samedi 11 août 2012

ouT oF THe bLUe


Récemment, Arte, a diffusé "Out of the blue" de Denis Hopper, un film singulier, foutraque, bancal, malsain et, il faut bien le dire, un peu trop long également (un quart d'heure de moins aurait été bienvenu). Mais bon, contrairement à tous ces films sans aspérités dont on nous abreuve régulièrement depuis plus de vingt années déjà, celui-ci, qui date de 1980, a le mérite de proposer un oeuvre dérangeante.


Ce qui nous frappe en premier lieu, c'est la trogne des acteurs. Ici, point d'apollons ou de naïades têtes à claques mais des hommes et des femmes aux gueules cassées et aux corps imparfaits qui, d’emblée, imposent une crédibilité à leurs personnages marqués par la vie. Tout le contraire de brêles telles que Colin Farrell ou Marion Cotillard qui, pour incarner des personnages borderlines, en font des caisses et basculent dans le ridicule outrancier qui donnent des envies de meurtre. Là, le jeu des acteurs est totalement naturaliste ; d’ailleurs, outre Denis Hopper dans le rôle d’un loser alcoolique (mais est-ce vraiment du jeu ?), c’est Linda Manz, dans le rôle d’une gamine larguée, qui impressionne durablement les esprits. Ce petit bout de femme apporte une vérité confondante à son personnage d’enfant rebelle qui conchie la normalité, envoie paître sans ménagement quiconque la malmène et fréquente le milieu punk de l’époque. Il faut voir cette furie se balader crânement dans les rues, avec son blouson en jean décoré dans son dos d’une inscription « Elvis » et qui ne quitte jamais son lecteur de cassette portable qui diffuse en boucle « Heartbreak Hotel », pour comprendre à quel point elle met à l’amende n’importe quelle actrice confirmée.


Ce film débute de façon aussi absurde (une fillette, maquillée comme une pute, assise dans une cabine de camion à côté de son père qui tient le volant alors qu’il bibine à tout crin ; les deux se vannant gentiment) que tragique (la scène se conclut par un crash d’une violence inouïe entre le dit camion et un car de ramassage scolaire).
Ensuite nous suivons au plus près les pérégrinations de cette gamine laissée à l’abandon par ses parents (puisque son père se retrouve en prison pour cinq ans tandis que sa mère s’envoie des shoots d’héroïne comme un mouflet avale des bonbecs et trompe allègrement son mari). Abordant les gens comme on se cogne à un mur, elle ne vit que dans le conflit et réfute toute forme d’autorité. Et le retour de son daron, une fois sa peine purgée, n’arrangera en rien son comportement autodestructeur.



Traversé de passages hors normes filmés de manière abrupte (le backstage surréaliste d’un concert punk new-yorkais, la visite d’un repère de junkies, la destruction dans une décharge, au moyen d’une pelleteuse, d’une cabane de chef de chantier, les errances alcoolisées pernicieuses des protagonistes principaux et deux scènes de morts violentes digne d’une série Z) et ponctué de moments musicaux inspirés (Elvis donc et deux morceaux de cette endive de Neil Young pour une fois intéressants) ce long métrage nous touche justement parce qu’il nous propose une tranche de vie glauque sans happy end qui nous change des niaiseries nauséabondes, ou pires faussement subversives, qui polluent nos écrans.


 

En définitive, « Out of the blue » fait parti de cette race de films qui tire avantage de ses imperfections qui lui insufflent un supplément d’âme et de vérité. Du cinéma avec un cœur qui vibre donc ; une condition indispensable pour tout film qui se respecte et qui, malheureusement, se fait de plus en plus rare de nos jours. 


                                                                 






Harry Max