dimanche 23 octobre 2022

eNTRée, DesSeRT et CochoN d'iNDe


Je ne vais pas être précurseur, la série date de 2016, mais faut absolument que je vous signale l'existence de Fleabag. C'est un bijou. Le pitch est tout con, une nana célibataire, la trentaine, qui parle à la caméra en toutes occasions. Franchement, ça démarre comme un truc que j'allais pas aimer du tout. En plus c'est une série anglaise. Je sais même pas pourquoi j'ai téléchargé le premier épisode, par contre je sais pourquoi j'ai téléchargé les suivants. Fleabag déjoue tout les pronostiques. Le casting, impeccable, condition sine qua non, la soeur de Fleabag (c'est le surnom de l'héroïne), le mari de la soeur, la copine morte qui torpille la façade, embarque l'histoire ailleurs, à un autre niveau, fait ressembler les sourires à des grimaces, le père, la belle mère, le curé, les amants à moitié nazes, c'est dément, ils sont tous incroyablement définis, ciselés et interprétés avec talent et des physiques je vous dis que ça.

Il y a deux saisons de 6 épisodes de 25 minutes et pas un de plus, c'est frustrant tellement on s'attache. Il se passe un nombre incalculable de situations en si peu de temps, y a matière à réflêchir aussi. Le sens de la vie, sans prise de tête, on est sur le ton du stand up, ça se construit sur des détails et ça dérape sur des actes désinvoltes aux conséquences qu'on voit pas venir. La perception que l'on a des choses tord leur vérité. Comme dans un film de Robert Altman, quand les images racontent une histoire, tandis que les dialogues en content une autre. Dans la joie et la bonne humeur, ça se déchire tout doucement jusqu'à l'os. 


L'actrice qui interprète la soeur est impayable, son mari, sosie d'Allen Ginsberg, m'a fait hésiter entre le gros con à baffer et le pauvre type pas totalement irrécupérable. Vous déciderez par vous même. La nana qui joue Fleabag (Phoebe Waller-Bridge) m'a scotché, elle fait tout passer d'un haussement de sourcils, d'abord simple conne qui pense avec son cul, ensuite un peu pareil sauf que notre regard change. C'est la force de la série, elle nous implique. Je ne peux pas en dire plus sans en dire trop, faites vous votre idée. 




Deux doubles albums en six mois après 16 années de silence, on est habitué à tout, pas tellement à ça. Si les Red Hot Chili Peppers avec leur 40 ans au compteur peuvent apparaître comme des dinosaures, ils n'en sont pas moins les plus frais d'entre tous et assurément les seuls dont la créativité réserve encore quelques beaux soubresauts. Du moins tant que John Frusciante traine dans les parrages. Return of the dream canteen en est un de balèze, de soubresaut. La collection automne/hiver propose une luxuriance de nouveaux tons, on ne sait où donner de la feuille. D'abord un traitement du son époustouflant, le groupe ose l'électronique, sans doute sous l'influence de son guitariste dont les récents travaux en solo étaient orientés en ce sens. Que dire d'une merveille comme my cigarette sur laquelle un clavier sert de tapis rouge à un solo de saxophone si délicat que j'aurais juré qu'il s'agissait d'une clarinette si je n'avais pas les crédits sous le pif. Les interprétations ne révolutionnent pas ce qu'on sait d'eux, pourtant il y a une fraicheur dans les sonorités, une envie de ne pas se répéter, de mettre des touches de couleurs nouvelles sur le tableau. Il y a ce morceau qui me hante, handful, le genre qu'ils font en dormant depuis Stadium arcadium, pourtant l'habillage change, un cuivre discret amène un parfum mariachi. Ceux qui ont été frustrés par la discrétion de John Frusciante sur Unlimited love vont en avoir la bave aux lèvres, il illumine l'album de déchirures souveraines. Pas tant de longues escapades solitaires que de courbes et de délices aromatisés de mille épices. Handful en est un cas typique. Eddie, leur hommage au fil duquel Anthony Kiedis se met dans la peau d'Eddie Van Halen en est un autre dont le final  à chaque écoute me file ma dose de frissons. 

Une composition comme in the snow sidère par tout ce qu'elle véhicule, dire pour autant que les Red Hot ont pris des risques serait gratuit (qu'est ce qu'ils pourraient bien risquer, ils sont seuls à cette altitude) n'empêche qu'ils osent la nudité clavier/voix (lalalalala), maitrisent le single bontempi addictif (the drummer), sauvent du syndrome remplissage shoot me a smile d'un break astucieux et cisèlent des mécaniques que les arrangements s'amusent à dérégler. Je vais redire ce que vous savez déjà, John Frusciante est un orfèvre, sans aucun doute l'ultime personnage d'un roman peuplé de héros disparus, peace and love, carry me home, sans en faire des caisses, il maintient son groupe dans la course, lui confère sa légitimité, éloigne le spectre de la sclérose musicale qui plombe d'ici à l'horizon les vastes plaines de la pop music. Quoi d'autre ? Rick Rubin fait sonner les overdubs aussi live que la rythmique, les entrelacs de guitares, les bruitages, cuivres et claviers sont intégrés avec minutie. Le savoir-faire donne une impression d'extrème dépouillement là où une écoute attentive décèle d'insoupçonnées fioritures. Ainsi va ce groupe en vol plané. Agitateurs punkyfunky mal dégrossis devenus héritiers des enfants fleurs par la magie d'une Californie au spleen assumé, aux malédictions conjurées. Ils sont là, encore, et nous aussi. Fidèles à une rencontre sans rendez-vous, avec une histoire qui pourrait bien s'achever avec eux.

Hugo Spanky


9 commentaires:

  1. Terrible cette opulence qui dégringole comme ça..on ne les arrête plus. Je n'ai jamais autant écouté les Red Hot, ces 2 pavés rendent addictif. Coup de tonnerre dans le casque et comme tu dis le son est époustouflant. J'ai bâclé la 1ère écoute, mais là à la 3ème c'est bouclé. (Oui lesolo de Eddie bordel...). On nage en plein Red Hot, c'est quand le prochain ?

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    1. Niveau prise de son et restitution, ça taquine la perfection. Rien que pour Chad Smith, chapeau. Souvent le point faible des albums des Red Hot, le son de la batterie est cette fois, comme sur Unlimited Love, impeccablement capté et dosé. La différence avec l'album jumeau du printemps, ce sont les overdubs, là où Unlimited love se limitait quasiment aux trois instruments de base, pour Canteen ils ont vraiment fait un travail là dessus et le résultat est superbe. D'autant plus que le mixage est d'une finesse pas courante pour des américains qui en général ne pensent qu'à arracher les têtes. Ici les cuivres (comme pour The Bells, soit dit au passage) ne fanfaronnent pas torse bombé, les synthés ne voilent pas tout le reste, les bruitages ne claquent pas les portes, tout est dans la délicatesse. Rick Rubin a fait sa révolution ! Il en a même abandonné sa saloperie de compression. Et les compositions ? Sans déconner, ils en ont combien sous le coude des comme ça ? Ces mecs ont un chanteur que le moindre groupe amateur foutrait à la lourde au bout de trois répétitions et au final il donne vie à des mélodies dingues sans jamais dépasser le ton de la récitation (quoique sur reach out, il va presque sur les plate-bandes de Bruce Dickinson...à son niveau à lui))). Et on peut même pas dire que c'est grace aux effets, j'entends toujours pas d'auto-tune sur leurs albums.
      Autre chose, ces mecs sont devenus garants de tout ce que le rock peut compter comme astuces et savoir-faire, ce Handful qui démarre sur un beat à la Stewart Copeland, puis incorpore des mariachis avant de sortir un break venu de l'espace (c'est quoi ? Un menuet ?). Bref, voila de leur part un album dont on pourrait parler des heures.

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    2. Bien vu l'allusion à Stewart Copeland (un batteur de génie , dans The Police, c'est lui qui m'a toujours le plus impressionné avec son jeu de batterie mélodique) et c'est vrai que Chad est à la fête sur cet album, il n'a jamais été aussi fin et précis.
      Toutes les étoiles se sont alignées pour eux cette année et particulièrement sur ce Return Of The Dream Canteen : Rick Rubin fait enfin preuve de délicatesse et du coup offre un écrin de la plus belle étoffe à leurs compositions ; Anthony est au pinacle de son chant, il est inventif dans son phrasé et il transcende les mélodies comme jamais ; Flea chaloupe à qui mieux mieux avec sa basse toute en rondeur et John, pfff, il est tout bonnement stratosphérique et aligne les solos de dingues avec une aisance qui laisse pantois, un type qui innove avec une gratte de nos jours c'est putain d'inespéré.
      Perso, je bloque en ce moment sur Afterlife qui se termine de façon dantesque avec un John qui lâche les chevaux avec un solo aussi mordant qu'inattendu.
      Ce disque, les amis, a tous les atours d'un compagnon de toute une vie.
      HARRY MAX.

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  2. Manque de temps. Mais une furieuse envie d'écouter, votre faute. Initialement je me disais, j'ai le temps, pas encore suffisamment revenue sur "Unlimited". Manque de temps alors j'écoute vos titres choisis. Harry ajoute "Afterlife " et oui je reconnais comme pour "Eddie" hop **** dans mon classement titre idéal quand je pédale. Maintenant que j'en ai écouté la moitié. On m'aura pas, je suis un vieux de la vieille, y'a un truc, je suis en train de me faire rouler dans la farine. Je lis un peu partout parmi les experts, les affranchis "Décevant" "trop répétitif" etc... J'aimerai rejoindre ces lucides de l'écoute. Mais voilà: ce son clair et voyant, tout ce que vous avez dit, j'ajoute juste pour faire l'intéressant que les lignes pop mélodiques et la voix - j'aime le timbre de ce chanteur - m'enthousiasment ... en fait j'aurai même souhaiter les titres plus longs pour davantage de place pour les instrumentaux. Bon, j'ai pas encore trouvé l'astuce, et j'adoooore, je suis pas pressé de rejoindre les "intelligents"

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    1. On a tous ce fantasme de longs passages instrumentaux avec Frusciante en guitar hero...Sauf que ça n'a jamais existé ))
      Il n'a pas son pareil pour tout déchirer en quelques secondes avant de rentrer dans le rang aussi sec, c'est d'ailleurs un point commun avec Eddie Van Halen, ce talent pour ne jamais donné jusqu'à l'écoeurement. Les red hot empilent plus qu'ils ne dispersent, ils ont développé un talent pour les arrangements plus fin qu'il n'y parait. A l'instar de Kiedis qui utilise à plein régime ses limites, le groupe parvient à méler pop, funk, hard sans se positionner en érudit, ce qui donne une décontraction à leur approche, un feeling naturel.

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  3. FLEABAG, ça y est accro ché. Il faut que je tente de brancher ma dame. Sinon je ferai tout seul, comme l'héroïne il semble. Pour vendre le truc à Ma Mie je vais lui raconter la séance Barak Obama... Si elle fait la grimace, je précise que Blanche Gardin l'a fait rire dans son épisode de sodomie (avec mes mots à moi) ... J'adore la vulgarité à l'anglaise!!

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    1. Ah, voila qui fait plaisir, ici on a fini retourné comme des crèpes.

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  4. Merci pour la découverte Fleabag. complètement fan, moi aussi je vais essayer d'y faire passer ma moitié.

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    1. C'est cool d'avoir un retour sur cette série, elle est vraiment excellente au delà des simples critères du genre et ça fait plaisir de se sentir utile. Merci à toi.

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