lundi 18 janvier 2010

NeW YORk ciTy seReNADe

Quand Hugo Spanky se lance dans une thématique sur New York, ça commence dans le New Jersey et ça finit à Marseille !

                                                                                                                         

Dans un de ses jours de clairvoyance poudreuse, Jean-Claude VanDamme a dit : Si on enlevait l'air du ciel, les oiseaux tomberaient. J'ajouterai pour le paraphraser: Si on enlevait New York de l'histoire du Rock, on se ferait drôlement chier. 

Pourtant ce n'est pas exactement à New York que démarre notre histoire mais plutôt dans sa banlieue, le New Jersey, avec celui deviendra la première idole pour adolescents décadents: Francis Albert Sinatra.

Omniprésent dans les charts et sur les ondes ou au plus bas d'une carrière tumultueuse, raide dingue d'Ava Gardner. En train de défoncer la devanture d'un casino avec une voiture de golf ou sur les scènes du monde, Sinatra adoptera toujours une attitude érigée en art de vivre. De par son intransigeance face à la médiocrité et son affirmation survoltée, Frankie demeure celui qui définira au mieux la "cool" attitude adoptée par les Rockers. Bien loin des jérémiades d'un James Dean, c'est dans l'arrogance naturelle et le cold as ice du môme d'Hoboken qu'il faudra chercher la meilleure définition de la dignité. 
Frank Sinatra mettra très vite tout le monde d'accord sur son cas, sans doute pas au goût de chacun, loin de là, mais incontournable quoi qu'on en pense. Alors pour sélectionner un album ou un autre, comptez pas sur moi, Tony Soprano n'était encore qu'un vague projet pour ses parents que notre homme avait déjà gravé toute une palanqué de fabuleux vinyles. Sinatra est tout bonnement sur le toit du monde durant toute sa période Capitol Records et une compilation ne suffira jamais à résumer la suite sur Reprise. On cause quand même d'un type qui, avec plus de 25 ans d'écart, a enregistré des pointures comme I get a kick out of you (1954) et New York New York (1980)! Vous en connaissez beaucoup qui soient restés à un tel niveau aussi longtemps ? Et tout ça sans s'être jamais mis au Disco, ni teint les cheveux en vert !!! 
On s'est compris, peut être est-ce là encore un de mes nombreux blocages, mais en ce qui me concerne Frank Sinatra est notre père à tous, les cinglés de musique.
     


Si l'interprète de It was a very good year est éternel, ce ne fut pas le cas de son flamboyant New York. Durant les 60's, les quartiers se radicalisent, les mélanges se raréfient, la mort de Kennedy n'arrange rien, l'espoir qu'il incarnait finit le crane en miettes à l'arrière d'une décapotable, s'en est terminé de l'américain propre sur lui, il se découvre les mains couvertes de sang. Dès lors tout ne sera plus que décrépitude. La came, l'alcool à outrance, les pills, la défonce entre dans la partie, Charlie Parker à soudain plein d'émules. Et qui de mieux que Lou Reed pour résumer tout ça ? En à peine dix ans on sera passé du suicide romantique du Heartbreak Hotel de Presley à la souffrance vicieuse, assumée, revendiquée et choisie dont se délecte le Velvet Underground et ses histoires de shooteuses. 


L'époque est aux bouleversements, à la prise de conscience, de partout la pression monte, des voix revendicatives se font entendre. Say it loud ! Le temps où James Brown enflammait l'Apollo d'Harlem n'est plus une image, dans le Bronx les brothers font du raffut et ça va pas aller en s'arrangeant. Under the broadwalk, les seringues s'entassent, les billets changent de mains contre un peu de sexe sans tabou.

Le Velvet Underground, la Factory de Warhol, les romans d'Hubert Selby, la faune de Flexus (Yoko Ono en tête), tout cela est encore bien loin d'éclater à la face de la culture mondiale, pourtant c'est bien de là que vient ce goût pour la provocation qui en décomplexera plus d'un au cours de la décennie suivante. Sans en faire une tartine sur le Velvet Underground, je soulignerai juste que si leur premier album est évidemment d'une importance historique que seul Charlton Heston pourrait nier, musicalement c'est avec leur troisième que je suis le plus raccord. L'album sans nom parut en 69 montre un groupe plus posé, débarrassé de l'encombrant "bruitisme" de John Cale, dont Lou Reed ne supportait plus le crin-crin. Le Velvet offre à certaines des plus belles compositions de son irascible leader, une interprétation d'une inquiétante beauté (Candy says, Pale blue eyes, That's the story of my life) mais c'est néanmoins avec l'album suivant, Loaded, celui de Sweet Jane et Rock'n'Roll, que Lou Reed définira ce qui s'imposera comme "le son de New York".


Un son que les incomparables New York Dolls vont porter à son paroxysme. Avec en leur sein un trio qui représente ce qui ce fait de mieux dans le domaine - Jerry Nolan, Syl Sylvain (dont les albums en solo valent largement le détour) et, bien sûr, mon idole absolue, celui pour qui j'ai damné mon âme en l'offrant tout entière au Rock'n'Roll: Mister Johnny Thunders - les Dolls vont graver deux disques d'une intensité et d'une classe qui vont donner envie à toute une génération de s'armer de guitares. Et je cause même pas des concerts, le peu que j'en ai vu en vidéo atteste la légende: avec ou sans lipstick les New York Dolls étaient des tueurs. La parfaite incarnation de l'énergie et de la débauche des bas fonds de Taxi Driver. En l'espace de trois ans, ils vont outrer le beau monde, et du Mercer Arts Center jusqu'à Londres œuvrer pour débarrasser le Rock de ses prétentions progressives. Avec les Dolls c'est outrances à gogo, les zozos vont se mettre minables pour le compte mais auront tellement brillé et flambé dans les nuits New Yorkaises que leur souvenir irriguent encore aujourd'hui, les veines des adeptes du Rock'nRoll le plus turbulent !


Parfois, il semble qu'un endroit soit touché par la grâce, en général elle choisit les beaux quartiers mais il arrive qu'elle s'égare du côté sauvage, perturbée sans doute par la pollution ou la fumée d'une cigarette, et qu'elle atterrisse sur quelques bistrots mal famés qui trônent en vestiges d'une civilisation ancienne. L'un d'eux se nommait le CBGB et n'avait pas grand chose pour lui jusqu'à ce que viennent y roder quelques misfits aux pupilles éclatées.
D'un quartier pouilleux, ils vont faire le centre du microcosme Rock et lancer une vague qui va faire trembler la grosse artillerie du business. Aucun autre mouvement n'aura engendré autant de bons groupes, autant de grands disques, autant de fusion des sons, des rythmes, de nouveautés bandantes ! Aucun, pas même le Londres de 77 qui à l'exception du Clash, de P.I.L ou des Subway Sect va tourner en rond très vite, poussant la connerie jusqu'à renier ses seuls groupes aventureux. 
La grande force du Punk New Yorkais est d'avoir non seulement lancé le truc dès 75 avec les Ramones, mais surtout de l'avoir porté à un tout autre chose qui ressemble fort à la quintessence de la Rock Music. Je vais essayer de ne pas donner dans le name dropping mais, bordel, rien qu'entre 1975 et 1980, il y a de quoi chopé le tournis en pensant à toutes les figures indélébiles que New York a imprimé dans nos rétines.

A commencer par Blondie et leur délicieux premier album. Un son minimaliste, des chansons magnifiquement troussées, une pop garage 60's que Debbie Harry sublime par son arrogance.
Avec plus ou moins de réussite, le groupe se montrera, au fil des années, téméraire dans ses productions et incarnera à jamais ce que le CBGB avait de plus mignon en rayon. Parce que dès qu'on cause des Ramones ça se gâte niveau charme, même si Debbie désignera Joey Ramone comme étant l'homme le plus sexy au monde avant d'enregistrer à ses côtés le sucré Go lil' Camaro go pour l'album Halfway To Sanity des turbulents faux-frères.
Arrivé là, je dois dire qu'avec les Ramones, niveau musique on touche au légendaire. Notre Révérend Harry Max Powell  leur a consacré un blog complet il y a peu ici même, donc je ne vais pas m'étaler. Mais ne vous privez pour rien au monde de Leave home, Rocket to Russia, Road to ruin et Alive, ni bien sûr de l'album fondateur du Punk Rock, leur premier.

Les Heartbreakers de Jerry Nolan et Johnny Thunders vont pousser à l'extrême le son des Dolls avec le bordélique, ébouriffé et indispensable L.A.M.F. L'un des plus fidèles témoignages du son New Yorkais dans toute sa cradingue splendeur. N'écoutez pas ceux qui critiquent encore et toujours le mixage du Lp, le débat est aussi vain que pour Raw Power, ce ne sont pas des disques fait pour plaire mais pour cogner fort. 


Johnny Thunders avec, puis sans, ses Heartbreakers va débouler sur Londres (où seront enregistrés la plupart de ses disques, LAMF y compris) et influencer ce qui deviendra la scène Punk anglaise avec des concerts furieux, foutraques et une attitude de poupée brisée, inspirée par sa rencontre avec Marc Bolan (dont il reprendra The Wizard) à la toute fin des 60's.
Au fil des ans, Johnny Thunders n'aura de cesse de tourner encore et toujours, vivant de ci de là, bien souvent avec, comme seule compagnie, la femme de ceux qui n'en n'ont pas.
Sur le tard, le gamin de Brooklyn aura bien essayé de réorganiser une carrière pour le moins chaotique. Musicalement irréprochables les démos pirates (Bootleg Studio) de ce qui aurait dû être son dernier album laissent entrevoir un futur plus apaisé. Hélas, son sang ne contenait plus de quoi finir le voyage, atteint de leucémie Johnny Thunders ne laissera pas le temps à la maladie de faire son œuvre et ira mourir d'un shoot frelaté dans cette Louisiane où il projetait depuis si longtemps d'enregistrer. 


Il reste les disques, dont Copy Cats sur lequel le bonhomme dévoile l'étendu de son bon goût à travers des reprises sublimées avec panache et le souvenir d'un mec recta pour qui la musique ne devait subir aucune concession. Autant dire un mec d'une autre époque.


Une époque où pour ce qui était de foutre en vrac les frontières les Talking Heads n'avaient pas leur pareil. En l'espace de cinq ou six albums essentiels, la bande à David Byrne va atomiser le son Rock, l'exploser à grands coups de percussions tribales, de basses énormes, le tout armé d'une audace qu'on n'est pas près de revoir. Le must de l'histoire c'est qu'ils feront tout ça en remportant un succès énorme à travers notre vaste planète. 
Pensez-y, les Talking Heads faisaient des tubes intelligents et instructifs, qui titillaient l'éveil culturel du public. Le dvd live Stop Making Sense témoigne de tout ça et son acquisition n'est dispensable qu'aux cons.



Mais ce New York clinquant et névrosé ne se contentait pas de peu et Mink DeVille viendra bien vite briller à son tour avec les albums Cabretta, Le Chat Bleu, Coup De Grâce, des disques dont je dirais simplement que c'est pas demain la veille qu'ils me laisseront finir mes nuits blanches sans réconfort.
Dans le genre hormones en folie, les Electric Chairs de Wayne County, depuis devenu(e) Jayne, étaient également une sacrée machine à pulsations soniques. Leur album de 1978 avec Eddie and Sheena, Bad in bed et Fuck off est une merveille de pur Rock'n'Roll. 



D'autres se montrèrent plus radicaux comme Suicide, puis Alan Vega en solo (Juke Box Babe, Collision Drive), Richard Hell (Blank Generation), James White and the Blacks (Off White), Lydia Lunch (jetez vous sur son livre Paradoxia paru au Serpent à Plume, dans le genre cru et vécu on ne fait pas mieux) ou carrément exotiques comme Kid Créole and The Coconuts (Tropical Gangsters, Fresh Fruits In Foreign Places), voire revival comme les Stray Cats. Quant à Television, désolé mais j'ai jamais accroché.
Pour faire bonne figure (ne vous y habituez pas, c'est rare) je vais même citer (soyons fous) la harpie velue en chef, Patti Smith et son valable Radio Ethiopia. Et il faudrait que je cause cinéma. Jim Jarmusch, Tom DiCillo, Richard Kern vont saisir sur celluloïd les mêmes instants troubles dont les disques, les peintures et les livres témoignent. On en finirait pas, New York, fasciné par lui même, narcissique comme jamais, s'est laissé immortalisé dans sa folie déjanté par tous les formats existants. 


Avec cette profusion de groupes, le New York de la fin des seventies est devenu un phare qui attirent les plus aventureux des Rockers. Voilà que des furieux affluent d'un peu partout du globe, comme les Cramps -dont l'intégrale s'impose comme indispensable même si l'imaginaire de Las Vegas remplacera celui de New York au fil des années- Sid Vicious qui n'y survivra pas. Les Dead Boys de ce grand suceur de tampons usagés : Stiv Bators déboulent depuis Detroit (Young, Loud and Snotty, We Have Come For Your Children). Phil Marcadé rapplique de france et s'intègre à la faune avec ses Senders et leur pub rock en surchauffe. Il raconte tout ça bien mieux que moi dans son bouquin Au-delà De L'Avenue D qui complète à merveille les témoignages réunis dans Please Kill Me.

                                                         
Bizarrement le disque qui incarne le mieux le melting-pot New Yorkais du début des 80's demeure le Sandinista ! des anglais du Clash. Avec leur triple lp's, le groupe va non seulement résumer la diversité du son et de la scène de Big Apple mais en prime lui présenter son avenir: le Hip Hop.
                                                      

 Tandis que le Punk Rock s'égare dans l'héroïne et la No Wave (Jim Jarmusch étant ce qui en est sorti de mieux même si les compils New York Noise et No N.Y ont leurs bons moments), du Bronx va sortir un groupe qui révolutionnera la face de la planète: Public Enemy ! La bande à Chuck D va balancer un son d'une puissance et d'une agressivité qui n'a d'égale que la virulence du message véhiculé par des textes habités par la révolte. 
La New Wave n'a pas fait tomber les barrières que du côté blanc-bec de la société ricaine, les Blacks ont perçu la secousse et s'invitent à la fête. Tout un mouvement va émerger des ghettos, que ce soit via les graffitis, la danse, le DJing ou le Rap, rien dans le monde tel que nous le connaissons n'aura échappé à l'influence du Hip Hop.
Dès le début des 80's, GrandMaster Flash, Kurtis Blow, Afika Bambaataa ou Run DMC lancent la machine, mais c'est Public Enemy qui fait le joint avec le monde du Rock, lorsqu'en plus des discours de Martin Luther King, Malcom X ou Louis Farrakhan, en plus des samples de James Brown, ils envoient des riffs de guitares à faire passer Exploited pour des adeptes d'Alan Stivell !!!
Mot d'ordre: Bass for your face !!!! 

Fear Of Black Planet, It Takes A Nation Of Millions To Hold Us Back, How You Sell Soul To A Soulless People, Muse Sick And Hour Mess Age ou New Whirl Odor témoignent de la déflagration sonore dont est capable le groupe. Pour les avoir vu avec 7red à Marseille, il n'y a pas si longtemps, je vous l'affirme Public Enemy est le dernier des grands groupes Rock !



Depuis cette période aussi unique qu'intense me voilà en rade de nouveautés estampillées norme de qualité N.Y. Il y a bien eu des soubresauts (la constellation Wu Tang Clan) mais jamais aucun mouvement à la hauteur.
Récemment, 7red causait de sa destination s'il arrivait à dégoter une machine à remonter le temps, je crois que je n'ai plus besoin de vous dire la mienne.
                                                                      
Hugo Spanky

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