrir de fond en comble ma septième ville, déjà. J'habite un bloc entre deux palissades dans un quartier en création destiné à combler le no man's land entre l'avenue de Lyon et celle des Minimes. Ça me va, les terrains vagues c'est mon élément naturel. Juste en face de la casbah, le canal du midi, une passerelle pour l'enjamber et la rue de la concorde qui file vers le centre ville. Je connaîtrais très vite le chemin par cœur.


Le Toulouse des années 80 pour ceux qui l'ont connu, c'est la petite Barcelone, c'est les rues encore pavées, les rats d'Esquirol, les bastons entre Rockers maçons et punks maigrichons, c'est le quartier arabe qui s'étire de St Sernin jusqu'au boulevard Lascrosses, c'est Marengo, ses bars de quartier aux odeurs de Gitanes papier maïs, les concours de coinche, le bruit des trains de marchandises qui couvrent, un instant seulement, la gouaille populaire, c'est les abattoirs des allées Charles de Fittes, le toboggan des allées Jules Guesde et les arcades du capitole, à ce moment là un repère de voyous entre bistrots borgnes et salle de jeux, mon lieu de prédilection, armé de mon allume-gaz, à faire cracher 99 parties gratuites au Space invaders jusqu'à ce que le fusible ne fasse tilt. Angoisse de l'écran noir.

Ce Toulouse n'existe plus. Les abattoirs sont devenus Le musée d'art contemporain, un machin hideux pour artistes à la con (pour artistes, quoi) dans lequel comate une dizaine de fonctionnaire tête à claque en lieu et place des grands gaillards aux tabliers ensanglantés qui nous refilaient du steack première pression à froid lorsque le petit matin se dessinait sur la Garonne, calant nos estomacs d'un bloc de solide après des nuits trop chahutées. Mais dignes.

Marengo a été entièrement rasé, les petites toulousaines défraîchies ont laissé place aux tours de bureaux, l'école vétérinaire à une médiathèque dont la vision donne des envies de meurtres. Les arcades du capitole, c'est la même, des peintures de goliosses pour ceux qui marchent la tête en l'air et des bars pour bourgeois rivés sur leur cul, occupés à mater une place du capitole devenue symbole de toute cette mégalomanie merdique. Voilà une place toute simple et vivante, comme la ville qui l'entourait, qu'un maire fils à pôpa à voulu emblème de l’Occitanie. Rien que ça.


Oui, les années 80, tellement moquées ailleurs qu'ici, restent ce qu'on a eu de meilleur. Le dernier souffle du monde ouvrier, ce moment où la banlieue tutoyait le centre ville. Pas de chapelle, les crêtes sur la tête, les bas résille déchirés, les poses attention j'ai le regard drogué, tout ce cinéma, faisait marrer tout le monde, pis quand ils l'ouvraient trop c’était castagne récréative avec toujours la même issue. Les sid vicious dans les jupons de leur mères. Comme l'original, d'ailleurs. Et les Crazy Cavan calés devant leur boc, les coudes sur le zinc. Un monde parfait.

C'est tout ça que je découvrais, naviguant dans les ruelles parallèles, individu solitaire avec mes couteaux dans chaque poche, mes chemises La redoute et mon perfecto en peau de zboub'
Oh, pas que j'étais le dernier pour distribuer des beignes mais la mort d'Elvis m'avait montré un autre chemin, depuis Août 77 et cette journée hommage où les radios n'avaient quasiment joué que lui, j'étais collé. Rock'n'Roll addict. Dans chaque ville où je viendrais à habiter ma priorité restera la même, découvrir les disquaires, les marchés, les centres de déstockage des zones industrielles. Marcher, marcher, marcher. Ma quête.
A Antibes, j'avais amassé les Elvis, Gene Vincent, Jerry Lee Lewis, Eddie Cochran, souvent via des compilations cheap de supermarché. 
A Dijon, j'avais élargis aux Who puis à Clash, celui de London Calling et Sandinista, le meilleur, j'avais aussi tâté du Hard Rock et bien sur de ce Funk qui éclatait de partout avec ses hits en multicolor vision style.


 
J'étais mûr, l'esprit grand ouvert, près à découvrir encore et encore. Mais quoi ? Qui ? La new wave ? Allez, vous foutez pas de ma gueule, plutôt crever que de ressembler à un corbeau. J'étais plein de vie, le sang des ancêtres qui cogne dans le bouzinga, pas le genre à me morfondre, à me trouer les veines. Rien à foutre des chialeuses. Mes centimes n'iront pas chez le dealer. Si je trimbalais des sacs entiers de Batman, Superman, Rahan, vestiges de l'enfance, si je chouravais les hara kirirock & folk de mon frangin pour aller fourguer tout ça, au poids, chez les bouquinistes du marché, c'était pas pour cramer le pognon comme un couillon, fallait pas qu'ils comptent sur moi pour se payer leur Taverniti, les refourgeurs de mauvais rêves. Rien à foutre, tout ce que je voulais, c'était de la wax bien noir, du vinyl qui chauffe, des cassettes que j'userai en série, du son qui débourre les enceintes. Du rythme et de la vie. Célébration !

J'en étais là lorsqu'un voisin m'a causé de Bruce Springsteen. Je connaissais les pochettes, l'air boudeur et les chemises à carreaux mais je m'y étais jamais tenté. Pauvre de moi, je croyais encore ce qui se lisait dans les magazines spécialisés : ses disques sont pas au niveau de ses concerts, il arrive pas à retranscrire son énergie en studio. Hum, pour un gonze nourrit aux Who et au Rockab', ça suffisait pour foutre les miches. En plus, ce voisin, j'étais méfiant, il s'alignait Neil Young, Alan Parson Project, Christopher Cross et trouvait ça génial, olala, de quoi il jacte celui là avec son dernier Bruce Springsteen. Et puis il m'a fait une cassette et j'ai écouté la chose, Nebraska. Wow, effectivement l'énergie n'est pas franchement au programme pourtant y a ce Atlantic city qui me remue en dedans, State trooper, le captivant morceau titre aussi et bientôt ce Johnny 99 qui s'impose l'air de rien. Et y a ces textes, des tranches de la vie ordinaire lorsqu'elle dérape côté ravin, bien loin des histoires de groupies qui se font ramoner à l'arrière des tour bus. Intrigant ce Bruce Springsteen.

Bien décidé à en savoir plus je m'offre une descente rue Alsace Lorraine au royaume des malhonnêtes, Martin Gauthier, le disquaire tentation avec ses bacs alignés, je confesse, j'ai rempli le sac de sport des dernières galettes à la mode, suis allé déballer le tout au marché du Capitole et en échange me suis récupéré mon premier Springsteen. Un live puisqu'en studio c'était soi-disant pas ça, un bootleg bien cheap capté à Amsterdam une paire d'années plus tôt.
Quiconque connaît les pirates de l'époque aura pigé que mon choix était osé, le machin sonnait comme une merde, on aurait dit qu'un asthmatique agonisait devant le micro. Malgré tout, il se passait quelque chose, y avait de la vie dans les sillons. Night, Tenth avenue freeze out, Spirit in the night, She's the one, Rendez-vous, Lost in the flood, Thunder road, des titres bizarres, des mélodies venue d'Harlem plus que des bords de la Tamise, un sax qui s'extirpe du brouhaha et ce martèlement sans faille. Et plus encore, parce que c'est surtout ça qui s'entendait, un public devenu complètement jobastre ! Putain de disque de hurlements que ce pirate. Mazette, voilà qui m'en bouchait un coin, j'en grinçais des ratiches.
J'ai quand même fini par mettre le dossier au rencard, le gars Springsteen venait jamais en France, encore moins en province et j'avais d'autres pistes à explorer.


Printemps 1984, voilà qu'un nouvel album de Bruce Springsteen déboule en bac. Cette fois je fonce, sans en savoir plus, dès le jour de sa sortie, je flambe le billet pour découvrir la chose. Sans doute que comme ses prédécesseurs ce nouveau disque n'aura qu'un vague succès d'estime parmi un maigre public d'initiés, sans doute que Bruce Springsteen ne tournera pas plus vers chez nous qu'il ne l'avait fait jusqu'alors. Qui veut entendre des histoires de villes à l'abandon, de souvenirs rasés à coup de bulldozer, de métallurgistes au chômdu, de frustrations sentimentales, de fierté et du refus de baisser la tête et les bras ? Qui ?
Tant pis si je devais être le seul à craquer là dessus, m'en foutais, les échos d'Hank Williams saisit dans Nebraska me hantaient, je ne pouvais pas m'empêcher d'y revenir encore et encore avant de retourner à l'ordinaire. Je verrais bien, ce nouvel album m’amènerait peut être des réponses. Je cogitais comme un malade en arpentant le boulevard de Strasbourg, et si je m'étais précipité ? Et si ça valait que dalle ? Pourquoi, j'ai pas pris le temps de l'écouter avant ? C'est cette pochette qui m'a claqué dans les mirettes, pfff, me suis fié à l'emballage, quel con. J'ai remonté la rue de la concorde, enjambé le boulevard Matabiau, le canal, le boulevard des Minimes, j'ai grimpé les escaliers 4 à 4, suis entré dans l'appart sans faire le coucou à maman, ai refermé la porte de ma chambre, j'ai défait le cellophane, enclenché la cassette dans le ghetto blaster.
Born in the USA que ça s’appelait...


                                                                                                         Hugo Spanky


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