samedi 31 mai 2014

HaNOï RocKS, CiGaReTTeS, BièRes et TRousSe à PHaRMaCie


Dans la grande série Les losers magnifiques, poisseux comme pas deux, les‭ ‬Hanoï Rocks raflent la mise sans sourciller.‭ ‬Vous en voulez des maffrés‭ ? ‬Y a pas mieux.‭ ‬Hanoï Rocks fut la risée des punks‭ (‬bon,‭ ‬jusque là...‭) ‬celle des Rockers‭ (‬le chanteur est un travelo,‭ ‬c’est certain...‭) ‬et d’à peu près tout ce qui fait la hype à l’exception des Hardos qui eux ne la font pas, mais ont un cœur équivalent à leur bon goût.

Hanoï Rocks,‭ ‬c’est la même attirance que les New York Dolls pour les mélodies sucrées portées par une énergie débraillée, avec une touche de Pop supplémentaire dans l’exécution.‭ ‬Une version réussie et survoltée des Lords of the New Church. M‭oins putassier que Billy Idol, mais avec le même désir de ne pas s’inscrire dans le passé, d'amener une concision à la tradition,‭ ‬un tranchant qui balaie la trop évidente influence des Rolling Stones au profit d’un swing New Yorkais mâtiné de la même fraîcheur que l’on retrouve sur le premier album de Blondie,‭ sur ‬ceux de Sylvain Sylvain ou chez les Electric Chairs de Wayne  Jayne County.

Dès leur premier album en ‬1981,‭ ‬Bangkok shock,‭ ‬Saïgon shakes,‭ ‬Hanoï Rocks cassent la baraque et deviennent numéro ‬1‭ ‬dans leur pays,‭ ‬les Téléphone locaux en quelque sorte.‭ ‬A ceci près que leur pays c’est la Finlande, et que la Finlande c’est‭ ‬5‭ ‬millions d’habitants.‭ ‬Maigre.

Dans la lancée, ils enregistrent un second album,‭ ‬Oriental Beat,‭ ‬encore meilleur que le premier, ‬et ravagent les frontaliers avant de s’attaquer à l’Angleterre.‭ ‬Le groupe joue à la perfection,‭ ‬serré,‭ ‬compact,‭ ‬ravageur,‭ ‬concis,‭ ‬précis,‭ ‬pointu,‭ ‬Sharp.‭ ‬Pour accompagner leurs incessantes tournées les Hanoï Rocks sortent Self destruction Blues,‭ ‬un fourre tout regroupant singles et chutes de studio.‭ ‬L’ensemble est plutôt inégal, mais c’est là dessus qu’on retrouve des trucs aussi essentiels que Taxi driver,‭ ‬I want you,‭ ‬Beer and cigarette,‭ ‬Problem child,‭ ‬Self destruction blues ou leur hit underground Love’s an injection.‭ ‬Surtout, ils s’adjoignent les services de Razzle Dingley,‭ ‬le batteur qui fait la différence,‭ ‬apporte la touche de légèreté et le speed qui font décoller les morceaux. Jamais le groupe n’a été aussi bon qu’avec Razzle derrière les fûts.



Outre son nouveau batteur Hanoï Rocks a des arguments à faire valoir,‭ ‬leur chanteur,‭ ‬Michael Monroe,‭ ‬est un frontman né,‭ ‬blond platine,‭ ‬androgyne à souhait,‭ ‬il amène l’indispensable‭ ‬touche de provocation, tandis que dans un coin la belle gueule de voyou qui fait craquer les filles,‭ ‬Nasty Suicide,‭ ‬gratte ses riffs avec une nonchalance boudeuse.‭ Mais c'est l'autre guitariste, Andy McCoy, qui mène la troupe. Avec lui, Hanoï Rocks est doté d’un compositeur rare,‭ ‬une perle.‭ ‬Ce mec torche des mélodies si accrocheuses qu'on jurerait qu'elles tombent du ciel. Les chansons d'Andy McCoy  vous siphonnent le ciboulot en moins de temps qu’il n’en faut pour le dire,‭ de plus chanceux qu’eux en auraient fait des classiques.‭ ‬Ça fait trente piges que je me les trimbale ces foutues mélodies et je peux encore vous les fredonner sans sourciller.


Pourtant ça faisait un bail que je les avais pas dégainé de leurs pochettes, les albums de Hanoï Rocks. Trop longtemps à vrai dire.‭ ‬Jusqu’à hier soir.‭ ‬Youtube, j’y pioche comme tout le monde des trucs et des bidules qui me remontent de je ne sais où, si ce n’est des brumes de ma mémoire reptilienne,‭ ‬et voila que je tombe sur leur concert capté au Marquee,‭ ‬un shoot d’adrénaline filmé par des aveugles, mais qui transmet une énergie communicative. All Those Wasted Years, je l'avais perdu de vue depuis l’époque des VHS PAL qu’il fallait transcoder en laboratoire (‬j’exagère à peine) ‬pour pouvoir les lire sur nos SECAM strictement français autrement qu’en noir et blanc pouilleux.‭ ‬Ce concert c’est cinq pois sauteurs qui défoncent le crane d’un ramassis d’anglais survoltés par tant de puissance brute et d’harmonies arrogantes.‭ ‬Un putain de grand moment de Rock’n’Roll.‭ ‬Hanoï Rocks en‭ ‬1983‭ ! ‬Je ne vais pas vous raconter qu’ils ont inventé le fil à couper le beurre, mais ce qu’ils faisaient, ils le faisaient mieux qu’un wagon d’autres à qui on a tressé des louanges.‭ 



Ces gars tenaient le monde par les couilles,‭ l’Angleterre mise à genoux les voila qui signent chez CBS et se voient offrir Bob Ezrin comme producteur de leur prochain album,‭ ‬manière de viser les States,‭ ‬MTV et tutti quanti.‭ ‬Et c’est même pas certain qu’ils aient eu besoin de lui.‭ ‬Le groupe venait de sortir son chef d’œuvre,‭ ‬Back To The Mystery City. ‬Des tueries en veux tu en voila,‭ ‬Malibu beach nightmare,‭ ‬Mental beat,‭ ‬Until I get you,‭ ‬Back to the mystery city,‭ ‬Tooting bec wreck,‭ ‬une production enfin à la hauteur et Razzle Dingley pour la première fois en studio avec eux.‭ ‬De Londres à Tokyo,‭ ‬le disque trouve son public.‭ ‬Dans notre contrée de visionnaires à nous, c’est autre chose,‭ ‬leur label n’est même pas distribué et il faut fouiller dans les listes d’imports d’Enfer Magazine pour se procurer les disques par correspondance.‭ ‬Qu’importe, les Hanoï Rocks sont sur la voie rapide en direction du rêve américain.


Sauf que voila,‭ ‬la vie est chienne, et aussi con que ce soit les Hanoï ont cru que la crédibilité s’acquérait en même temps que les cernes sous les yeux et les trous dans les bras.‭ ‬Avec Knox, chanteur en panne de Vibrators, ils enregistrent le premier album de son nouveau projet, Fallen Angels. Puis c'est la plongée en eaux troubles, le groupe s’accoquine avec Johnny Thunders, assure sa première partie en tournée,‭ ‬participe aux sessions de Que Sera Sera aux côtés de Wilko Johnson et Stiv Bators. Et bien sur, se fait refiler plein de mauvaises habitudes.


Quand Hanoï Rocks finit par débarquer à Los Angeles,‭ ‬le groupe a déjà un pied dans la tombe,‭ ‬il y mettra le second en deux temps trois mouvements.‭ ‬Two Steps From The Move leur album de la panacée, au son chromé par un Bob Ezrin lui même complètement laminé, va les mener en enfer.‭ ‬Le disque commence pourtant à cartonner,‭ ‬porté par une reprise survitaminée du Up around the bend de Creedence Clearwater Revival qui déchire les ondes avec une bonhomie qui fait plaisir à entendre. High school,‭ ‬I can’t get it,‭ ‬Don’t you ever leave me, Million miles away sont positionnés en snipers, autant de singles potentiels pour soumettre définitivement les mômes ricains. Des hits certifiés imparables.‭ 

Los Angeles leur ouvre enfin les bras,‭ ‬ils deviennent la coqueluche de Sunset boulevard‭ (‬of broken dreams‭)‬,‭ ‬délivrent des concerts diaboliques qui donneront naissance,‭ ‬pour le meilleur et pour le pire,‭ ‬à toute la vague Hair Metal qui triomphera durant les dix années suivantes.‭ 



Pour faire simple,‭ ‬Hanoï Rocks c’est Guns'n’Roses avant la lettre,‭ ‬sans la guitare chiante de Slash.‭ ‬C’est galvanisé par un concert des finlandais que Slash et Duff McKagan rejoindront un clone de Michael Monroe et son pote Izzy Stradlin pour former le groupe qui va décrocher la timbale en or massif.‭ ‬Si Hanoï Rocks n’avait pas été maudit,‭ ‬vous n’auriez jamais entendu causer de Guns’n’Roses,‭ ‬c’est pas moi qui le dit,‭ ‬c’est Axl Rose.‭ 

‬Accordons leur d’avoir été parmi les rares à se revendiquer ouvertement des Hanoï Rocks dans leurs interviews,‭ ‬allant jusqu’à inviter Michael Monroe sur Use your illusions et Spaghetti incident.




Oui,‭ ‬l’avenir s’annonce rose,‭ ‬le triomphe est programmé.‭ ‬Tellement que les Hanoï Rocks‭  ‬commencent par la fin et se mettent à fêter leur victoire avant même d'engager la bataille.‭ ‬Champagne,‭ ‬groupies,‭ ‬coke,‭ ‬on connaît la chanson,‭ ‬d’autres sont passé par là,‭ ‬eux ne s’en sont pas remis.‭ ‬Une nuit de bringue,‭ ‬Vince Neil hurleur chez Mötley Crüe propose à Razzle une virée dans sa De Tomaso Pantera,‭ ‬un de ces bolides de sport qui devraient rester uniquement réservés aux sportifs,‭ ‬ils flingueraient moins de Rockers.‭ ‬La camarde attend au coin de la rue en cette triste nuit de décembre 1984. Sous les yeux de ses potes alertés par le fracas du crash, Razzle Dingley passe l’arme à gauche sur le pavé recouvert de tôle froissée, emportant les espoirs du groupe avec lui.‭ ‬Trépanés comme ils sont,‭ les Mötley Crüe en feront une péripétie de plus,‭ ‬un acte bravache à graver dans leur légende de pacotille.‭ ‬Pour Hanoï Rocks, ce sera la fin.‭ ‬Même si, comme dans toute les histoires,‭ ‬les héros refusent de mourir.‭ ‬En l’occurrence, le groupe embauche Terry Chimes qui vient de finir une pige chez Clash et rêve lui aussi de conquérir l’Amérique. L'illusion durera le temps d’une poignée de concerts et de quelques passages télé, avant que le rideau ne tombe et que chacun ne retrouve ses pénates.



Hanoï Rocks rêvaient de gloire,‭ ‬de néons hurlant leur nom,‭ ‬ils auront échoué dans une flaque de sang sur laquelle se reflète les lumières de Sunset boulevard.‭ ‬Tu parles d’une guigne.

D'eux tous, Michael Monroe sera celui qui s’en sortira le moins mal, sa carrière solo sans atteindre des sommets sera poussée au cul par ses nombreuses collaborations avec Guns’n’Roses (Ain’t it fun..). En 1993, il forme Demolition 23 avec ses anciens acolytes d'Hanoï Rocks, Nasty Suicide et Sam Yaffa, le temps d'un unique, mais très chouette album enregistré à New-York et produit par Little Steven. Plus tard, Sam Yaffa réalisera le fantasme de sa vie en remplaçant Arthur Killer Kane au sein de la reformation des New York Dolls.




Andy McCoy a connu des fortunes diverses. Cherry Bombz son premier projet post Hanoï Rocks ne convaincra pas grand monde et disparaîtra sans laisser de grandes traces (un EP). En 1986, il grave en duo avec Nasty Suicide un album acoustique plutôt remarquable, Silver missiles & nightingales, sous le nom de Suicide Twins. Depuis il poursuit une anarchique carrière solo dont l’album de 1996 Building on tradition constitue le sommet. En parallèle, il a accompagné Iggy Pop sur la tournée Instinct immortalisée par l'album Live at the Channel Boston 1988, et a failli connaître son heure de gloire lorsqu'Alice Cooper, tout fraîchement guéri de son alcoolisme chronique, voulut baser son comeback de 1986 sur une association avec lui et Joe Perry. Bien qu'alléchant au possible, le projet capota dès le départ. On se demande bien pourquoi.



Plus étonnant est le parcours de Nasty Suicide qui finira par quitter le milieu de la musique pour reprendre ses études. Il est aujourd’hui pharmacien en Finlande, je n’ose imaginer les cocktails qu’il doit se concocter dans son arrière boutique.

Enfin, Hanoï Rocks se reformera autour de Michael Monroe et Andy McCoy le temps de trois albums et de plusieurs fructueuses tournées entre 2002 et 2007 sans toutefois retrouver la magie.
Il semblerait que l’on ne meurt qu’une fois.



Hugo Spanky


samedi 24 mai 2014

SPaRKs, éVoCaTiON PouR aMNésiQUeS


Sparks, comme une marque déposée, comme un sigle de reconnaissance pour ceux qui n’aiment rien de plus que les coulisses de l’extrême, les épopées où l’aventure se mêle au quotidien. Sparks comme une estampe sur une palanquée de hits, d'albums qui ne ressemblent à aucun autre. Même contemporains de mouvements aussi éclectiques et haut en couleurs que le Glam Rock, la Disco, la New Wave, Cold Wave, la Dance, que sais-je encore, la Tectonic, même parmi la faune des excentriques en tous genres des arts les plus divers, les Sparks sont...différents. 


Ron, le clone de Hitler, surdoué des claviers, compositeur d’une originalité rare. Avec lui, les mélodies les plus échevelées se heurtent, s’affrontent, s’épousent dans des chansons aux constructions tarabiscotées, entre ruptures et relances incessantes, sans jamais pour autant en perdre concision et énergie.
Russell, la ballerine qui fait craquer les filles, l’ange à la voix qui virevolte, unissant avec aisance et inventivité virulence Rock et ascension des octaves. Russell avec ses textes et son chant en numéro d'équilibriste ne tombe jamais dans le pompeux, le prétentieux, il a cette capacité d’inclure un soupçon de dérision dans une perfection vocale que bon nombre auraient porté comme un trophée. 
Vraiment, les deux frangins natifs de Los Angeles ont une vision des choses que je qualifierais sans trop me mouiller de foutrement personnelle. Raffinés, élégants, satiriques, désopilants ces deux là mènent depuis quarante ans une carrière qui n’a jamais sombré dans la routine.  

Les albums du duo, que ce soit les plus connus, ceux enregistrés à Londres dans les 70‘s, les plus aventureux, ceux qu’ils alignent depuis une quinzaine d’années, ou les cartons plein de l’ère Giorgio Moroder, sont tous un ravissement pour les esgourdes et un délirant voyage au pays du bizarre. Même pour les esprits les plus ouverts.




Les frangins ont mieux que personne su créer un melting pot alliant des contraires tel que le minimalisme et le symphonique. Bizarre que, malgré le succès des Rita Mitsouko, qui leur doivent bien plus que le fantastique Singing in the shower, le public Rock de notre pays soit si enclin à citer Bowie et si peu Sparks. C’est pourtant bien chez eux qu’il faut chercher la parfaite synthèse, quand ce n’est pas l’origine, de ce qui fait le charme de Roxy Music, Queen, Bowie, aussi bien que de Clash, T.Rex ou d’une grande partie de la New Wave des 80‘s, Dépêche Mode en tête. Ceux qui s’étonneraient de voir Clash dans la liste peuvent toujours aller repérer la trame de Straight to hell dans N°1 song in heaven ou écouter le riff d’Everybody’s stupid sur l’album Big Beat.






Loin de moi l’idée de faire dans l’érudit en racontant dans le détail l’existence du duo fraternel, encore moins me lancer dans un interminable passage en revue de leur discographie. Donner l’envie de se (re)pencher sur leur cas me comblerait davantage, ensuite à chacun de préférer les cerises rouges écarlates et craquantes ou de favoriser celles pourpres et gonflées de jus. Avec Sparks, il y a de quoi ravir chacun.
 



Les amateurs de beaux objets ne désirant que la partie immergée de l'iceberg peuvent se procurer le tout récent coffret rétrospectif  New music for amnesiacs, le titre le plus génial que je connaisse pour une compilation, parfaite illustration de l’esprit Sparks. Ceci dit ça reste un résumé, une bande annonce, un dépliant pour agence touristique, ça ne remplacera jamais la pension complète, petit déjeuner inclus.


Pour les autres, la visite continue avec la trilogie dites anglaise Kimono my house, Propaganda, Indiscreet. De ces trois là, je ne saurais lequel mettre en exergue tellement ces disques font partie de ce qui s’est enregistré de meilleur dans les années 70. Follement énergique, la musique de Sparks se démarque par des envolées d’un lyrisme sublimé par des mélodies indéfinissables portées par une voix reconnaissable entre mille. Chaque chanson est une ritournelle diabolique, un univers en soi. Quelque part entre le Berlin de Cabaret, le Los Angeles des Beach Boys, le New York des Dolls, le Paris de l'Opéra, existe Sparks. Accrochez vous à la rampe, le Roller Coaster est violent.



Big Beat et Introducing Sparks marquent le retour du duo aux USA, si le premier est ce qu’ils ont gravé de plus Rock, ce qui avec eux n’est pas synonyme de plus ordinaire, le second témoigne de l’essoufflement de la formule.

Retour en Europe pour les frangins qui s’acoquinent avec Giorgio Moroder le temps de deux albums Number 1 in heaven et Terminal Jive. Ceux là faut être né hier pour ne pas les connaître. Deux grosses gifles, deux épures du son Sparks, avec synthés cinglants, rythmes assassins et toujours ces structures à faire tourner la tête. Et un hit, énorme, un classique, un machin qui met instantanément le sourire aux lèvres, When I’m with you


Aussi faux jumeaux que le sont les frangins, les deux albums de 1979 et 1980 sont à classer au sommet de la pile, l’énergie est là, le grain de folie plus encore qu’à l’habitude, le mixage de Moroder, les tourneries synthétiques, les mélodies entêtantes, tout concorde dès Tryouts for human race (qui évoque la course folle vers l'existence des spermatozoïdes lancés vers l'ovule) placé en ouverture des débats sur le prodigieux N°1 in heaven et qui résume à la perfection les nouvelles ambitions du duo. De l’incalculable nombre de groupes qui tentèrent l’aventure Electro/EuropeanDisco/Dance aucun ne réussira l’osmose comme les Sparks le firent. Dans le registre, je ne vois que Klaus Nomi qui a été aussi impeccable de justesse dans le dosage. N°1 in heaven et Terminal Jive serviront de modèles pour la New Wave en gestation et rien de ce qui figure au programme n’a pris une ride.




Dix ans après leur premier disque, les Sparks sont toujours au sommet de leur créativité et pour fêter ça s’offrent un nouveau hit avec Funny face sur Whomp that sucker. On est en 1981 et la gueule de bois pointe son nez. Sans être mauvais, les disques suivants vont principalement surfer sur la vague Pop Dance sans trop se casser la gnognotte. Il y aura encore quelques tubes, Cool places en duo avec la délicieuse Jane Wiedlin des Go-Go’s et bien sur l’irrésistible Singing in the shower avec Les Rita Mitsouko mais globalement le duo est en roue libre tout au long des années 80. Et quasiment silencieux toute la décennie suivante. Rideau.



Puis, allez savoir pourquoi, voila qu’en 2002 parait Lil’ Beethoven, un drôle de disque,  austère, dépouillé mais chiadé. Un truc à vous coller trois tonnes de Blues sur les épaules mais vers lequel on revient sans trop comprendre pourquoi. Les frangins ont laissé au vestiaire les rythmes Dance, d’ailleurs il n’y a plus aucune rythmique, tout n’est que piano, violons, harmonies vocales. Tout ou presque, puisqu’au détour de Ugly guys with beautiful girls on retrouve nos Sparks de Propaganda. Étrange. Comme ce Wunderbra, alambiqué et cintré mais fabuleux à s’en cogner le crane contre le mur capitonné. Faites moi plaisir, téléchargez ce morceau et foutez le à fond les manettes. C’est plus de la musique c’est du terrorisme.


  
Depuis Terminal Jive, jamais plus Les Sparks n’avaient enregistré quoique ce soit d’aussi essentiel. Seul Plagiarism en 1997, pour lequel ils avaient réenregistré leurs propres classiques dans des versions démentes, m’avait fait tendre l’oreille, mais le fait est que ce Lil’Beethoven donnait à espérer. 


Ce n’est que quatre ans plus tard, en 2006, qu’ils refirent parler d’eux et cette fois plus de doute, ils avaient retrouvé leur muse. Hello Young Lovers est un sommet, moins autiste que Lil’ Beethoven, bien que dans la même veine, le disque est un ravissement de bout en bout. Ben merde alors, c’est quoi ce bordel ? Deux ans plus tard, l’affaire est entendue, Exotic creatures of the deep est leur meilleur album depuis des lustres, tout y est, le single qui tue en ouverture, Good morning (et son emprunt  au Miss Broadway de Belle Époque), la démesure, l’énergie, la créativité, l’originalité. Sparks éternel et inégalé.


Depuis, le duo a enregistré une comédie musicale pour une radio suédoise, The seduction of Ingmar Bergman, pas le genre de truc par lequel faire connaissance avec le sujet, je vous l’accorde. On est clairement plus proche de la démarche d’un Lou Reed avec The Raven que d’une collection de hits singles. La musique de deux mecs dont l’ambition n’est plus de garnir leurs comptes en banques, plutôt de prolonger une aventure commencée il y a maintenant un sacré bail et que quelques uns encore dans le public prennent plaisir à poursuivre avec eux. La tournée piano/voix Two hands One mouth a démontré si besoin que Russell chante toujours aussi juste et l’impeccable live qui vient d’en être tiré confirme tout cela. Sparks ne vise pas les stades. 


On en est là, avant les fêtes est paru le coffret, 5 cd bien fourni en Nouvelles musiques pour amnésiques, célébrant quelques quarante années de carrière et visiblement l’envie d’y mettre un terme ne pointe toujours pas à l’horizon. Quoi dire ? Les bonnes nouvelles sont rares, apprécions celle ci, vieillir avec élégance peut aussi s’appliquer aux excentriques.

Hugo Spanky


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