samedi 10 janvier 2015

MoNa LiSa


Et si on parlait d’amour ? C’est bien l’amour, ça transforme les crapauds en princes, les filles perdues en princesses. Mona Lisa est un film d’Amour, l’amour entre deux potes, entre deux femmes, entre un père et sa fille, entre un minable et une grande bringue de pute noire comme il l’appelle avec de l’amour plein la voix. Et c’est beau l’amour, si beau qu’on finirait par y croire.

Mona Lisa c’est 1h30 avec Bob Hoskins à l’écran, Bob Hoskins qui crève l’écran devrais-je préciser. Comme Mickey Rourke dans Angel Heart il porte le film du début à la fin, on le suit pas à pas, un vrai bonheur. Bob Hoskins c’est le genre d’acteur familier qu’on croise à droite à gauche, dans The Wall, L’Irlandais, Cotton Club, Danny The Dog, Mermaids, ou Brazil mais dont on ne se souvient souvent que pour un seul rôle, hélas. Son heure de gloire, Bob Hoskins l’a eu avec Qui veut la peau de Roger Rabbit ? dans lequel il excelle comme à son habitude. Depuis il avait un peu disparu des écrans radars, un homme discret ce Bob Hoskins, mort discrètement en avril dernier sans que ça change la Une des journaux.


Mona Lisa est sorti en 1986 deux ans avant Roger Rabbit, c’est un film réalisé par l’irlandais Neil Jordan qui venait de se faire remarquer avec La Compagnie des Loups et qui plus tard signera Entretien avec Un Vampire. Mona Lisa est une fable, l’histoire d’un minable, tel qu’il se définit, un gars qui croit encore que chacun doit rester à sa place et qu’il faut de tout pour faire un monde. Le style à accorder de l’importance à une poignée de mains plus qu’à un contrat. Le genre a offrir un lapin quand on lui en pose un ou à remplir une mission sans faillir quand on lui en confie une.

  
Bob Hoskins est George, un petit malfrat qui vient de se manger sept ans de zonzon pour protéger son boss, forcément qu’en sept ans les choses ont changé, lui non. Il demande pas grand-chose George, juste qu’on le laisse continuer sa petite vie, dans son petit coin, avec son pote et les histoires qu’ils se racontent. Et aussi que les sentiments s’emmêlent pas trop, il sait pas les gérer les sentiments, George, ça le contrarie.


Au fil de l’histoire, c’est plus une tête qu’il a, c’est un flipper, ses pensées filent de bumper en bumper, il confond tout, se met à croire en des trucs qui sont pas pour lui. En guise de reconnaissance pour son silence, le boss, glacialement interprété par Michael Caine, le désigne chauffeur pour cette grande bringue de pute noire qui se donne de grands airs en même temps qu’elle fréquente les palaces, le beau monde. Elle se nourrit d’illusions, se croit émancipée de la rue, s’imagine en position de faire quelque chose pour quelqu’un, elle donne du Monsieur à George, semble lui accorder une importance et ça c’est pas bien, ça fausse le reflet du miroir. 

 

George c’est un naïf mais c’est pas un con, sa naïveté elle ne vient pas de la crétinerie, elle vient de la gentillesse, elle vient de cette partie de lui qui croit encore à l’humain. Alors quand elle lui demande de retrouver une gamine livrée à un mac sordide, Clarke Peters le fabuleux Big Chief de Treme ou le tout autant fabuleux Lester Freamon de The Wire, il fonce et cette môme camée finit par incarner tout le remord qu’il a d’avoir été absent pour sa propre fille. Il veut être là pour elle, George, c’est sa rédemption cette histoire, l’occasion de se redonner du lustre, de retrouver sa fierté, de se sentir moins minable. Sauf que.


La vie c’est pas un film et Mona Lisa n’est pas un film non plus, c’est ce qui le rend si attachant. Mona Lisa c’est un moment de vérité, les crapauds restent des crapauds parce que les putes ne deviennent pas des princesses. Il n’y a pas de baiser enchanté dans Mona Lisa mais y a de l’amour. Pas toujours où on le pense, encore moins où on le cherche. Et c’est bien l’amour, ça transforme les paumés en papa, ça ouvre les yeux sur les ficelles qui vous manipulent, ça file un coup d’éclairage sur le sordide. Et George de se rendre compte que ceux qu’il voit comme un moyen de s’élever sont ceux là même qui le tirent vers le bas.

 

Faut pas se tromper de combat dans la vie, faut pas attendre des autres la considération que l’on ne s’accorde pas soi-même. Faut comprendre que dans le regard de ceux qui vous aiment le crapaud sera toujours un prince, tout comme le fort sera toujours un faible tant qu’il restera une marionnette. Mona Lisa c’est pas du cinéma, Mona Lisa c’est la vie.

Hugo Spanky

  

 RZV

10 commentaires:

  1. Neil Jordan, tout comme Bob Hoskins, n'a jamais eu la reconnaissance qui lui revient de droit tant son cinéma est au plus près de l'humain et habité par une âme poétique emplie de cruauté. A ce titre son conte pervers La compagnie des loups mérite amplement d'être vu et revu puisqu'il combine ces deux facteurs avec autant de réussite que Mona Lisa.

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  2. Bel article sur un joli film, qui prolonge Angel, le premier opus de Jordan, et préfigure The Crying Game, son plus grand succès, commercial et critique, autres contes (sexuels et sentimentaux) pour adules nimbés de réalisme poétique "délocalisé". La Compagnie des loups relisait avec brio les récits féeriques à l'aune du révisionnisme féministe d'Angela Carter, tandis que Jodie Foster, dans À Vif, affrontait (moins brillamment) d'autres prédateurs dans sa jungle urbaine. Si Entretien avec un vampire s'égarait souvent dans le décoratif, assez loin du cœur intime et blessé du roman d'Anne Rice, et Le Garçon boucher (l'un des films préférés de Cronenberg) s'enlisait vite dans le mélodrame chargé, voire convenu, Neil Jordan, à ses débuts, signa des films différents et originaux qui en firent l'une des voix les plus attachantes du nouveau cinéma irlandais. Notons encore que le co-scénariste de Mona Lisa se nomme David Leland, cinéaste injustement méconnu par ici - ou réduit, lui aussi, à un unique titre, en l'occurrence Wish You Were Here (1987) - et auteur, entre autres, de l'excellent The Big Man avec Liam Neeson.
    Quant à Bob Hoskins, il trouva un rôle inoubliable dans Le Voyage de Félicia d'Egoyan, en ogre gastronome à la fois terrifiant et attachant, pour une performance digne de celle de Lorre chez Lang, sur une thématique assez proche...

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  3. Petit Chef d'Oeuvre, la vie d'un voisin ou d'quelqu'un qu'on connait, avec un Bob Hoskins forcément un mec bien ...
    7red

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    1. Oui voilà c'est en ça qu'il est bon ce film, c'est parce qu'il est simple. C'est sa force. De plus plus il est très malin, car cette idée de 7 ans de taule (pour quelqu'un qui croit aux valeurs "à l'ancienne") démontre aussi à quelle vitesse la vie peut se dégrader quand on on perd ses (re)pères.

      Très bon choix de film on en avait bien besoin, merci.

      Sylvie

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  4. Merci Hugo, je vais essayer de me trouver ça. Un peu de douceur et de poésie dans ce monde de brutes, ça fera pas de mal.

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    1. Oui, c'était un peu le message subliminal de ce papier. Hélas pour trouver le film c'est coton, à ce que je sais il n'a été édité que brièvement en dvd il y a plusieurs années, j'avais eu le coup de bol de le choper à ce moment là mais depuis il est devenu plutôt rarissime y compris sur les chaines de télé et sur le net. Si tu chopes un lien fais le savoir.
      Hugo Spanky

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    2. hum hum
      http://www.solarmovie.is/link/play/2294221/

      mais seulement en VO

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    3. Merci pour le lien ça peut déjà dépanner les plus anglophones de nos lecteurs. Quant au film en lui même je ne suis pas inquiet, il ne peut que te plaire c'est un bijou.
      Hugo Spanky

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  5. Tu parles des films comme j'aime parler des livres.
    j'ai honte je n'ai jamais vu Mona Lisa.

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  6. j'ai vu ce film a sa sortie, mas peut-être une sortie décalée car Roger Rabbitt était déjà connu si mes souvenirs sont bons, probablement une idée des exploitants pour rebondir sur le succès du dessin animé
    Ou bien c'est ma mémoire, car en fait j'ai tout oublié ou presque du film. Sauf d'avoir aimé, sauf des images de bord de mer (??) et enfin la chanson titre, mon premier contact avec Nat King Cole, il y en aura d'autres. Et c'est pour ça que je suis (presque) certains d'avoir vu le film, dès que j'entends ce titre me revient l'agréable sentiment que j'avais eu à voir ce film, marrant il ne me reste plus que ce sentiment, pas grand chose d'autres. Sauf depuis la lecture de ton papier.
    Je le reverrai bien ce film, histoire de mettre des images sur ce qu'il me reste de sensation.
    En tout cas beau papier
    Tu as réussi à faire remonter un peu Neil Jordan dans mon estime. Comme je n'y trouvais pas d'empreinte perso, je pensais à un bon faiseur sans plus, qui pouvait traiter tous les sujets... Mais tu as peut-être mis le doigt sur le fil de son oeuvre. C'est un peu mon défaut, a toucher tous les genres, si je ne trouve pas quelque chose de commun je fini par oublier qui a fait les films, même si ils sont bons.

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