mercredi 15 avril 2015

CHucK D TieNT Le MaQUiS


Quand j'écoute les récentes productions de Public Enemy je me demande pourquoi ils s'emmerdent encore à torcher des albums qui nécessitent une bonne dizaine de passages sur la platine pour qu'on y pige quelque chose de clair.  Pourquoi ils persistent à pondre deux ou trois singles inédits par an. C'est comme si il n'y avait plus personne à l'autre bout de la chaine.


Ces dix dernières années le groupe a sorti quatre doubles albums, tous gorgés de soul psychédélique, de funk nucléaire, d'agressivité rock et de beats Mike Tyson. Le furieux Say it like it really is et Everything, une ballade digne de la Motown, les deux singles tirés de Evil Empire of Everything sont si implacables qu'ils redonnent la foi en la force dynamique que la musique nous injecte en cognant fort au plexus. C'est paru y a deux ans dans l'indifférence totale. Public Enemy a sillonné la France peu après, accompagné d'un véritable groupe de scène, Chuck D, Flavor Flav et Professor Griff asmatent un public tout content de se faire recharger les batteries de la sorte. Et y a même pas eu un seul putain de magazine pour en dire deux mots. Si je ne scrutais pas régulièrement le terrain via internet, même pas j'aurais su que le crew posait ses valises à Nîmes. 



Mais passe encore. Il y a tellement d'informations dans Public Enemy, de références, de citations, de clin d’œils à toute un pan de la culture rock des 60's qui lentement sombre dans l'oubli. Trop hors des cases, trop perché. L'ère psychédélique, cet incroyable moment entre 1966 et 1976 où les arcanes du cerveau  ont ouverts les vannes en grand. Sly Stone, James Brown, George Clinton, Isaac Hayes, Norman Whitfield, Marvin Gaye ont élevé des cathédrales d'une liberté comme il n'en existe plus dans le standard mondial actuel. Sauf chez Public Enemy, jetez une oreille sur Superman's black in the building, 11mns 50 de Jazz vaudou planqué sur l'excellent New Whirl Odor leur album de 2005. Bring that beat back, bordel. Faites vous le magnifique final du pourtant un brin bancal How You Sell Soul, voyage garanti dans la stratosphère, en cinq morceaux loufdingues, See something Say something, Long and whining road, Bridges of pain, Eve of destruction et How you sell soul, Public Enemy vire en orbite et dégaine les mickeys. Acid test au Fillmore East, Black Panthers sous LSD. Ça secoue les cervicales. nettoie les méninges et lubrifie la colonne vertébrale. Vous allez pas en revenir.

 

Buffalo Springfield, Jefferson Airplane, Bob Dylan, combien d'autres, ont travaillé les esprits pour les garder éveillés. Chuck D reprend Subterranean homesick blues sur le e.p The More Things Stay The Same de The Impossebulls. Qui çaaa ? Je vois bien que vous suivez pas. Public Enemy featuring Stephen Stills par contre c'est sur la fantastique B.O de He Got Game le film de Spike Lee. J'attends que Grace Slick se mette sur les rangs. 




Je peux comprendre que ça fasse beaucoup pour des mecs qui découvriraient le Velvet Underground mais venez pas me dire que le nouvel album solo de Chuck D, The Black Man In, qui vient de sortir en vinyle n'est pas ce qui s'offre de meilleur comme remède contre les allergies de printemps. Vous n'en savez rien, je viens exprès pour combler cette lacune. 20 ans après The Autobiography Of Mistachuck, le world champion master remet sa couronne en jeu et assassine à 500 mètres à la ronde. Un disque parfaitement dosé, maximum rhythm & blues ! Mavis Staples vient porter la réplique sur Give we the pride, un uppercut soul powerfull, et le dernier des neuf morceaux est rien de moins qu'une reprise dans le ton de Say it loud I'm black and I'm proud. To JB from Chuck D. J'en ai eu la larme à l’œil tellement c'est bon. Vous entendez ce que vous lisez ? 
Pour Get it right or be gone je vous cite un bloggeur américain, Chuck D pourrait rapper en français qu'on l'écouterait quand même en boucle. Je ne peux pas dire mieux.


Avec cet album comme avec ceux de Public Enemy on est au delà des étiquettes et absolument pas dans les canons du Hip Hop tel qu'il est perçu et conçu aujourd'hui. Chuck D fait partie de ceux qui à l'instar de feu Guru (Gangstarr) voient le Hip Hop comme une extension de l'esprit du Jazz. Les morceaux sont élaborés, orgue Hammond, un guitariste de Memphis, une basse bien ronde et des milliers d'idées à la minute. On retrouve même Chuck D à l'harmonica sur Prison Industrial Complex I hate every inches of you au texte inspiré par San Quentin de Johnny Cash. Quand je vous dis que ces mecs là sont les héritiers des 60's.

Je retrouve en Chuck D en solo comme avec Public Enemy ce que le rock n'est plus capable de m'offrir depuis que tout n'est plus que Pop anglaise. Alors je peux entendre tous les arguments fallacieux pour justifier que l'amoureux de musique ne s’intéresse pas à eux. L'amalgame de l'ignorant qui les mêlera à la médiocrité du Hip Hop dont on nous abreuve les esgourdes, ils ont des casquettes, ils portent des shorts, y a même un qu'à une horloge autour du cou depuis 30 ans ! 

On peut le prendre par tous les bouts, c'est vrai. Flavor Flav égraine le décompte d'ici à l'apocalypse et Chuck D fait des pas de boxe sur scène dans son short rocky noir satiné. Reste que Public Enemy c'est l'éternel son en perpétuel mouvement de New York. Big apple beat. Le grand méchant Bronx qui cogne dans les boomers. Harlem au microphone, Brooklyn aux rimes. Et c'est tellement mieux que les Beastie Boys, si vous saviez.
Public Enemy est le dernier groupe à faire monter la sauce jusqu'à l'esprit. Un vieux gang de hippies black concernés, les gamins d'Etta James tombés sous le charme d'Angela Davis. Vous en avez ras le bol des sons en séries, des revivals tendances, c'est par ici qu'il faut piocher. Chuck DThe Black Man In est un disque de musique vivante, toujours en progression, disponible en vinyle sur Rap Central Station. 
Do the right thing.


Hugo Spanky

Le vinyle est là.

15 commentaires:

  1. ... je crois bien que je vais jeter une oreille maintenant que je me sens moins faché avec le rap qu'est devenu aussi ringue que le punk (bien fait yerk yerk yerk), et puis ce que je connais d'eux, même si ça date ... ce que je peux être caprice quand même ... ils ont le ton comme ntm, je veux dire quand on écoute on est pas trompé sur le style, il y a l'opinion. toujours rien sur ntm hugo ?

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    1. NTM est à Public Enemy ce que Frédéric François est à Frank Sinatra.
      Hugo Spanky

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  2. Chuck D en Bob Dylan c'est totalement hilarant ! ;)) Ce mec est un génie et une banque de donnée musicale à lui tout seul. Et tous les samples dans les morceaux de Public Enemy ne sont pas là pour faire du recyclage, mais sont utilisés comme des notes à part entière, tout comme les platines de DJ Lord, qui sont vraiment un instrument au même titre qu'une guitare. On pourrait se contenter de leur musique super groovy et évidente, mais quand on se penche côté paroles, il y a toujours un message de "réveilles-toi ouvres les yeux te laisse pas faire tu es important". Ces gars sont des soldats du bien je les adore.

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  3. "NTM est à Public Enemy ce que Frédéric François est à Frank Sinatra."
    la vanne de l'année !!!!!!!!!!

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  4. OK OK OK ... Moi j'avais juste la flemme et quand j'avais fini d'écouté Fear je me mettais Nation Of Millions et vice-versa, et on n'en parlait plus !
    Là je viens d'essayer Whirl et je crois bien que je vais enchaîner avec How You Sell. Je double la dose ...

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    1. C'est devenu plus organique et musical depuis l'époque de Fear et je le redis ce nouveau Chuck D est un classique. Lâche pas l'affaire.
      Hugo Spanky

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  5. La vache !
    Merci Hugo pour ce rappel.
    Grâce à ton article, je vais aller les réécouter de ce pas et écouter ce que j'ai loupé d'eux.
    Je bookmark ton blog d'ailleurs. Très chouette aussi ton article sur Belushi.
    Fight ze power !

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    1. Content que ça t'ait filé envie, bienvenue à toi.
      J'en profite pour signaler l'existence en cd de Tribb to JB, un albums de reprises de James Brown par Chuck D et tout le team de Slamjamz. C'est pas de la gnognotte.
      Hugo Spanky

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  6. Je prends bonne note. J'ai du retard à rattraper. Je viens juste de me réécouter : Don't Believe the hype.
    Alalala merci merci Hugo. Tu me sauves les oreilles. J'écoutais du rap au début des années 90 mais après je n'y trouvais plus la créativité, la variété et la spontanéité. Il y avait tant de choses différentes dans le rap, de Young MC, A Tribe Called Quest, PE !, EPMD, Gang Starr, Beastie Boys : Il y en avait pour tous les goûts.
    Et j'ai toujours bien aimé NTM. Quoiqu'on en dise, ils avaient plus à dire que beaucoup.
    Je me rappelle d'Olivier Cachin et l'émission Rapline je crois.
    Alalala, nostalgia.

    As-tu connu le fanzine Get Busy ?

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    1. Ah Get Busy ! Tu me fais plaisir d'en parler, ce fut tout simplement le meilleur magazine (et avant cela fanzine) de France. Pas moins. Le ton et la ligne éditoriale ont été pillée par la série des So (foot, film, ciety...) comme quoi Sear n'a eu comme seul tort que d'arriver trop tôt.
      Il a publié un livre que je n'ai pas encore lu, j'y reviendrai. Ça se trouve ici : http://getbusy.bigcartel.com/product/interdit-aux-batards
      Aux puces j'ai chopé New beats la bible du Hip Hop de la grande époque écrite par S.H Fernando JR, sur ça aussi je reviendrai.
      Hugo Spanky

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  7. Tout en papier glacé. Un ton décapant. Des jolis posters. Des vraies interviews. De superbes photos et couvertures. Ca sentait la passion et la liberté à plein nez. J'avais commandé par correspondance à l'époque quelques numéros du fanzine. Il ne me reste que le numéro 10 :(
    Je n'ai pas suivi par la suite et je ne savais même pas que c'était devenu un magazine.
    "Faites comme Bruce Lee, lisez Get Busy - Comment de venir un ninja scriptural - Editions Batard" :)
    Je me suis permis de mettre un lien de ton blog sur le mien pour mieux te suivre. J'ai failli mettre "fournisseur officiel pour mes oreilles" :)
    Re thx

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  8. J'ai vu une video/interview de Sear il y a quelques jours. Il disait que son livre était surtout un receuil (extraits d'éléments de sa page facebook notamment). L'idée d'en faire un bouquin était venue de personnes qui avaient compilé ces éléments. Ptet pas s'attendre à un truc génialissime donc. Par contre hâte de te lire sur la bible de la grande époque.

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    1. Le bouquin de Sear je l'ai pas encore reçu, je te dirais ce que ça vaut. New Beats, suis en plein dedans, chapitre Boogie Down secoue le Bronx )))))
      Hugo Spanky

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    2. Ha, aux dernières nouvelles Public Enemy tourne en Europe en 1ere partie de Prodigy. C'est con que la France soit pas en Europe, je m'en serais bien repris une rasade....

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  9. Oui. C'est fou quand même : pas une seule date en France :(
    Par contre, du coup en regardant les dates, j'en ai vu une en Belgique et pour moi qui suit au nord, c'est ptet encore jouable. Ca tombe un 14 juillet en plus ! :)
    Je crois que je vais réfléchir à m'offrir ce cadeau. On a qu'une vie après tout.

    Je t'imagine garder la bible non loin du chevet :)

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