Cinq épisodes pour la quatrième et ultime saison de Treme. Cinq épisodes avant que les caméras cessent de sillonner les rues de New-Orleans pour tenter de nous en transmettre, plus que l'état d'esprit, la réalité.
Cette chère vérité qui
nous tient tant à cœur, tant New-Orleans incarne l'essentiel des
plaisirs humains. La musique, la bonne bouffe, l'alcool, la chaleur,
la fainéantise. New-Orleans est si incroyablement humaine qu'elle en
incarne aussi les pires vices. Belle pute aux charmes ancestraux,
Femme fatale tout droit venue de l’éden originel. La
Nouvelle-Orléans, éternelle terre de France quoiqu'en disent les
administrations. Terre d'une France qui n'exista jamais, une France
qui aurait mêlée le sang de ses colonies à celui de sa métropole
en le faisant bouillir dans une marmite à Gumbo. Une France idéalisée
qui aurait brandi Django Reinhardt en étendard, laissé le peuple
danser sous les oripeaux de ses théâtres parisiens. Une France qui
aurait aimé les épices, le rythme et les odeurs fortes tout en
conservant crânement cette élégance qui nous fait honneur.
En suivant les quatre
saisons de Treme, on se dit que l'on vivrait mieux sous les latitudes
de Big easy, que jamais on ne voudrait s'en éloigner. Oui, en
regardant Treme, on se ment avec délectation, on se câline d'un
bonheur qui se meurt. On croit croquer un morceau de vie, on assiste
à un enterrement.
Treme est une série
vicieuse comme sa ville, vicieuse comme le monde. Derrière les
bassins qui se déhanchent, se joue une tout autre histoire. Le Jazz,
le Blues ont déserté Bourbon Street, Rampart Street, tout comme la
roulotte de Django ne trône plus sur la plaine en friche de St Ouen.
Quelle plaine ?
New-Orleans s'est mangée
Katrina dans les pierres et il ne subsiste plus, une fois les eaux
retirées, que cette unique question : Selon quels critères
doit-on rebâtir la Nouvelle-Orléans ?
Une unique question à
laquelle chaque protagoniste à sa réponse. Toutes différentes de
celle de son voisin. Les promoteurs, les politiques veulent mettre le
Jazz dans un musé et rentabiliser chaque mètre carré, passant à
la chaux le sang noir de la ville, faire de New-Orleans un modèle
économiquement viable, un endroit rationnel et gérable. Les
musiciens veulent jouer, dans la rue, dans les clubs, dans les
fanfares, les collèges, partout sauf dans les musés. Ils veulent
retrouver la Nouvelle-Orléans tel qu'ils l'ont rêvé, tel qu'elle
fut peut-être brièvement entre la fin de l'esclavage et le début
de la modernité à outrance. Ils se heurtent à l'autorité, à
l'implacable rhétorique de la raison, celle des chiffres à
plusieurs zéro. La population, elle, veut simplement survivre,
relever la tête, bâtir un lendemain et qu'importe de quoi il sera
fait tant qu'il existe.
Treme fait se croiser
tous ces gens, parfois se comprendre mais rarement il ne font un pas
vers l'autre, jamais ils ne changent de camp. Car ainsi va l'Homme.
Destructeur par fierté.
Treme m'évoque
Bubba-Ho-Tep, j'y vois le même message, le même questionnement, le
même constat. De tout ce que le 20eme siècle nous a transmis, enfin
dompté et finalisé, enfin accessible et compréhensible, comme
Savoir et Culture, le 21eme ne veut garder que le plus futile. Le
plus mercantile. L'Homme n'est plus considéré que comme une machine
obsolète, incapable de rentabilité, d’intérêt, dans un monde
qui ne se construit plus suivant son modèle, selon ses critères
physiques. Le monde n'est plus notre monde, il est celui de la
chimère, celui des illusions que quelques uns tentent d'instaurer en
paroles de Dieu. Ainsi va Treme, là bas comme ailleurs, faute de bonheur, on y apprend à regarder ailleurs, à regarder ses pieds puisque jamais l'on ne fera un pas de plus vers l’horizon.
Par chance ces pieds là dansent encore. Mais si,
regardez bien les vôtres, d'abord ce frémissement dans les orteils,
puis le sang qui afflue, lui seul capable d'affronter les tempêtes
et faire se soulever encore et toujours la masse de chairs inertes.
Entendez le battement, la pulsation qui contre le sol émet le rythme
cardiaque, le pouls de la vie. Laissez monter le mouvement le long de
vos jambes, qu'il s'empare de chaque être et nous fasse danser
encore et encore, fusse au bord du précipice. Car c'est là que
l'humain est uni et unique, dans la célébration.
Hugo Spanky
Tremé ! La plus belle série qui m'ait été donné de voir, et même, quitte à subir votre courroux et crouler sous le poids de vos injures, je la place au-dessus des Sopranos. Hé oui !!
RépondreSupprimerHa ha ! Comme ça fait du bien de dire ça ici les amis ;)) cette insouciance soudaine qui me revient, cette prise de risque (derrière mon ordinateur ;D)
L'ampleur et l'importance que prend la place de la musique dans Tremé nous démontre à quel point c'est elle qui a le rôle principal de cette série, et qui est la seule chose à sauver tout compte fait. Car c'est à travers elle qu'ils continueront à transmettre leur passion et les traditions de toutes ces races confondues qui ont fait la Nouvelle-Orléans. C'est elle qui les unit et leur donne la force. Cette série est humaine et en a la dimension.
Pour être humaine elle est assurément cette série! Elle met en émoi tous non sens: elle nous titille les esgourdes avec sa musique qui nous met le feu aux guibolles, elle éveille nos papilles gustatives en nous faisant saliver face à la profusion de mets délectables qu'elle nous présente sans retenue aucune, elle apporte un cascade de couleur dans notre vie avec ses flamboyants costumes de carnaval et elle nous serre le coeur avec ses personnages attachants dont les pires aléas de l'existence n'arrivent finalement pas à les abattre totalement. Tel un phare qui se dresse fièrement face à une tempête déchaînée, elle nous montre la voie à suivre: celle de la dignité, du partage, de la transmission du savoir afin que perdurent les traditions et du refus de se soumettre à une autorité inhumaine qui ne jure que par l'appât du gain. Elle nous apprend surtout à ne plus fermer les yeux et à dire NON à la déliquescence des valeurs humaines.
RépondreSupprimerOui. En plus il y a tellement de sujets abordés dedans... comme la violoncelliste ou comment diffuser sa musique qui est sa passion viscérale en gardant son intégrité et son identité, cette restauratrice qui se bat pour offrir le meilleur, ces Indiens minoritaires et souvent exclus qui en plus de la reconstruction de leurs maisons doivent redoubler de force et de courage pour faire perdurer leurs traditions, les affaires étouffées et la corruption qui sévit à tous les étages, les pauvres qui sont souvent démunis face à la "justice"...etc etc. Et l'humour. Ce DJ Davis me fait pisser à la culotte ;))
SupprimerA voir et à revoir
Sylvie