vendredi 17 février 2023

MaRC BoLaN ☀️ the RiSe aND FaLL oF ZiNC aLLoY 🌘



En France beaucoup ont connu T.Rex de la bouche de Jane Birkin, je suis de ceux là. J'avais retenu les noms égrainés par l'ex fan des sixties et foncé vers la sempiternelle pile de disques de mon frangin. Point de Janis Joplin, ni d'Otis Redding mais un T.Rex, oui. Je n'ai pas les mots pour décrire la sensation que procure un album comme Tanx dans l'innocence de la découverte, toutes ces mélodies empreintes de magie, ces curieuses chansons construites de bric et de broc en additionnant des petits riens qui font un grand tout. Ces fins abruptes, en éclat de rire, ces choeurs féminins haut perchés et le spleen délicat qui s'infiltre en vous. This is a song that I wrote when I was young and I call it the Broken hearted blues... Marc Bolan touche au coeur, se foutant un peu beaucoup de savoir si il est juste dans le ton, pile sur le temps ou si son espiègle Left hand Luke exploite au maximum son potentiel commercial. Voila pour mon accès au royaume.

Le sujet du jour Zinc Alloy and the Hidden Riders of Tomorrow parait l'année suivante en complexifiant la voie tracée par Tanx. Ce disque phénoménal marque paradoxalement le déclin de la machine à garnir les charts, la T.Rexstasy est définitivement enterrée, en moins de deux ans Marc Bolan passe de phénomène tel qu'on n'en avait pas connu depuis les Beatles à total has been. En chemin il épouse Gloria Jones avec qui il partagera dorénavant chaque instant, elle intègre la formation et sa voix aussi peu orthodoxe que celle de son époux sera dès lors omniprésente sur les enregistrements. Le résultat ne manque pas de susciter l'hostilité des fans comparant leur couple à celui formé par John Lennon et Yoko Ono. Rien ne peut ravir Marc davantage que d'être comparé à Lennon.



Zinc Alloy and the Hidden Riders of Tomorrow est un album difficile d'accès, intensément acidifié son sucre est de celui qui monte à la tête. Tellement peu racoleur que public et médias n'y comprendront pas grand chose sur le moment et longtemps encore par la suite. Son titre à rallonge en clin d'oeil à celui qui fit star son ami au regard vairon vaut à Bolan une réputation de suiveur, qu'importe si The Rise and Fall of Ziggy Stardust and the Spiders from Mars empruntait lui même aux titres alambiqués affectionnés par la première incarnation de T.Rex, le jeu de miroir était trop subtil. Le jovial bouffon qui ambiançait les adolescents avec Get it on ne fut pas autoriser à grandir. Ainsi va l'injustice que parfois le sablier répare.

Entre l'artiste et son producteur ça ne va guère mieux, les dissensions apparues durant l'enregistrement de Tanx atteignent l'irreversible, là où Tony Visconti veut exploiter la formule à gros sabots mise au point pour Electric Warrior et The Slider, Bolan souhaite la faire joyeusement dérailler, détraquer la mécanique quitte à défigurer quelque peu ce qui pourrait être de glorieux singles. Il refuse d'intégrer le hit 20th century boy à l'album et planque des solos torturés dans les recoins, l'époque était à Elton John et David Bowie et ce dingue voulait sonner comme Hendrix se plaindra Tony Visconti en quittant définitivement les séances de mixage. 


L'hystérique Venus loon emporte tout dès l'ouverture du disque, une gifle cinglante balancée avec une énergie que le temps n'amoindrit en rien, la suite est un labyrinthe d'inspirations Philly soul et de chansons parmi les moins instantanément évidentes composées par Marc Bolan. Au milieu de ces saveurs chamarées se trouvent toutefois quelques unes de ces enivrantes pop songs dont il a le secret, de celles qui vous serrent amoureusement le coeur dès le premier baiser, Teenage dream et Change en font office, sauf que cette fois la construction du disque ne leur sert pas d'écrin, elle les abandonne à leur sort au milieu d'un intense magma d'intentions en apparence confuses. En apparence seulement et c'est là tout le génie de cet inlassable disque. Marc Bolan n'a pas la synthèse communicative de David Bowie qui quelques mois plus tard s'inspirera du concept Interstellar soul, requalifié plastic soul, pour son Young Americans  et c'est bien sur lui qui mettra les Etats-Unis à genoux, tandis que Zinc Alloy n'y sera même pas distribué. Peu importe, ce disque reste un fantastique défi à la logique, l'attention et la persévérance qu'il exige sont mille fois récompensées par les trésors qu'il continue de révéler quelques quarante années après sa parution.

Le crash commercial de l'album ne découragea pas son auteur et Marc Bolan nous gratifia par chance de trois albums supplémentaires explorant cette galaxie de rythmes rampants, de riffs incisifs, de mélodies ciselées et d'hystérie collective. J'y reviendrai, il le faut. 

Hugo Spanky