jeudi 8 décembre 2011

Sylvia Robinson



1979, le Punk n'en finit plus de crever, incapable de proposer quelque chose de frais, quelque chose de neuf. Le mouvement qui voulait donner le pouvoir à la jeunesse se contente tristement de repiquer de vieux plans usés jusqu'à la moelle, piochant au mieux dans le répertoire des pionniers du Rock'n'Roll, au pire dans celui des freaks de Nuggets.

Pendant ce temps là, sans se soucier de savoir si le futur aura lieu, les minots du Bronx envoient la soudure, arrachant les derniers souffles de basse à des boomers de récupération branchés en série. Grandmaster Flash creuse ses vinyls, Melle Mel acère son flow, griffonne ses cahiers de rimes toujours plus affûtées.

Tandis que les morbacs de l'art accaparent le graf' pour renouveler le catalogue de leurs tristes galeries pour bobos, détournant de la rue une discipline qui en était pourtant indissociable, le Hip Hop dans son expression musicale peine à trouver un label pour lequel graver de ses prouesses, la cire des presses. Sugarhill Records sera celui là.


Sylvia Robinson, qui dans les 60's susurrait ce Love is strange repris plus tard par plus d'un cat copyeur, celle là même qui signera Shame, shame, shame pour sa copine Shirley, en panne de hit depuis le mythique Let the good time roll, fonde le label cette même année 79, en association avec son homme. Elle en sera la directrice artistique, la dénicheuse de talent et collaborera aux compositions de ses poulains ainsi qu'à la production de leurs disques. 
 

Sylvia Robinson, le genre de Madame qui impose le respect, se contrefout de la frilosité ambiante. Puisque dégun ne sait quoi foutre des scratchs de Flash, elle isole Melle Mel et le colle en studio accompagné d'un groupe formé à l'ancienne, le backing band du label, pareil que la Motown, idem que Stax, le système continue à faire ses preuves et le Sugarhill House Band à faire des merveilles. Le résultat ? The message. Ça cause à quelqu'un ? Ok, on y voit déjà plus clair.

Vexé mais patient, Flash et ses platines en fusion aura sa part de galette avec The adventures of Grandmaster Flash on the wheels of steel, une tuerie fracassante d’innovation, le début d'une nouvelle ère. Dans la foulée, il détourne le Genius of love du Tom Tom Club en It's nasty, un incontournable de plus. Dans un coin, Mick Jones prend des notes et le Clash embarque la troupe pour faire leur première partie lors des légendaires concerts au Bonds de New York, le public les jette, pas grave, l'éternité les jugera. La mèche est allumée, c'est une mèche courte, l'explosion ne tarde pas.

En 1983, entouré des Furious Five, le Grandmaster sort New York New York, leur chef d’œuvre, le genre de morceau que rien n’altère, ni le temps, ni les cons. Chopez le maxi, dites moi si je me goure. 

 
Toujours en 83, le label à étiquette bleue va lancer le Break dance electric boogie de West Street mob, encore un classique fondateur. L'année suivante ce sera la B.O de Beat Street, l'un des tous premiers films calibrés Hip Hop avec le fabuleux Wild Style, qui sera en charge de porter la bonne parole à travers le monde via les rares salles de cinéma à se risquer à le programmer. Melle Mel désormais définitivement en solo y signe Beat street breakdown, pas de quartier, le machin claque dans les sound systems et envoie la concurrence chez le dentiste. RrrrHa !
Avant ça, la Dame Robinson avait donné dans le coup d'essai qui laisse des traces dans l'Histoire. En faisant tourner en boucle le Good times de Chic derrière un trio de MC's recruté par ses soins, son label naissant avait sorti le premier hit du mouvement, Rapper's delight. Le premier d'une longue série. Le Sugarhill Gang entre dans la danse et aligne Apache, 8th wonder et Livin' in the fast lane.

Évidemment pas sexiste, Sugarhill records met les filles à l'honneur avec The Sequence et leur Funk you up, second single du label et nouveau coup d'éclat. En l'espace de 10 mns le morceau, une imparable tournerie Funk, préfigure tout autant En Vogue que Dr Dre.


Autant de titres qui porte la marque de Sylvia Robinson. Je pense pouvoir dire qu'elle s'est pas plantée, pas le genre à rester sur le quai au départ du train. Besoin d'un gonze pour tenir la caméra le temps d'illustrer le White lines du Grandmaster et sa clique ? Elle fait rappliquer un gamin qui promet, Spike Lee. Rien que ça.


Le règne sans partage de Sugarhill records durera jusqu'au milieu des 80's. Jusqu'à l'apparition de Run DMC. Ceux là, vireront les backing bands groovy, remplaceront le Funk par les guitares saturées, enverront boites à rythmes démoniaques et boucles hypnotiques, définiront une nouvelle norme, celle là même qui engendrera Public Enemy, NWA, Ice T, Eric B & Rakim.



Ceci est une autre histoire mais, waouh, que le parcours fut beau, jouissif et novateur pour Sugarhill et sa taulière en chef. Et dire qu'il y en a pour oublier de tomber la casquette lorsque la Dame s'éteint en ce triste mois de septembre de notre année 2011. Hum, je ne fais pas parti de ceux là. Mes hommages, Madame Robinson. Et un grand merci.

Hugo Spanky

8 commentaires:

  1. Le mec sur la photo à côté de Sylvia habitait à 1 km de chez moi.

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  2. Il foutait pas trop le bordel le papi ?

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  3. Je ne l'ai jamais vu, en fait.
    Une légende comme lui à Toulouse... Dans les années 90, ayant appris que Mickey Baker habitait à Jolimont. Je suis passé voir si c'était vrai. Son nom était effectivement inscrit sur la sonnette. Jamais osé le déranger. Il n'habite plus là maintenant.

    Je ne connaissais pas la carrière de Sylvia après leur fameux duo donc merci pour l'info.

    Sinon, rapport à ton article, je te trouve un peu dur avec le punk, d'autant que le rap s'est bien inspiré de certains concepts du punk et de la new wave à ses débuts. Et en 79, c'était encore bien vif tout cela. Si on avait aujourd'hui que le 1/100e de l'excitation de cette période, ça me suffirait....

    PS : rien à voir, mais y avait une autre légende dans mon quartier : Just Fontaine meilleur buteur de la coupe du monde de Foot. Lui, par contre je l'ai encore revu la semaine dernière. Un vrai gentlemen!

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  4. Hum, le punk. Je me doutais bien. Bon, tu me connais, un chouïa provocateur ne serait-ce que pour alimenter le débat mais quand même, je maintiens, rien de novateur dans le punk de 79 (déjà qu'en 77...) une excitation, certes, de l'enthousiasme, okay, mais rien de nouveau sous le soleil. A moins que comme le prétendaient les stickers sur les pochettes de disques d'alors, on considère comme punk les talking heads, PIL, le clash de London calling (encore que même là y a pas révolution) et une poignée d'autres qui du côté de New York secouaient méchamment le cocotier de la tradition. Rien, de toute manière, d'équivalent à l'émergence tout terrain du Hip Hop, de ses DJ, graffeur, Break dancers et MC's sans complexe.
    Just Fontaine, là, par contre, je dis Monsieur.

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  5. Au fond ta peut être raison. J'y connais rien en hip hop.
    Le rap c'est comme le foot, un truc de marseillais ou de parisien : pas ma culture.

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  6. Je reconnais bien l'intégriste toulousain, la prochaine fois on causera rugby mais soit sympa, Serge, ne mets pas les Marseillais dans le même sac que les parisiens.
    Pour le Hip Hop, il n'est pas trop tard pour t'y mettre (enfin, évite les nouveautés) je te fais une liste quand tu veux.
    A quand Grandmaster Flash sur Bang records ?

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  7. Une liste? Why not?

    Surement rien à voir avec le Hip hop dont tu parles mais cet interview de Doc Gynéco me parait être un terrible et juste constat sur ce que cette musique est devenu, du moins en France :

    http://incarnation.blogspirit.com/archive/2007/07/06/doc-gyneco-christine-angot-entretien-croise-avec-david-reinh.html

    Dis moi ce que tu en pense?

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  8. A boire et à manger dans tout ça, Gynéco se mélange un peu les pinceaux. Le fait que nombre de personnalités se convertissent à l'islam est vieux comme Cassius Clay, rien de spécifique au rap là dedans et encore moins au rap français.
    Pour ce qui est des textes de "pleureuses" qui nous polluent les esgourdes depuis trop longtemps, c'est vrai que c'est franchement n'importe quoi la plupart du temps. Risible. J'en cause dans l'intro de Black Riot, quelque part sur Ranx.
    Je déplore le fait que le Hip Hop ait perdu son aspect "danser sur les décombres" les pionniers du genre savaient être combatifs sans tomber dans le mélo. Mais là encore les rap d'aujourd'hui reflètent bien notre époque, ils sont aussi démago qu'elle. Plus personne n'ose tenir un discours dissonant, chacun cherche à se trouver un représentant avant de chercher à se trouver lui-même. C'est triste mais c'est ainsi.
    Pour ce qui est de l’extrême gauche, je préfère même pas aborder le sujet, c'est à se pisser dessus. Quant aux syndicats....voyons combien de temps ça va prendre pour étouffer l'affaire sur le C.E de la ratp, la précédente (la caisse noire du médef visant à casser les grèves en finançant les syndicats en douce) n'avait pas durée bien longtemps. Par contre elle avait attaché par les couilles tout ces pseudo opposants au pouvoir du fric...
    Il y aurait tellement à dire.
    Enfin, pour ce qui est des juifs et d'Israël, je pense que la politique menée par ce pays en fait son propre pire ennemi. Heureusement pour eux que les récentes révolutions arabes n'ont pas abouti à des démocraties laïques. Et dommage pour l'ensemble du monde, les religions vont être plus que jamais présentes dans le débat public. Je ne pense pas que ce soit leur place.
    Pour terminer, le silence radio sur la mort affreuse du jeune juif Llan Halimi alors que, c'est vrai, tout est prétexte à pleurnicher, est certes "étonnant" mais c'est surtout l'absence de condamnation des actes du gang des barbares qui est choquante.
    Pour tout dire simplement, le Hip Hop actuel, à de rares exceptions (Public Enemy) ne me parle absolument plus. C'est surement le plus beau gâchis de l'histoire de la musique mais aussi de celle des mouvements sociaux. Le Hip Hop avait tout pour devenir un porte voix crédible et puissant, et il l'est devenu, hélas personne n'a rien à dire !

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