jeudi 24 janvier 2019

TyPeX's aNDy WaRHoL


Quoi de mieux que la bande dessinée pour retracer le parcours d'Andy Warhol ? Aucune autre forme d'art ne permet de fusionner fantasmagorie et rigueur historique avec le même entrain. Le cinéma se confronte aux limites de l'interprétation conjuguées à l'exigence de ressemblance physique. Bowie s'y est collé avec un ridicule guindé pour le film sur Basquiat, décourageant par là même tout autre soupirant à la perruque peroxydée de l'insondable Andy. 
Et c'est très bien ainsi.

Rester fidèle à l’illusoire, aborder les différents angles d'une vie dans sa globalité, exige un talent de contorsionniste qui s'additionne mal au cahier des charges des producteurs de blockbusters, et la littérature ne serait que pis-aller. Seule la bande dessinée peut déverser le flot visuel nécessaire pour irriguer nos esprits ankylosés, les soumettre à l'effort d'interprétation indispensable à une bonne compréhension du sujet tout en ne sombrant pas dans un académisme hors sujet.  
Andy Warhol a travesti les codes révolus du temps de son enfance sous des apparats de modernité afin de leur assurer l'éternité. Les images qu'il imprimait dans nos rétines étaient aussi vivantes que le renard autour du cou d'une actrice aux rides outrageusement fardées, l'important était ailleurs. Toute sa vie, Warhol a artificiellement régénéré l'illusion enfantine de la beauté entrevue là où n'existait que désolation. 




Le travail de Typex, impeccablement emballé comme un paquet de lessive, est fruit d'une sidérante minutie. Chaque épisode de la vie de Warhol dicte les contours du dessin, sa dynamique, sa clarté, ou leurs contraires. En renonçant à la prétention du style le dessinateur évolue dans les contraintes et parvient à conserver une unité à l'ensemble en le personnalisant à travers les techniques traditionnelles de la bédé. Il y a du grain, de la vie, de l'irrégularité, l'humain qui tient le crayon n'est pas lissé par logiciel. Les chapitres sont illustrés selon des critères graphiques qui leurs sont contemporains, traits gras, noirs, blancs et gris ou exaltation gros nez des couleurs, Typex ne s’effraie d'aucun défi. Il semble après coup évident qu'il fallait un dessinateur européen pour rendre justice avec un impeccable dosage au créateur le plus polonais d'Amérique. Ce ne fut pas tant parce qu'il usa d’icônes populaires qu'Andy Warhol parvint à interpeller jusqu'aux psychés les plus réfractaires à l'art, mais plutôt parce qu'il coulait de la même source qu'elles.  




Andy Warhol était un poster aguicheur punaisé sur une porte close, si attractif, racoleur et outrancier que la volonté d'y résister s'évaporait avant même de se manifester. Ce que chacun de nous découvrait en franchissant le seuil ne le concernait plus, sa fonction se limitait à nous donner envie d'ouvrir la porte. D'accéder à l'art et ses nécroses en étant débarrassé des complexes paralysants. Si les rues de New York furent aussi vivaces en créativité dans les décennies qui suivirent son apparition, c'est évidemment à cette démarche initiatique qu'on le doit.
Andy Warhol a déverrouillé les galeries d'art en les remplaçant par des hangars aux murs aluminium, il a dézingué l'immobilisme de l'élite en lui abandonnant ronds de jambe et petits fours. Son faire-part signifiait que le temps était aux luminosités de néon, au mélange des fluides et des excréments. Et que pour en être, il allait falloir faire un tour dans la partie sauvage, celle où les corps agglutinés par la sueur prennent le pas sur les conventions, quitte à en ressortir criblé de balles ou le sang contaminé.



Andy Warhol, c'est l'individu qui décrète son existence sans lever le doigt pour en acquérir l'autorisation et se complait dans sa marginalité de strass décati. En s'entourant de ses fantasmes, il fait de la Factory une satire populaire de la décadence oisive des salons de la noblesse. Androgynie, sexualité, films, toiles, projection de soi, vide intersidéral, questionnement et remise en cause, micro sous le nez, réfléchi avant de parler, Warhol propose plus qu'il ne crée. Vampire ou géniteur, il pille, valide, consume. Dans son univers, où l'on meurt pour amuser la galerie, la présence définie le statut, l'incarnation supplante le naturel. Tout cela Typex, irrévérencieux et respectueux, le transcende de mille et unes façons dans un bloc de papier colorié de 500 pages aux tranches argentées, disponible un peu partout, grande distribution et petits détaillants, pour la modique somme de 35 euros. Il ne pouvait en être autrement sans trahir le sujet. Les astres sont alignés, pour cette fois la perfection est de mise.


Hugo Spanky


14 commentaires:

  1. Il a mis 5 années pour confectionner cette BD, ben dis donc, cet auteur ne se fout apparemment pas de notre gueule ! J'ai hâte de la lire.

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    1. Non, il ne se fout pas de notre gueule, c'est un foutu pavé et le travail a été fait et bien fait. C'est de la bédé qui redonne envie d'acheter de la bédé, c'est pas rien vu que je suis atterré par la médiocrité de la production actuelle. La bande dessinée s'est déshumanisée avec l'arrivée du numérique (ça me rappelle quelque chose, tiens c'est bizarre))) et lorsque un auteur torche un truc pareil, ça mérite d'être signalé. On est là face à une œuvre qui épouse son sujet comme From hell l'avait fait dans un autre registre. C'est du très haut niveau et ça garde le côté fendard et sans prétention des comics.
      Indéniablement, il est bon le gars Typex, je vais garder un œil sur lui.

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  2. J'ai fait une grosse mise à jour du texte ce matin, j'étais pas content des conneries que je raconte. Ceux qui se le sont fadés hier jeudi sont priés de se le cogner une seconde fois ))))

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    1. Ouais j'avais l'impression qu'on t'avait piraté.
      Ou alors c'est le Dr Pepper. Trop de sucre. T'étais pourtant prévenu.

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    2. J'ai dû faire une micro dépression )))

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  3. J'étais pas là hier, donc je déguste avec gourmandise ta prose… et oui, comme M. Jourdain tu en fais bien, de la prose, et même de la belle prose !!!
    C'est étonnant de constater que ce dessinateur évolue dans divers styles

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    1. Ouais, c'est un exercice de styles ))) Bon, il y a une cohérence quand même dans le trait, c'est plus l'habillage qui se nourrit d'influences diverses, mais ça a une vraie importance dans le récit en le rendant proche des bouleversements de l'époque que Warhol à traversé. Tout à tellement changé entre les années 30 et 80, c'est intéressant d'utiliser le visuel pour traduire ce mouvement, montrer l'apport de la culture Pop plutôt que de le décrire. C'est le pouvoir de la bédé utilisé intelligemment dans sa globalité.
      Je trouve ce format mieux adapté pour les biographies "rock" que le cinéma qui est invariablement réducteur et auto censuré. Et surtout en panne d'audace. Ceci dit encore faut-il du talent et une excellente connaissance du sujet pour atteindre le niveau du travail fourni par Typex. A ma connaissance c'est un cas unique, même si ce que Piskor a fait pour le Hip Hop n'est pas dénué d’intérêt.
      Et mine de rien Casterman a cassé le prix et ça aussi c'est bien, trop souvent la bédé est trop chère. Les albums Hip Hop de Piskor en sont un bon exemple d'ailleurs. Alors que là, c'est franchement correct vu que le nombre de pages équivaut à 10 albums.

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  4. Relu donc. Bon, perso Andy Warhol me laisse (pour l'instant encore) indifférent. Je n'en pense rien ce qui n'est pas chez moi un gros effort.
    Forcément il y a comme de l'encouragement dans ta présentation.
    Et puis je me vois encore offrir la BD reportage sur Gérard Depardieu avec l'argument: "Tu ne l'aimes pas ou tu t'en moques, lis, après ça tu changeras d'avis"
    Alors pourquoi pas moi? Et M. Warhol?
    Trop fort le Hugo!

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    1. Merci pour l'effort.))) Bon, l'avantage de la bédé c'est que t'as même pas besoin d'aimer Warhol pour concevoir que sa vie fait un bon scénario. Et pour ce qui est du graphisme, il suffit d'apprécier le travail de Typex. Donc, t'es gagnant à tous les coups, tu te régales d'une excellente bédé pleine de rencontres sans souffrir d'avoir à te farcir des œuvres dont tu te contrefous. Le mieux est encore de feuilleter le truc dans un magasin par simple curiosité, c'est ce que j'ai fait pendant que Milady jouait les effeuilleuses dans les cabines des soldes et le premier chapitre m'a convaincu.

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    2. C'est un bon support la bédé quand même. Celles de Loustal par exemple, ont l'avantage de représenter un tableau par case. Du coup on peut rester longtemps sur la même à la contempler, et laisser son imagination faire le reste. Celles de Gotlib, Edika etc... c'est pareil sauf qu'en plus te fais pipi à la culotte tellement y a pleins de détails super drôles. J'en avais lu une sur Dali également qui était super bien mais je ne la retrouve pas. Du coup lors des recherches je suis tombée sur ce Guido Buzzelli, un truc un peu sombre et paranoïaque qui m'attire un max. Et puis ça y est, j'ai retrouvé la bd sur Dali. 45€, j'attendrais de la croiser un autre jour à plus bas prix ^

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    3. Guido Buzzeli pour ce que j'en ai vu c'est le père de John Buscema, du coup c'est quand tu veux ))) Pour ce qui est du prix de Dali et cie, ça me fout en rogne, c'est écœurant la façon dont tous les prix sont calibrés pour échapper au populaire. Les éditeurs préfèrent faire des tirages limités qu'ils vendent comme des placements à des crétins qui refourguent ça trois fois plus cher sur internet. Affreux. On pille notre culture. Quand j'achetais mes Batman imprimés sur papier journal gros grains à 2f50, je les dévorais, les rues de Gotham étaient plus réalistes dans l'encre gras qu'elles ne le seront plus jamais maintenant qu'elles sont imprimées sur du papier glacé à 50€ pour satisfaire des blaireaux qui n'y comprenaient rien à l'âge où cela avait un sens de les lire.

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    4. Le pire dans tout cela, c'est que dans certaines réimpressions de comics en pavé de plus de 400 pages, ils commettent l'hérésie de recoloriser les dessins originaux de façon numérique afin de tout rendre plus lisse et accessible au bien triste goût du jour: j'en veux pour preuve les deux derniers volumes concernant justement Batman dessinés par Neal Adams qui sont sortis chez Urban Comics récemment ou la réédition il y a quelques années de Rocketeer.

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    5. Complétement d'accord, c'est un carnage qui n'épargne personne, Tintin, Blueberry, toutes les éditions récentes sont des cauchemars, la moitié des coups de crayons ont disparu, plus aucun ombrage, plus aucun mouvement. Il ne reste du dessin original que les contours.
      Vivement les rééditions remastérisées...))))

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  5. L'est pas terrible le nouveau Dandy Warhols.. pourtant moi j'avais bien pris mon pied sur la banane à fond noir, notamment en live au Bataclan. Le dernier, bof, faudrait demander à Typex de remixer le truc... ))))

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