vendredi 1 novembre 2013

RacHeL BRoOKe


Rachel Brooke me posait un problème, un problème de riche mais quand même. Son premier album capté en Low-fi, et sur son canapé, avait circulé via myspace et m'avait suffisamment titillé l’ouïe pour que je suive d'un œil, parfois distrait, le parcours de la demoiselle du Michigan. Distrait mais pas tant que ça, je m'étais commandé le beau vinyl qui avait suivi ce premier effort, enregistré cette fois en duo avec Lonesome Wyatt, allumé en chef des fortement perturbés (et perturbant) Those poor bastards -dont je vous conseille au passage les albums, des ovnis à faire passer Nick Cave pour une grenouille de bénitier et Tom Waits pour ordinaire- le résultat, A Bitter Harvest, aussi charmeur fut-il, me compliqua encore un peu plus la tache. Quelle part attribuer à Rachel Brooke dans ce méli-mélo aux dramaturges si sombres quelles en deviennent source d'angoisses ?



Down in the baneyard paru en 2011 me ramena à la case départ. Des chansons toujours captivantes, une interprétation si personnelle qu'elle suffit à distinguer Rachel Brooke de la cohorte de ces consœurs, mais là encore ce petit manque de quelque chose qui me faisait poser plus souvent qu'elle, Eilen Jewell sur la platine. Et cette question, à trop vouloir enregistrer leurs disques à la maison, les chanteurs d'aujourd'hui ne se pénalisent-ils pas ? Certes, on sait le nombre de disques défigurés par un producteur trop influent, mais quand même. Une oreille extérieure, doublée d'un caractère de gardien de camp, à souvent, en les repoussant dans leurs derniers retranchements, permis aux artistes les plus farouches de délivrer le meilleur d'eux-mêmes, de relier leurs exigences, à nos attentes. Las, ce n'était encore pas pour ce coup ci, et même si le disque continuait de dévoiler le talent de la chanteuse, il n'était jamais qu'une version joliment vernie de son premier album. Au point que ce que j'écoutais le plus de sa production, était un bootleg de démos.




Et enfin vint le jour. A Killer's Dream, dernier album en date de Rachel Brooke, résout tous mes problèmes. Car voyez-vous, cette fois, elle ose. Et pas qu'un peu. Elle ose le Blues. Pour une native du Michigan, on serait en droit d'attendre que ce Blues là soit gorgé d'électricité et de tensions nerveuses, qu'elle se risque à lâcher les chevaux, se mette à brailler comme une Etta James des temps modernes. Pas le moindre du monde. A Killer's Dream nous prend par la main et nous balade à la frontière de la Nouvelle-Orléans, nous fait redescendre le Mississippi jusqu'aux rives du Blues acoustique des origines, cousin du Jazz, tel que défini par Bessie Smith.



Après des décennies de guitaristes au feedback prolixe, de hurleurs et hurleuses rarement à la hauteur de leurs prétentions, Rachel Brooke, sa guitare et sa petite voix, lui redonne l'éclat du Folk Blues des premiers Muddy Waters, tout en l'ornementant de sonorités cuivrées venues des parades de Storyville période Louis Armstrong. A Killer's Dream n'a pour autant rien d'un album tribute à la nostalgie pointilleuse. Bien qu'enregistré en condition live sur un magnéto à bandes, sans qu'aucune retouche ultérieur n'y soit apporté, le disque claque dans les enceintes avec une pêche communicative.


La classe aristochatte de Late night lover et sa trompette à cornet, suivie du négligé déhanché de Every night about this time, rappelle qu'être sexy n'est pas synonyme de vulgarité, Ashes to ashes prend des airs de classique, et la mélodie sucrée de A killer's dream, tout en influences Doo wop et solo de xylophone, apporte une touche de légèreté à laquelle cette amoureuse des Beach boys ne nous avait pas encore habitué. Placé en toute fin d'album, ce morceau suffit à faire piétiner d'impatience en attendant la suite.

 


En s'accordant le soutien d'un véritable groupe, Viva Le Vox (sans doute en hommage à notre blog) Rachel Brooke s'est donnée les moyens de passer un cap, et nul doute que ce disque va la mettre en toute première ligne, tant il déborde de classe et concrétise les espoirs placés en elle, tout autant qu'il comble un vide immense.
Libre à vous de n'en avoir rien à foutre, mais vous ne pourrez pas dire que vous n'avez pas été prévenu.



8 commentaires:

  1. Ton papier n'est pas tombé sur les yeux d'un malvoyant et il m'a parlé. Ô que oui qu'il m'a parlé, Monsieur!
    Enthousiasmé par tes propos, je mes suis lancé illico presto dans la quête de ce «A killer dream's» si alléchant et, une fois en possession de cet objet si ardu à dénicher, c'est la fièvre au corps et l'écume au bord des lèvres que je l'ai alors écouté.
    Et là , paf le choc, la donzelle et son groupe t'embarquent avec leur musique d'un autre temps aussi rustique que belle. C'est comme si on se retrouvait dans un rade ancestral situé en Louisiane, en plein milieu d'une foule bigarrée qui resterait muette d'admiration face aux chansons d'une beauté sidérante de Rachel qui, il ne faut pas en douter un seul instant, gagne à être connue et reconnue.
    Décidément, que ce soit avec Lindi Ortega, Lydia Loveless, Eillen Jewel ou bien mantenant la miss Brooke, ces temps ci ces dames font la nique à la gent masculine et pas qu'un peu qu'on se le dise!

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    1. Tu me disais tout récemment que j'aurai dû citer Joe Strummer dans mon papier sur la divine Rachel Brooke, que cela aurait peut être eu comme effet d'y intéresser le triste chaland qui ignore encore tout des qualité de la dame même si cela eut été fait sans à propos aucun.
      Et bien figure toi que le monde est décidément bien petit, en effet, quelle ne fut pas ma surprise quand au détour d'une exploration du web je m'aperçus qu'elle venait de sortir un split single dont elle occupe une face avec le morceau inédit The mystery of death tandis que l'autre face est gravée d'un titre de Zander Schloss en duo avec un membre des Viva Le Vox. Le même Zander Schloss que l'ont retrouve à la guitare au sein des Latino Rockabilly War, à savoir le groupe de...tadadada...Joe Strummer (!!!!) durant sa période Eartquake weather/Trash city/Permanent record/Walker/Straight to hell.
      Étonnant, n'est ce pas. Et finalement pas tant que ça.
      Hugo

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    2. Décidément c'est une constante: tous les chemins mènent à Joe...

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    3. Oui ou quelque soit le chemin qu'il emprunta il nous mène en Amérique.....

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  2. un des meilleurs disques de 2012. Comptant que tu en fasses un article car je crois qu'à sa sortie j'ai été le seul blog français qui en ait parlé

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    1. Mets un lien vers ton papier, je le lirais volontiers. C'est sur Alternative sounds ?
      Hugo

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  3. oups, j avais oublié de signer. Mais t as quand même réussi à me démasquer. Bien joué !

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    1. Vu qu'on doit être deux sur la toile à défendre Rachel Brooke, c'était un jeu de piste relativement facile.
      Au cas où quelqu'un voudrait en lire plus (Harry Max, c'est pour toi)
      http://alternativesound.musicblog.fr/search/rachel%20brooke/

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