mercredi 13 janvier 2010

BLAcK RioT

Avec Chamber Music, le Wu Tang Clan vient de sortir non seulement son meilleur album depuis des lustres mais tout bonnement le disque que le Hip Hop n'attendait plus. Autour de RZA, une formation resserrée du Clan, sans GZA, redonne de l'espoir à la Black Music. Carrément. Un disque digne, pêchu, enregistré avec un groupe, gavé de feeling. Un disque important, genre de truc de dingue auquel on ne croyait plus. Il n'en fallait pas plus pour replonger dans les archives du Hip Hop et d'en tirer quelques parallèles avec le Punk.
                                           
             
Y a vraiment des jours où j'en ai marre. Ras le bol d'entendre pleurer, se lamenter, geindre. Plein les os de me farcir les larmoyants de la FM, les Oxmo Puccino, Grand corps mes couilles, Kery James et autres incurables dépressifs. Je ne supporte plus leurs jérémiades. Pire qu'un film de Guédiguian.

Pourtant, dieu sait que j'aime le Hip Hop et que ça date pas d'hier, de Public Enemy, dès Fear Of A Black Planet, à IAM, en passant par Kid Frost, Tone Loc, le premier album de la FF, celui de GZA, ce Words From The Genius avec ses basses qui cognent au plexus et ses scratchs placés en uppercut, le Détournement de son de Fabe, Les X Men de Jeunes, Coupables et Libres ou les singles du Puzzle, tous sont encore là, bien au chaud parmi le reste. Que la Fonky torche Aux absents sur un sample d'A ma fille d'Aznavour, genre de truc à faire craquer les durs, qu'IAM pulvérise tout avec Demain c'est Loin, j'adhère. Les textes sont bien branlés, le boulot est fignolé, je prends. Métèque et Mat de Chill Akhénaton, Où je vis de Shurik'N, Sad Hill de DJ Khéops, Blue Print d'Imhotep, je prends tout. Mais que ce qui a été fait ne soit pas refait éternellement.
Le système par ci, la France pourrie par là, putain de discours qui me niflent méchant, qui me font monter la transpiration, qui me troublent le pastaga. Allez tous crever ! La France est un pays en or (dirigé par des casses-couilles, certes) et le système, on en change dès qu'on trouve mieux mais, désolé, même en louchant chez les voisins, ça ne me saute pas aux yeux. Les chanteurs en mal de crédibilité peuvent continuer ad vitam éternam à balancer des boulets rouges sur la droite, rien n'y fera, tout simplement, et ils le sauraient s'ils étaient moins cons, parce que la gauche ne vaut pas mieux. L'image d'une candidate à la présidentielle cherchant à bouger son corps semi-paralytique au rythme d'un texte débilisant, débité par une Balasko portugaise, sans même se rendre compte que le public d'une pareille tache est à une dizaine d'année du droit aux urnes, a achevé de me convaincre. Vous savez quoi ? Tant que la politique en sera là, je serais fier de rester au bistrot les jours de vote.


La vérité c'est qu'on se fade coup sur coup deux générations de mongoliens tendances j'ai peur donc je bronche pas, du qui gonfle le torse devant sa glace et ses potes mais qui se révèle tellement dégourdi que c'est pas demain qu'il va savoir cuisiner un œuf à la coque.                                 
Entre les bérus qui voulaient que je sois pote avec tous les enculés du monde (ce qui est absolument hors de question) et les ntm qui se sont cru en position de donner des leçons alors qu'ils avaient juste gagné un nez de clown à la loterie, la relève était mal barrée d'emblée. De toute façon, c'est ça ou les Souchonisés, cette bande de niaiseux qui monopolise les modulations de fréquence. Les tristes cons de l'incompétence musicale, toute une palanquée de maxime leforestier new age, alors qu'on est toujours pas débarrassé du modèle original. Argh.


Le Hip Hop a été un échappatoire à tout ça. Pendant un temps, il m'a semblé que le vieux rêve de Joe Strummer allait se réaliser, que la musique allait s'émanciper de son carcan réducteur, du son des FM, du format calibré, des compromis bidons. Le Rock'n'Roll allait redevenir une affaire sérieuse, jamais depuis les origines un mouvement n'avait été aussi complet, danse, scratch, graffiti, langage, dégaines, tout était neuf et incontrôlable. 

Partout la basse était à l'honneur, après une décennie de solos de guitares, je jubilais. 


Les américains posaient les fondations et les Marseillais bâtissaient un édifice. Chaque semaine nourrissait les bacs des disquaires de nouvelles rondelles, les boucles construites avec des sons piqués sur les vinyls vintages, comme autant de voyages à travers le temps, faisaient le lien avec notre histoire. Les cris de James Brown, les riffs de Van Halen, une intro de Lou Reed, un vieil air napolitain, tout était réduit à l'essentiel, pour n'en garder que l'efficacité. Durant la fin des 80's et la totalité des 90's, je n'ai quasiment, en matière de nouveautés, écouté que ça. Les Nirvana, les Pearl Jam et tutti quanti ne devaient pas compter sur moi pour rentrer la maille, je ne jurais que par le Wu Tang, les Fat Boys, A Tribe Called Quest, Beatnuts, Beastie Boys, EPMD, NWA ou Third Bass et, plus encore, Public Enemy !
Ainsi vont les choses, en dehors des chemins balisés.


Difficile d'imaginer que le Hip Hop US fut autre chose que le précurseur de ce R&B répétitif, fade et insipide qui pollue depuis trop longtemps les charts du globe. Cette formule voix féminine sur le refrain et samples putassiers va faire atteindre au style des sommets en termes de ventes en même temps que des abysses en terme de créativité. Impossible, dès lors, sans replacer le tout dans son contexte, d'y voir le prolongement du Punk, la plus significative mise en pratique du Do It Yourself. 


Ce fut pourtant bien le cas. Ainsi que le plus triste des gâchis. Toute une culture hélas trop pointue pour un public confondant élévation et dégradation, graffitis et vandalisme, transformant au passage la moindre façade en véritable mur de chiotte. En cela aussi on peut rapprocher le Hip Hop du Punk et de ses affreux à clébards. Dignité quelqu'un ? N'est pas Lee Quinones qui veut.  

Un peu d'histoire.Tandis que les trépanés de tout bords en étaient encore à se demander si le morceau ne soutiendrait pas quelques messages à caractère raciste (bouh le vilain Joe), White Riot, emblématique claque dans la gueule du premier Clash, réveille au fin fond du Bronx la fibre polémique d'un jeune du ghetto. Paradoxe parmi les paradoxes, ce titre qui s'inspirait de la révolte Black en la transcrivant aux blancs-becs des late 70's que le gars Strummer espérait voir se soulever (autant dire qu'il est mort déçu), va à son tour inspirer la révolte du groupe le plus jusqu'au-boutiste que le monde de la musique ait jamais connu: PUBLIC ENEMY ! 



Las de voir la Soul et le Funk se noyer sous les cordes, le savon et la dope, le môme Chuck D va tenter, et réussir, l'impensable: mixer Le CLASH et RUN DMC ! En enjolivant le tout façon barbelés avec un discours à faire passer les Black Panthers pour des adeptes du Modem.

J'ai déjà causé dans les grandes largeurs de l'œuvre de P.E. C'est simple, pour moi, Public Enemy est le seul groupe encore en activité à faire bondir mes neurones dès l'annonce d'un mouvement de leur part. Que ce soit sur scène ou sur wax, ils sont les derniers des durs. Avec eux pas de limitation sonore, les excès sont la norme. Plus encore depuis qu'un pur groupe s'est ajouté au DJ.
Barouf général et prose en état de guerre, that's P.E !



Le pourquoi d'une telle remonté d'adrénaline dans mon organisme, qui n'en demande pas tant, est consécutive à la réécoute d'un album laissé au placard depuis un bail. Alors, je me demande, je me pose des questions sur moi-même, sur la véracité de ma passion, sur ma connerie à toute épreuve. Passer autant d'heure à subir de l'ordinaire, du frelaté, alors que sommeillait, peinard, ce Nigga Please de folie, franchement, quelle déraison que de me priver de l'écoute du second album solo du fada du Wu Tang Clan: Ol' Dirty Bastard.




Armé d'un son massif (c'est rien de le dire), le disque dégage une ambiance de jobastrerie totale, une hallucination de chaque instant. ODB, animé d'un feu furieux, une poignée de mois avant de s'overdoser au crack, enregistre ce machin indescriptible sans se soucier de quelque considération commerciale que ce soit. Pas besoin, il est entouré des meilleurs: RZA, of course, l'homme du Wu Tang, le magicien de la B.O du Ghost Dog de Jarmush, mais aussi les Neptunes, avant que ceux-çi ne deviennent une machine à tubes.
Le furieux en chef n'a, dès lors, plus qu'à poser son flow torturé sur des samples effrayants d'efficacité et d'originalité. Pensez donc, ce disque va jusqu'à proposer un slow blues que
Sinatra n'aurait pas renié ! 


Nigga Please est ce genre de LP à avoir fait du Hip Hop une musique novatrice. Entre reprise bave aux lèvres du Cold blooded de Rick James le pervers et agressivité qui en remontre à tout les simili-Rockers, le disque est un reflet sans fard de l'insanité mentale de son auteur. Un sommet. Ça triture les intestins, ça invective, ça lâche pas l'affaire, pire qu'un pitbull avec vos couilles entre les crocs.

Tentez You don't want to fuck with me (à entendre ODB brailler le refrain, on la comprend), brûlez vous la couenne au groove infernal de All in together now, subissez l'outrance blasphématoire de (Jesus, I'm) Rollin wit' you (sur une musique entre film d'horreur et procession vaudou). 


Dès le second morceau, ce I can't wait indéfinissable, vous regretterez d'avoir laisser l'aiguille se lover entre les sillons noirs de la bête. Si, bien-sur, vous tenez jusque là vu que, d'entrée, le Recognize placé en ouverture fait passer Killing Joke pour de braves popeux un brin dérangés. Quant à une juste description du morceau titre (Nigga please, donc, pour ceux qui décrochent), elle donnerait un truc du genre: cuivres obsessionnels, enchevêtrement de voix, guitare obsédante, araignée collée au plafond.
Ol' Dirty Bastard restera un personnage pour le moins à part. Dans le monde devenu si formaté du Hip Hop, il n'aurait carrément plus sa place de nos jours. Mais que ce fut bon.


Je reviendrai sur tout ça, sur le premier album du Wu Tang Clan, ce 36 Chambers qui est au genre ce que Raw Power fut au Rock, un bloc de low-fi conçu pour faire souffrir l'auditeur, pour le stimuler, faire réagir ses fibres nerveuses. Pas un truc pour flatter les convaincus, assurément. Et aussi ce Chamber Music tout frais, il vous le faut celui là, grosse claque inespérée. RZA, Ghostface Killah et Inspectah Deck nous ont bichonné un fantastique album, en dehors du son conventionnel, un disque qui pourrait remettre la   machine en branle. Je croise les doigts.
                          
Faudra, aussi, que je cause des chicanos de Deliquent Habits (des gars qui collent des cuivres mariachi sur des beats démoniaques), du Original Gangster de Ice T, peut-être tout bêtement l'un des meilleurs albums de Hip Hop jamais gravé, de l'Electro, cette version anorexique du Disco qui submergea New York, bien plus que la No Wave pourtant mieux considérée par les archéologues. Y a du boulot à faire !


Seul le Clash, encore, aura su vivre cette révolution en temps réel, Radio Clash en témoigne. Objection crieront les uns et ils auront raison, Talking Heads, par eux même ou via le Tom Tom Club, Blondie avec Rapture, véritable histoire d'amour sonore avec Grandmaster Flash, ont su, à leur façon, capter cet air du temps, comme un dernier coup d'air frais avant la grande asphyxie. Aucun ne pourra toutefois s'en réclamer comme le peut l'équipe du Westway, Sandinista! Combat Rock (et plus encore sur sa version Rat Patrol From Fort Bragg), les B.Sides des derniers singles, tout le Clash tendra vers ça, ce melting pot de sub-cultures.
Pfff, j'imagine qu'arrivé là, notre gars 7red rebondira sur les productions Boogie Down de KRS One, sur Gangstarr ou ces Third Bass jamais très éloigné de sa platine.
Vaste débat en perspective et nuits sans sommeil pour le voisinage.


BASS FOR YA FACE !




 HUGO SPANKY

1 commentaire:

  1. j'espère que tu n'auras pas trop honte quand tu reliras tes écrits dans quelques années...

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