Toute de noir et de blond. Gilet à franges perlé de turquoises, bottines en daim et clinquants, pantalon en cuir. Véronique Sanson arrive sur scène comme échappée de The Rose. Le sourire soulignant des yeux malicieux, frêle et vulnérable sous les lumières pourpres, éternelle jeune femme. Il suffira du premier couplet de Vancouver pour que l’on soit mis au parfum, sa fragilité n’est qu’apparence. Debout, gauche dans ses pas de danse ou sensuelle, assise derrière son piano, Véronique Sanson est de celles que les tempêtes font plier, jamais rompre.
Quelle foutue voix. Je n’avais pas réalisé à l’écoute de ses albums, la puissance qu’elle est capable d’invoquer. En v’la du Blues, en v’la, puisque c’est bien de ça dont il s’agit, de Blues, de Rhythm & Blues. De rythme surtout, celui d’une Amérique frontalière, déjà presque du sud. C’est marqué sur l’affiche, Les Années Américaines. Un répertoire puisé au sein de trois albums composés et enregistrés là bas entre 1973 et 1977, Le Maudit, Vancouver, Hollywood, des disques que la Californie peut nous envier. Et comme on est chez Véronique Sanson, ça déborde un peu, manière de permettre à Amoureuse, Drôle de vie ou Besoin de personne de ne pas manquer à l’appel. Et tant mieux. Enregistrée ici ou ailleurs la musique de Véronique Sanson est tellement personnelle que finalement peu importe le flacon. Une musique loin des standards, ceux de la variétés comme ceux du Rock. Une musique qui sonne, qui claque, plus proche d’Isaac Hayes que de la butte Montmartre.
Une musique ornée de cuivres savamment dosés, pas des baltringues festifs, plutôt de ceux qui vous font dresser l’échine, vous insufflent un air chargé d’embruns venus de contrées lointaines. Un groupe serré, au son rond et chaleureux, qui vous prend par l’esprit et vous emmène pour un voyage sans balise à l’itinéraire fluctuant selon les coups de barre d’un piano qui guide la proue en faisant frissonner les tentures d’or, des étoiles jusqu’au sol. La tête dans le vide, les coudes sur le balcon capitonné du théâtre de Carcassonne, j’étais ici et tellement ailleurs.
J’en ai vu des concerts, écouté nettement moins. Combien de braillards confondant énergie et cacophonie distordue m’ont plombé les pieds ? Rien de tout ça durant ces deux heures d’alchimie magistrale. Les vibrations d’une basse captée dans les règles de l’art, le souffle des peaux des percussions, le savoir-faire de musiciens transmettant l’élégance depuis le bout de leurs doigts. Véronique Sanson ne chante que pour moi, l’intimité enfin croisée d’un bon son dans une bonne salle.
Véronique Sanson laisse la passion prendre le pas sur tout le reste, son répertoire impeccable elle le délivre tantôt furie, tantôt confidente, jamais câline. Les amours qui écorchent elle ne les vit pas en victime, elle gratte les croutes des plaies pour des souvenirs en forme de cicatrices. Je ne vais pas jouer le fan transi, je n’en suis pas un, mais le fait est que ce qu’elle délivre sur scène s’apparente à ce que l’on imagine des plus illustres grandes dames du Blues, de la Soul, du Gospel. Chanter pour communier, faire rayonner le bien, exorciser le mal. Ta douleur efface ta faute mais maudit tu restes. Les chansons de Véronique Sanson sont des uppercuts déboussolés en direction de l’âme. Le souffle coupé, l’essentiel apparait. Chasseuse de brumes en quête de vérité.
Avec Milady on est parti à l’aventure, aller à ce concert sans trop savoir où on mettait les pieds, sans s’inquiéter non plus. Ses mélodies sont dans notre adn d’enfants des seventies, Véronique Sanson était différente à ce moment là déjà, détonante dans le lisse reflet du glamour pailleté des Carpentier. Rien n’a changé, elle a toujours cette vitalité qui emporte l’esprit par bourrasques indomptables. Pas d’erreur dans le diagnostique, qu’on le sache ou pas, quand on aime la musique qui fait vibrer, on aime Véronique Sanson.
Hugo Spanky
Oui, on aime Véronique Sanson !
RépondreSupprimerVéronique Sanson c'est aussi vendre des briquets à son effigie dans une époque où on nous inflige des détecteurs de fumées dans notre propre maison ^^
RépondreSupprimerElle est vraiment touchante cette Véronique ! C'est une enfant, une femme, fragile, forte, larguée et lucide à la fois, plus Californienne que les Californiennes et ultra franchouillarde en même temps et ultra drôle ce qui ne gâche rien, mais autant le dire en un mot : sincère.
Et ce concert était d'une qualité sonique exceptionnelle. Quel voyage ! Merci Véwo ! ;))
The original "french girl" de la chanson de Gene Clarke... Certains artistes de variétés sont plus proches du blues que certains ersatz pré-formatés. Elle en fait partie.
RépondreSupprimerJe savais pas pour la chanson de Gene Clarke, encore un qui ne s'est pas souvent trompé.
SupprimerPour la variété, on a eu du bol en France d'avoir des chanteurs populaires influencés par la Country, le Rock'n'roll, les tentations jazz des uns, samba du ghetto pour d'autres, Jazz aussi, loufdingues souvent. On est le pays de Guy Marchand !
Hugo Spanky
Et oui, la Sanson est une des rares artistes françaises qui sait faire sonner un disque avec la rondeur des cadors du rhythm'n'blues et ses opus Américains sont là pour en témoigner de bien belle manière.
RépondreSupprimerApparemment sur scène, elle continue encore à accorder une attention soutenue à son rendu sonore; à ne pas sombrer dans la variétoche de carnaval comme tant d'autres l'on fait.
Dans un autre registre, elle me rappelle l'ami Lavilliers qui lui aussi ne perd jamais son exigence musicale et nous abreuve d'albums tous plus superbes les uns que les autres après une période d'égarement passagère.
Ces deux là sont de ceux qui peuvent faillir mais qui finissent toujours par se relever pour encore mieux nous éblouir.
Drôle de vie sentimentale et professionnelle pour cette immense chanteuse.
RépondreSupprimerRespect !
alors la!! depuis le temps que je le disais ....; et combien de personnes me disaient que c était de la daube!!!! et voila... quelle sacrée revanche!! bizz Pam
RépondreSupprimerOn t'avait pas entendu le dire c'est pour ça. Parle plus fort ou baisse OTH)))))))
SupprimerVa la voir si t'as l'occasion, grand moment assuré.
Bises
Hugo Spanky
j y étais!!! Pam
SupprimerMoi, ça y est, mais c'est récent. Je résume. Je n'aimais pas, je ne disais pas c'était de la daube mais j'associais ça à une variété française que je mettais de côté 5berger forcément, mais là aussi .. mais hors sujet)
RépondreSupprimerEt puis avant toi, il y a eu l'enthousiasme d'un PascalGeorges (Blog fermé, dommage, je t'y aurai renvoyé) et un article sur les premiers albums qui utilisent des termes qui m'ont touchés.
Alors je m'y suis plongé et pour une fois j'étais content d'avoir tord, car que de découvertes. Le trio d'album que tu évoques, et le précédent...
Je ne vais pas copier ton texte, mais c'est tentant. Et même que ce vibrato que je pensais ne pas laisser passer, m'a enfin percé.
Tiens, je prends un risque, un autre vite catalogué en daube quand on ne se laisse porter que par des musiques underground, sombres et malodorantes (et un peu mal joués, tous leurs charmes ;-) ) Son piano domine, il aime souvent les grandes orchestrations, parfois à la frontière du facile et douteux, mais si souvent talentueux... mélodies et/ou rythme avant tout... Je pense à Elton John, même dans ses moments plus faibles...
Voilà, bientôt 9h, je reprends le boulot, mais j'aurai passé quelques instants de plaisir d'écrire et d'écoute... merci Hugo!!
Exact pour Elton John, y a matière à plaisir. Et pour rester français, ta description du cas Elton John s'applique parfaitement à William Sheller, que 7red s'était donné la peine de me faire écouter différemment. A ce propos, 7red ? Un papier sur le cas Sheller ça serait pas de refus.
SupprimerAh, le vibrato de la Sanson...je crois qu'on a tous bloqué là dessus à un moment ou un autre. Comme sur la voix de Dylan. Et au final, c'est aussi ce qui fait le charme.
Hugo Spanky
Rien à ajouter, mais je n'ai pas pu m'empêcher de l'écrire. Bavard un jour....
SupprimerVoilà un bien beau et complet billet sur Véronique Sanson . Sa période américaine ? La meilleure selon moi . Le sommet étant l'album de 1976 "Vancouver" quel putain de disque !
RépondreSupprimerj'ai eu la chance de la voir sur scène en 2004 , un bonheur que vous décrivez fort bien !
oh juste pour rendre hommage à la pochette de "l"autre côté de mon rêve" ou elle mmh hein ? le genre d'album que j'ai envie d'achter rien que pour la pochette ... s'qu'a l'est belle mmmh, l'herbe tendre tout ça ... ah véronique, besoin de personne hé, j'irai bien la voir en concert moi aussi ... quand à l'album "true love" de pat benatar je m’attendais pas à ça et elle est bonne dans ce registre, moi qui ne connaissais qu'un ou 2 morceau hard punk ... dès que je trouve je prends, sur ce a salut les ranx
RépondreSupprimerSalut !
Supprimer"De l'autre côté de mon rêve" tu peux y aller les yeux fermés, il est super.
Et True Love, tu devrais le trouver pas cher assez facilement, il a été pressé en vinyl.
Hugo Spanky
Moi aussi , je n'aimais que moyennement...Je n'ai toujours pas acheté de disque d'elle mais j'ai l'impression que, une fois débarrassée du glam Carpentier et quand on a un peu vécu, on arrive enfin à découvrir la force de ses chansons. J'ai changé d'avis maintenant en réécoutant ses titres à la radio, c'est beau et émouvant! un conseil de disque?
RépondreSupprimerPour ma part "De l'autre côté de mon rêve" et "Vancouver" ;)
SupprimerBon choix, ce sont aussi mes deux préférés. Le Maudit est dans la même lignée bien qu'un peu plus sombre encore. Globalement tout ce qu'elle a enregistré dans les 70's est bon.
SupprimerHugo Spanky
Bravo pour ce texte – et merci pour le lien ;)
RépondreSupprimerLe lien, c'est un minimum vu que je vous ai un brin dévalisé pour ce qui est des photos qui illustre mon texte...mais je pense que ça tu l'avais remarqué ;-)
SupprimerMerci pour le compliment, que je te retourne pour le site et le livre. Beau boulot porté par la passion et parfaitement dans l'esprit.
Hugo Spanky
Merci, le tout est fait avec passion, je vous le confirme.
SupprimerEt, effectivement, il me semblait bien reconnaître quelques photos sur cette page ;-)
Je l'adore.. toujours un petit pincement quand je la voix et des frissons quand je l'écoute, même si depuis "Moi le venin" j'ai un peu négligé la dame. "Amoureuse" reste pour moi une pièce unique qui me ravage toutes les glandes. Je me demande à quoi aurait ressemblait sa carrière si elle était resté de ce côté de l'Atlantique .. surement pas à celle d'une France Gall en tout cas. L'ultra sensibilité frenshie d'"amoureuse" a un poil perdu au fil des disk .. ou alors c'est moi.
RépondreSupprimerDe tte façon à l'époque, y'en avait pas des tonnes des filles superbes à la fois musicienne, chanteuse, auteur-compositeur..
...Y en avait tellement pas des tonnes que je n'en vois pas d'autre qu'elle. Véronique Sanson c'est notre Carole King à nous.
SupprimerAmoureuse est tout ce que tu en dis mais je ne trouve pas qu'il y ait eu un coup de moins bien de suite après.
Ceci dit c'est le signe des grands que d'avoir des amateurs qui selon leur sensibilité propre peuvent avoir pour préféré des albums différents. Sans qu'on puisse trouver à redire.
Hugo Spanky
Ouaih..je crois bien que ça vient de moi.. tellement je suis englué dans Amoureuse. "De l'autre côté de mon rêve" est de très haute volée aussi, mais je l'entends comme ça la petite sœur du précédent. Y'a tout sauf deux ou trois glandes lacrymales en moins. "Le maudit" pareille.. en fait je te dis ça, mais c'est surement un effet madeleine d'il y a qq années (bon ok décennies) qui perdure .
SupprimerBon, je sais pas si c'est hors sujet ou risqué.. mais de France Gall, j'ai aussi un attachement reculé sur le 1er.. "La déclaration". Mais bon, c'est 75 et c'est une autre histoire. Et c'est très en dessous d'Amoureuse..
Puisqu'on est dans les confessions, de France Gall j'ai un faible pour "Ce soir je ne dors pas". L'album était pas mal dans son ensemble, il me semble. A vérifier.
SupprimerHugo Spanky
Eh bin... bim, c'est celui là.. le premier (c'est la tte tte première fois..).. elle est accroupie (du pianiste :DD) et c'est l'album "La déclaration". la belle époque ...
Supprimer.. enfin, quand je dis 1er.. c'est période Berger.. faut zapper la phase sucette etc. Gainsbourg.. Julien Clerc, Berger.. elle ricoche la gamine.
RépondreSupprimer...et Claude François. C'est dire si elle ricoche. ;-))))
SupprimerHugo Spanky
enculé d'Bécaud :D
SupprimerBécaud, voila un monument auquel je ne suis encore jamais attelé. Pourtant il doit y avoir une sacrée intensité.
SupprimerHugo Spanky
Oui, une grosse intensité, une tension, une énergie ensoleillée.. rien que sa voix et son chant, ça rayonne. Les vrais albums originaux sont pas faciles à choper.. y'a énormément de compil. Ceci dit, les 1er 78T du paternel m'ont bien fait tourner la tète.
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