vendredi 22 janvier 2016

Un CeRTaiN aRT De VivRe


Le dernier bon moment de Rock'n'Roll que j'ai passé, c'était la cérémonie des funérailles de Lemmy retransmise en direct sur youtube. Ainsi vont les choses. Il y a un peu plus de quarante ans Elvis donnait un concert retransmis en mondovision, aujourd'hui on regarde un cercueil.

 

C'est bizarre à dire mais c'était bien. Ça lui ressemblait. Ça nous ressemblait aussi pas mal. Toutes les conneries, tous les serments qu'on se fait à l'adolescence, il n'en manquait rien. Les roadies étaient là, we are the roadcrew c'était pas du flan, les belles pépées aussi étaient là, quelques-unes étaient certifiées d'époque, mais il manquait les Girlschool. Et Samantha Fox.





Il manquait Fast Eddie Clarke aussi, le seul survivant du Motörhead qui me tient le plus à cœur. La raison de son absence est tellement raccord avec ce que fut ce groupe, que ça m'a bien fait marrer, la cérémonie avait lieu à Los Angeles, et Fast Eddie Clarke est interdit de séjour aux États-Unis en raison d'une vieille affaire de came. Lol, comme on dit.


Il y avait une belle et grande photo au pied du cercueil, une photo du trio de choc qui secoua la fin des 70's avec ce premier album qui dit tout, résume tout, concasse le psychédélisme dans la barbarie et ringardise toute option d'évolution. No brain, que des court-circuits et des ratiches qui s'émiettent, l'émail dévoré par les acides et le speed. La dernière mutation acceptable du Rock'n'Roll est là, sur cette galette noire siglée Chiswick records 1977, celle de Lost Johnny, Iron horse/Born to lose, Keep us on the road. La brutale vérité de Motörhead sans fard ni production. Enregistré par Speedy keen, l'homme de Armenia city in the sky, le disque ramène à Johnny Burnette et aux Sun sessions d'Elvis, nudité de l’exécution et trois tonnes de khôl noir sous les yeux.


J'étais content que la cérémonie des funérailles ne soit pas devenue un gigantesque cirque. Quand ils ont décidé de la retransmettre en direct, j'ai eu un peu les jetons. J'avais tort. Il y a bien eu quelques mecs connus qui ont défilés au micro mais tous avec la même simplicité, Rob Halford, Lars Ulrich et Roberto Trujillo, Slash, Matt Sorum, Ian Scott ont raconté des anecdotes, des moments de franche rigolade qui ajoutés à ceux des anonymes, patrons de bar, bottier français, hardos allemands, compagnons de beuverie, ont remémoré de sacrés tranches de vie. Son fils, Paul, a ouvert le bal et parfaitement donné le ton, on était là pour se préparer à changer de conjugaison, pas pour s’effondrer. Il y a bien eu des gorges serrées par moment, forcément, il y a surtout eu la nostalgie de ceux qui savent que la suite va être moins cocasse, et que ça ira pas en s'arrangeant. Y a des chaises vides qui le restent, pourtant faut bien continuer à poser son cul.



Il était pas bégueule Lemmy, et ce qu'ils en ont dit lui a été fidèle, c'était le plus important, que personne n'en fasse autre chose qu'un bon vivant avec un humour de merde. Un gars qui avait chopé le bon wagon au bon moment, qui n'avait pas hésité à sauter à pied-joint dans le mystery train. Ce train qui ne s'arrête dans aucune gare, seulement au terminus.

Lemmy, c'est pas le seul mais ils sont pas des caisses non plus, avait su garder les pieds sur terre, il ne se la racontait pas genre ce que je fais tient du génie. C'est que du Rock'n'Roll, c'est pas rien mais y a pas non plus de quoi se la péter derrière une rangée de gardes du corps. Je l'ai toujours respecté pour ça. Il était facile de le rencontrer après un concert et c'est arrivé à beaucoup d'entre nous, les traine-tards et les rôdeurs. En ce qui me concerne ce fut sur une aire d'autoroute pluvieuse dans les années 80, entre Toulouse et Carcassonne, les bras chargés de packs de bières, avec Philthy en t.shirt alors qu'on se gelait tous les couilles. Ce que je peux en dire, c'est que Lemmy portait les mêmes fringues et la même paire de boots blanches que pendant le concert et que j'ai pas pigé grand-chose de ce qu'il m'a dit. Leur chauffeur de bus voulait me taper ma boulette de shit, il pouvait toujours courir, j'ai rien lâché. Philthy, lui, il a même pas causé, il a signé mon ticket, m'a claqué les fesses pour que je dégage du milieu et ça m'a fait le restant de l'année. C'était lui mon Motörhead préféré, à l'âge où on a un préféré dans chaque groupe. Un batteur démoniaque, inventeur d'un beat unique sans lequel il est impossible de faire tourner correctement un de leurs morceaux. Philthy Animal Taylor, je ne manquais jamais de le mettre dans le référendum annuel de Best, juste après Keith Moon et devant Topper Headon et Jerry Nolan. C'est sa mort à lui, quelques semaines avant celle de Lemmy, qui a tué mon Motörhead à moi. Il en était la pièce essentielle, d'ailleurs j'avais arrêté de suivre le groupe après qu'il s'en soit fait virer en 1992. C'est dire si il s'en était passé du temps depuis.


Le temps, putain, quelle histoire que ce sablier qu'on n'a de cesse de négliger, de coller au fond de l'armoire. Motörhead ça faisait un bail que j'avais pas écouté de nouvel album, et je compte toujours pas le faire. Je trouvais même con qu'ils continuent, je ne pigeais pas cet acharnement. J'ai regardé cette cérémonie un peu par hasard, suis tombé dessus en sachant qu'elle allait avoir lieu. Il a bon dos le hasard. Je l'ai pris comme une célébration, le solde de tous comptes d'une histoire ancienne. Au moment de se dire au revoir, il y en a un qui a collé la Rickenbaker contre le corps du Marshall, potards à fond, pour la faire gronder comme à la fin des concerts, Lemmy has left the building qu'il a dit au micro et puis ils se sont tous filés rendez-vous au bistrot. C'était bien, une fin à la Elvis, j'ai trouvé ça nickel. Et puis je suis allé me coucher. 


Hugo Spanky

Ce papier s'accompagne d'une pensée pour Glenn Frey des Eagles et d'une autre pour Dom' d'OTH.
 On en est là.


9 commentaires:

  1. Évidement on ne les connait pas personnellement (à part Dom un petit peu..), mais ils nous ont tellement accompagnés dans les moments forts et privés de notre vie à travers leur musique, qu'on a l'impression de perdre une petite part de nous avec leurs disparitions. Puis aussi ça nous rapproche chaque jour un peu de la notre. Tu parles d'un spoiler ! ;(

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    1. Ouep, c'est la seule certitude dans la vie, on meurt à la fin ))))

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  2. Pas d'accord avec vous, ils font des progrès. Si un jour on me propose mon cerveau dans un aquarium avec deux écouteurs pour entendre et un dont la mission est d'y coller parfois du paracétamol effervescent, je signe (J'ai piqué l'image au film de Caro & Jeunnet, "... enfants perdus" me fascine cette image).
    A te lire, oui, il semble bien que tu as été touché par je ne sais si c'est la disparition, la cérémonie ou bien les deux. Moi, j'ai eu ce sentiment, fugace, pour Bowie. Mais je me disais c'est quand même étrange. On devrait s'en foutre pas mal, quoi qu'on s'en remet assez vite, même vite (d'où les cérémonies pour faire durer...) C'est un peu comme une explosion, avant il ne passe rien, après c'est le feu, la destruction... j'arrive, j'arrive, Oui, j'explique, ce qui compte c'est le passage de l'un à l'autre, si on le vit c'est le choc. La preuve, j'adore Jim Morrison et les Doors, mais OK, il était déjà mort et voilà, ça ne me rend pas triste. Les morts meurent, les vivants pleurent (veut pas dire grand chose de profond, mais ça rime). Voilà, mon cerveau en bocal, des écouteurs pour entendre des conneries et en rire... ça serait déjà pas mal, non?

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    1. C'est un putain de cauchemar ton truc. T'imagines si on te fout du zaz à longueur de journée dans ton casque ? Ça doit être encore pire que de regarder un film de jeunet et caro ))))
      La mort de Morrison ça m'avait foutu un coup rien qu'en lisant Personne ne sortira d'ici vivant quand j'étais môme alors tu vois, je suis un hyper sensible, sans doute. Pour Lemmy, on s'y attendait, comme je dis dans le papier c'est plus celle de Philthy qui m'a touché mais ça change pas grand chose au fond du truc. Peut être que comme dit Sylvie ce qui nous touche c'est surtout que ça nous ramène à la notre mais je n'en suis pas certain dans mon cas. Je crois que ce qui m'attriste le plus dans le cas de ces mecs c'est qu'avec eux disparait tout un monde qui était le mien. Eagles c'est un groupe dont mon grand frère avait les disques, j'entends leur chansons depuis toujours, c'est mon environnement. C'est comme si on foutait des coups de griffes dans ma bulle intime. Motörhead, OTH c'est les concerts qui faisaient siffler les oreilles, on en sortait couvert de sueur avec les tifs qui puaient la clope, les yeux rouges et le jean imbibé de bière. Autant de choses qui n'existent plus.
      Ce papier, c'est pas pour faire pleurer dans les chaumières, on a tous des raisons plus familiale pour ça, mais comme je ne compte pas faire de nécrologies (je m'étais promis d'en faire aucune mais bon) c'est une façon globale de dire au revoir à une forme de nostalgie. Maintenant on est sûr que ça reviendra pas. On peut regarder le vide de l'avenir avec sérénité, en quelque sorte.
      Bon week end, soyez funky ))))

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    2. ... t'inquiète, le ton y est, ce n'est pas à pleurer comme tu le dis, la nostalgie pointe bien son nez, mais sans pathos.
      ... Eagles. Comme les Beach Boys, Fleetwood Mac & co, c'est incroyable la distorsion entre l'image musicale et les coulisses, j'adore ça transforme l'écoute. Un peu comme si on te disait que les Stones, derrière, c'est jus d'orange, 8h de sommeil, sport et eau minéral (d'ailleurs, Jagger?)
      ... Bon, le cerveau en bocal, on oubli. Penson au bouquin de Danterc "Racines du Mal" et à son alter ego, intelligence artificielle qui véhicule sur les réseaux, voilà comment j'aimerai quitter mon enveloppe physique.
      ... Je sais que la seul mort qui me fera un effet supérieur à la tristesse que je peux connaître quand un artiste disparaît, un effet proche de ce que tu racontes, sera celle de Elvis Costello. Un retentissement moindre pour sûr. Surtout si il décide de vieillir, mais il aura davantage compté.

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    3. Putain Costello, oui. Mais tard, hein, parce que c'est le gardien du temple lui. C'est à lui qu'Allen Toussaint a refilé les recettes les plus savoureuses du gumbo et vu que Dr John n'est plus tout jeune, on va devoir compter dessus. Je vois The Roots tous les soirs chez Jimmy Fallon, eux c'est pareil, c'est des bibliothèques ces mecs.Il suffit que Fallon leur lance un défi et ils embrayent sur de la Country, du Surf, du Jazz...ils savent tout jouer. La semaine dernière ils ont habillé chaque émission avec des morceaux de Bowie, comme ça, discrétos, sans en faire des caisses et c'était le plus bel hommage possible. L'environnement encore et toujours. C'est pas un hasard si The Roots et Costello ont fait ce bel album ensemble, c'est les derniers garants du savoir-faire à l'ancienne.
      Pour ce qui est de la différence entre la perception que l'on en a et la réalité des personnalités qui composent les groupes, c'est exactement ce qui me passionne le plus, lever le voile, chercher une vérité derrière les stéréotypes. La photo de Glenn Frey et John Belushi, c'est un peu ça. T'imagines les soirées que ça devait être ? Se retrouver coincé entre ces deux là ?

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  3. Je n'ai pas regardé les funérailles de Lemmy, car je craignais justement le truc people, les gens qui ne le connaissent pas et qui pleurent sur son cercueil. Si l'intégrité morale a été respectée,c'est déjà ça. Comme je l'ai déjà dit quelque part, sa mort n'était pas vraiment une surprise : à force de tirer sur la corde....
    Ce qui est plus gênant, et même angoissant, c'est la suite. Il n'y a en effet rien qui soit de ce niveau pour le moment. Il y a bien le Stoner-Doom, mais cela reste très marginal, même si on est bien dans l'esprit. Les mecs des années 70 étaient gamins dans les années 50, ils ont connu l'austérité de l'après-guerre, et ont donc voulu briser ce carcan sinistre.On pourrait donc en conclure que vu que l'on vit dans une société riche et formidable, il n'y a plus de sinistrose sociale capable de faire émerger de tels individus. Pourtant, et c'était une boutade, on vit dans une société de merde, austère et injuste, qui devrait alimenter la rébellion. Mais non, ou en tout cas pas suffisamment.
    Le net, les réseaux sociaux, l'accès facile à tout ça aurait dû permettre une plus grande ouverture d'esprit, aller découvrir plein de groupes, permettre de se faire connaître aussi. Mais il semble que non. De mon point de vue, je trouve que cela a plutôt entraîné une sorte de grande apathie intellectuelle. On se laisse bercer par les liens Youtube commerciaux, qui vous orientent instantanément vers toutes les grosses merdes auditives du moment. C'est donc un cercle vicieux : tu écoutes un truc à la mode, on t'envoie vers le même genre de daube, et tu en sors pas, à moins de connaître un nom à rentrer dans le moteur de recherche histoire de sortir de l'ornière.
    Cela contribue à une uniformisation générale du son : on vogue dans l'électro-dance-rap-pop-ragga en permanence. Et puis, il y a tous les logiciels de musique, qui te permettent désormais de créer ta petite musak chez toi. Or ce qui se fait le plus facilement,sans avoir aucune notion, c'est justement ce fameux son à la mode : l'électro-dance-rap-pop-ragga. Tout le monde fait sa petite démo, on reprend des tubes du moment avec une guitare acoustique, une beatbox, et avec un petit brin de voix, c'est la gloire. Ces derniers temps, le business a réussi le coup de rentabiliser deux fois un morceau : l'original électro-dance, et la reprise, acoustico-sensible, et ce en moins de six mois d'intervalle. Et ça, c'est quand on sample pas. Parce que David Guetta, Daft Punk, tout ça, c'est de la pompe, rien d'autre. Il y a pas de création originale, en fait, juste un boulot de production.
    Prendre des instruments, apprendre à en jouer, faire des concerts, travailler ses chansons et le son en studio, c'est périmé. On veut aller vite, devenir célèbre, briller à tout prix, sans prendre le temps de faire la démarche d'apprendre la musique, ce qui nécessite du temps et du travail. Et surtout une volonté de fer qu'avait Lemmy et Bowie, mais guère les nullards du moment.Si les premiers ont aussi fait de la musique pour se taper des gonzesses, ils voulaient surtout créer, repousser les limites de la société, chacun à leur façon. En ce moment, on vogue dans un conformisme mou, qui font paraître tous les vieux grigous pour des extraterrestres. Ils ont juste eu le courage de dire merde à la société, et pas de se fondre gentiment dedans.

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    1. Et bien mon ami, j'ai envie de te faire une réponse à la Keith Michards : Juste merci !)))
      Mais je suis un incorrigible bavard ))))
      Trop de cases de nos jours, chacun reste sur son carré et se félicite d'être sectaire. Et j'aime pas ci et j'aime pas ça... Lemmy, Bowie et la plupart des mecs de cette génération écoutaient tout ce qui se faisait, de la Pop au Hardcore, fréquentaient tout le monde, de Samantha Fox à Jean-Michel Basquiat. Aux funérailles, Lars Ulrich s'est souvenu d'une soirée qu'il a passé avec Lemmy et Joni Mitchell, tout est là.
      Cette génération là appréhendait la musique comme un élément d'une culture globale et non pas comme une fin en soit. Et encore moins en la découpant en petites tranches à ranger dans des boites répertoriées.
      Aujourd'hui on se contente de connaître sans se soucier de comprendre.

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