J'ai beau être doté d'un enthousiasme naturel proche de Droopy, il m'arrive parfois de pétarader comme un feu de Bengale, soudain animé d'une sarabande d'étincelles. Et même si aucun risque de combustion spontanée ne se profile à l'horizon, je ne boude pas mon plaisir lorsque, au détour d'une énième journée à surfer sur le web en quête de l'hypothétique perle rare, me voila sous le charme d'une demoiselle d'Austin, Texas, et de ses charmantes acolytes.
L'histoire sera brève : Charlie Faye est texane comme je suis pape, c'est une new-yorkaise pur jus lassée de piétiner dans le circuit Folklo-Americana, au sein duquel elle joua un temps les duettistes avec Will Sexton (frère de Charlie sexton).
En 2013, la dame décide d'en finir avec la morosité et choisit d'habiller dorénavant ses mélopées d'exaltations et de rythmes délicatement martelés. Aussi, lorsqu'au hasard d'une tournée, elle tombe sous le charme des rives du Colorado, elle y dépose ses valises et bye bye birdie. Fini de poireauter des heures que son guitariste franchisse le New Jersey turnpike depuis Hoboken pour pouvoir répéter, que son batteur rapplique du Bronx en maugréant sa sale humeur. Comme elle le confie : "à Austin vous pouvez former un groupe en faisant vos courses au supermarché, n'importe où dans la ville des musiciens vivent à 5 minutes les uns des autres". Pratique.
De New York, Charlie Faye garde le up-tempo des Shangri-La's. De Austin, elle pique la rondeur des basses du sud. Pour faire bonne mesure, elle débauche ses copines Betty Soo et Akina Adderley, et rode un show à faire tomber raide les diabétiques. Entre reprises de Chains et Rockaway beach, elles affutent un répertoire personnel aussi parfaitement ajusté à la nostalgie ambiante que le sont les ravissantes robes Courrèges dans lesquelles elles batifolent. Dopé par les réactions du public, le trio a pris le
temps, début 2016, de transformer l'essai en enregistrant un album, avec
un malicieux coup de main de Pete Thomas, baguette en chef des Attractions d'Elvis Costello. Un album frais, pulpeux, ingénieux, inventif dans ses fioritures, intelligemment anglais et pourtant si typiquement américain.
Et même si elles n'inventent pas l'ouverture de porte, je préfère la fréquentation d'une ribambelle de demoiselles en manque de Carole King, que me farcir la commémoration des 40 ans du Punk. A ce propos, je tire mon chapeau à Joe Corre, le fiston de Malcom McLaren et Vivienne Westwood qui vient de flamber en place publique pour 6 briques de merchandising, fringues et bandes inédites des Sex Pistols, manière de rappeler aux croque-morts de la presse, aux champions de la mise sous verre, aux amateurs de musées, que l'idée originelle du Punk n'était pas de finir récupéré par l'establishment, ni de servir de fond de commerce à des quinquagénaires en mal de renouvellement.

Avant d'aller plus loin, une petite parenthèse pour vous laissez le temps de noter le nom d'Akina Adderley, choriste chez les Fayettes, mais leadeuse en chef lorsqu'elle œuvre entourée de ses Vintage Playboys. Elle et sa troupe ont les atouts, et la personnalité, pour nous consoler du départ vers d'autres cieux, de la regrettée Sharon Jones, tout en s'affranchissant de l'héritage grâce à des envolées instrumentales qui ne craignent pas de tutoyer le Jazz de Nouvelle-Orléans.

C'est fait ? Reprenons. Charlie Faye & The Fayettes ne révolutionneront pas la Pop, elles ne proposent rien de plus que ce que Blondie proposa, en d'autres temps, avec In the flesh, mais...vous avez quelque chose contre In the flesh ? Moi non plus. Et voila que le bonbon est à nouveau à portée de lèvres, emballé de couleurs vives, en son cœur gorgé de mélodies chapardées à personne et crânement entonnées, comme de bien entendu, par une voix de petite juive maigrichonne de Brooklyn. Pas exactement comme si tout recommençait, plutôt comme si tout continuait. Cherchez pas, y a pas meilleur compliment à lui faire.

Sweet little message groove sans froisser la soie, la basse prend soin d'enfiler ses demi-pointes pour mener la danse, Carelessly fait du gringue à Carole King, Heart est arrogant comme Mary Wells, Eastside ne s'embarrasse d'aucun complexe pour honorer les Mar-Keys, Coming round the bend déboule comme un inédit du Phil Spector des grandes heures revisité par Steve Van Zandt. One more chance est le genre de tourneries à la Sea of love auxquelles je n'ai jamais tenté de résister. Mon hit, c'est Loving names et son sifflet à la Joe Meek, suivi de Delayed reaction, un machin nerveux traversé en son milieu par une ambiance musette du cosmos, petit détail de production qui fait la différence.
Pour en finir avec le passage en revue, sachez que le disque s'ouvre par le Suprême Green light et se conclut par un It's all happening que les Shirelles n'auraient pas renié.
Avec autant de références, vous aurez pigé que je ne viens pas de découvrir la Tecktonik, l'avenir du futur n'est pas ici. Les râleurs ont de quoi aiguiser leur ulcère. On peut aussi choisir de retrouver, un instant, le souffle du bonheur. Et je vous certifie que pour danser, l'esprit léger, le corps gracieux, autour du sapin illuminé, vous ne trouverez pas meilleur fournisseur que ce délicieux écrin de mélodies ensorceleuses à la vitalité communicative. Quoiqu'il en soit, vous ne pourrez pas dire que vous n'avez pas été prévenu.
Hugo Spanky