samedi 8 février 2014

JaMeS GaNDoLFiNi, MeMoRieS aRe MaDe OF THis


La discutions est faussement amicale, on perçoit une tension derrière les sourires de façade. Patricia Arquette, délicieuse et naïve, cherche à se rassurer par des mensonges. L'inconnu est armé, peut être séduit. Au loin, chantent les Shirelles. Il se lève du fauteuil, pose ses lourdes mains sur le visage auréolé de blond, charmeur il relève les lunettes de soleil qui cachent les yeux de la belle, il semble l'admirer, elle se laisse envelopper par ses mots, veut y entendre le réconfort qui fera taire ses craintes. Elle semble crispée mais la confiance s'installe, fragile. La caméra se fait oublier, ils sont seul au monde. La fille se laisse guider, il lui demande de se retourner comme pour mieux apprécier ses formes, innocente, elle le fait. D'un geste brusque le tueur dresse son poing, la frappe à la nuque puis lève les yeux au ciel. Comme une fatalité. Il s'en suit l'une des scène les plus violente à laquelle le cinéma ait donné le jour.
En une poignée de minutes, True Romance vient de me faire un superbe cadeau, James Gandolfini vient d'entrer dans ma vie. Il n'en sortira plus.


Souvent l'on pondère d'une nuance l'admiration que l'on porte à un acteur. On construit des niches. L'acteur le plus drôle de sa génération, l'acteur le plus talentueux de sa génération, l'acteur le plus allez vous faire voir avec votre génération. James Gandolfini était l'un des tous meilleurs acteurs qu'il m'ait été donné de voir. Toutes générations confondues.

Bien sur il faut parler des Soprano. Nombreux furent les acteurs à avoir incarné un héros de série au point d'en devenir indissociables. De l'avoir tant imprégné de sa propre personnalité que le rôle en devint une extension. Peter Falk est Columbo, Telly Savalas incarne Kojak pour l'éternité, Robert Conrad sera James West et Pappy Boyington au delà des rediffusions. Chacun d'entre eux a su à la perfection nourrir son personnage de tellement d'éléments personnels que le moindre détail nous les remémore instantanément. Loin de moi l'idée d'amoindrir leurs talents. Columbo parle de sa femme mais joue t-il la moindre scène de repas de famille ? James West fait les yeux doux à Artémus Gordon mais jamais ne nous invite à partager leur intimité. Kojak aime t-il le bœuf strogoloff autant que les sucettes ?


Dans son interprétation de Tony Soprano, James Gandolfini les surpasse tous. Parce qu'il incarne un homme dans chacune des situations de sa vie, la vie d'un capo di tutti capi. Meneur d'homme mesuré, tempérant les réactions, parfois, un tantinet irréfléchi de ses troupes, amant ou mari attentionné, père de deux enfants pas toujours de tout repos, redoutable dans les affaires, contradictoire dans ses amitiés. Qu'il embrasse sa fille ou pulvérise à coup de pied les dents d'un malotru, qu'il scie les membres d'un corps trop encombrant ou se confie, fragile, à une thérapeute qu'il ne sait que désirer, James Gandolfini est mieux que juste, il est Tony Soprano à chaque souffle, chaque haussement de sourcils.
S'il ne nous avait offert que ce seul rôle, James Gandolfini mériterait déjà d'entrer au panthéon, de siéger aux côtés des illustres. Par bonheur il fit encore plus que cela.



Venu tardivement au cinéma, Gandolfini y entre par la plus petite des portes mais enrichi de sa vie rocailleuse d'enfant du New Jersey devenu homme au contact d'une réalité pas toujours peinte de rose. Il en a gardé la force tranquille de ceux qui connaissent la puissance de leurs poings. Sportif mais baroudeur, libre mais attaché à sa terre, artiste dénué d'ambition démesurée, il garde un pied dans le monde du théâtre mais c'est dans les bars qu'il construit sa vie. L'Italie à l'esprit, l'Amérique rivée au corps, James Gandolfini est habité par le feu.

True Romance sera la première pierre marquante de son parcours. Au gré des films il se grave lentement dans les rétines, faisant de ses souvent courtes apparitions des moments attendus avec délectation. Combien sommes nous à l'avoir guetté dans Perdita Durango, Get shorty, She's so lovely, comme autant de confirmations que, non, nous n'avions pas rêvé, il existait bien un acteur qui ne ressemblait à aucun autre. Un qui paraissait s’épanouir dans des rôles de tordus, de sales mecs à moitié psychopathe et si jouissivement ordinaire pour l'autre moitié. James Gandolfini nous faisait adorer nos plus agressives pulsions en se délectant de les étaler sur les écrans de salles toujours mieux remplies. Alors, forcément quand arrivèrent Les Soprano, nous étions quelques-uns à être mûrs pour les accueillir à bras ouvert. Come stai mio fratello ?


Hélas quelques-uns seulement. France 2 nous les a baladé à toute heure de la nuit et à peu près à tous les jours de la semaine nos mafieux de Newark. Putain de bons à rien, ceux là. Finalement, à la saison 2 ils disparurent. Je ne me fatiguerais même pas à évoquer l'anarchie des sorties vhs puis dvd. Bordel, il fallait qu'on les aime pour ne pas les perdre de vue nos Paulie, Silvio, Meadow ou Christopher. La série a fini par faire le triomphe que l'on sait, mieux à s'installer en incontournable. En référence indéboulonnable. Et James Gandolfini prit enfin le chemin des premiers rôles. J'ai bien dis le chemin, Hollywood ne lui traça pas d'autoroute, non et tant mieux, Gandolfini n’était pas homme à aimer les péages sauf bien sur celui du légendaire générique.


Avant ça il gratifia The barber des frères Coen d'un de ses petits rôles qui en éclipsent de bien plus reluisant puis viendront les chef d’œuvres. Celui que lui offrira son ami, en 2005, l'extraordinaire et inqualifiable John Turturro, lui aussi homme à valoir tous les superlatifs, Romance and cigarettes, un de ces films qui se logent dans votre cœurs jusqu'à en devenir essentiel. Romance and cigarettes est une fable, une comédie musicale, un drame, une pitrerie d'une pudeur qui touche à l'intime. Beaucoup de romances, trop de cigarettes, des chansons et du talent à chaque seconde de pellicule. Un casting d'un bon goût affolant, Christopher Walken, Susan Sarandon, Kate Winslet, Steve Buscemi, Mary-Louise Parker, Aïda Turturro et, peut être dans son plus beau rôle, un James Gandolfini impérial jusqu'à l'orgasme. Du rire aux larmes, il trimbale sa carcasse de mec rongé par le quotidien, paumé dans son mariage, Nick Murder veut vivre autre chose sans rien perdre de ce qu'il a. Dans une ambiance délirante aux couleurs flamboyantes, il ira jusqu'à se perdre lui-même.
Le film sera un bide monumental. Je ne dirais jamais assez à quel point il faut pourtant le voir. Sinon, ne prétendez pas aimer le cinéma. Ni la musique.


La remarque est valable pour Welcome to the Rileys de Jake Scott. On est en 2010, Les Soprano ont baissé rideau et Gandolfini transforme l'essai en s'imposant tout en grâce dans ce rôle magnifique et débordant de nuances. Je ne suis pas doué pour raconter un film, mon vocabulaire serait réducteur, qui plus est pour rendre justice à un film qui ne doit pas grand chose à son histoire et tellement à ceux qui la vivent. Welcome to the Rileys est, comme Romance and cigarettes, un film sur les sentiments, sur le besoin de les faire taire et le désir de vivre selon leur seule loi. Cette fois encore on ne se morfond pas, on ne tire pas les larmes, mieux on y rit, respire à plein poumons, on se sent devenir moins con.



Surtout, se balader au fil de la filmographie de James Gandolfini c'est être surpris sans cesse, voir le cinéma sous des angles chaque fois différents, ne s'enfermer dans aucun genre. Du film de guerre à la comédie sentimentale, il est toujours parfait, pile dans le ton, quoiqu'il joue il nous emmène ailleurs. Je ne vais pas vous dire qu'en mourant à 51 ans Gandolfini a été fauché en plein élan, pourtant l'un de ses derniers rôles, dans All About Albert avec Julia Louis-Dreyfus, nous le dévoile d'une subtilité qui laissait entrevoir de bien belles choses à venir. Il y aurait eu cette nouvelle série Criminal justice dont il venait de tourner le pilote, Robert DeNiro le remplacera, il y aura encore une poignée de films à sortir dans le courant de l'année 2014. Et ce sera tout. Du moins je l'espère. Que la machine à ragots se taise. L'autopsie, loin des rumeurs, à révélé toute la futilité de la vie, James Gandolfini est mort d'un infarctus du myocarde après un repas trop copieux et bien arrosé. Enfin, pas plus qu'il ne m'arrive de m'arroser moi même, 4 rhums, 2 pina coladas et 2 bières dans les heures précédant le décès. Vous aussi ça vous semble raisonnable, non? On est d'accord, James Gandolfini aimait la vie, la bonne vie, à n'en point douter, et ce n'est pas en Italie qu'il allait se mettre au régime. Dans All About Albert son poids est partie intégrante du scénario. On le sait tous, faut prendre soin de soi, personne ne le fera à notre place.




Les témoignages de ceux qui l'ont côtoyé, Bruce Springsteen qui lui dédia une interprétation de l'intégralité de Born to run, son disque préféré, John Travolta, proche de longue date, la présence à ses funérailles de ceux qui ont tournés chaque jour avec lui toutes ces années durant démontrent à quel point l'homme était attachant.



James Gandolfini était de ces acteurs aux côtés desquels on souhaitait vieillir, faisant de chacun de leurs films un repère, une marque dans le temps. Assuré de n'en rater aucun. Fidèle comme en amitié, on noue avec eux un sentiment presque familial, tant de repas partagés, eux dans la lucarne, nous les coudes sur la table, à chacun son meuble. Et lorsque, garce, la vie se retire, que le destin de farouche devient cruel, on mesure alors par le manque qu'il s'agit de bien plus que d'une image qui s'absente, plutôt une chaise qui dorénavant restera vide au banquet des amis.



Hugo Spanky

6 commentaires:

  1. Quel éloge magnifique, je n'ai pas vu tous ses films à part le mythique True romance qui a fait chavirer une génération entière, ni même les sopranos dont je connais pourtant la renommée mais comme tu l'expliques il fallait être déterminer pour pouvoir les voir ces épisodes ! Quoi qu'il en soit, il a eu le don de tout ça et c'est déjà une grâce, il avait compris qu 'il fallait vivre chaque instant, la vie a frappé comme pour beaucoup de façon implacable, mais la mémoire de son talent immortalisée, lui rendra la mesure de son emprunte ici bas . Merci Hugo jm te lire M-C

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  2. "Welcome to the Rileys", je l'ai vu récemment et ce film m'a bouleversé également par la qualité de son interprétation.
    Melissa Di Leo, l'avocate tenace de la série Treme, fait un nouvelle fois preuve de son talent remarquable: dans ce long métrage, elle assure autant dans le registre tragique que comique.
    Kristen Stewart, oui la môme de l'horripilante série Twilight, s'en tire plus que bien dans son rôle de prostituée adolescente revêche.
    Quant à Gandolfini, en père à la dérive suite à la mort de sa fille, il tutoie les sommets et parvient tout à tour à nous foutre la larme à l'oeil et à nous refaire espérer dans le genre humain.
    Ce petit film, qui n'a l'air de rien au premier abord, décrit à merveille la complexité des rapports humain et les tourments qui peuvent conduire une existence au point mort si on n'y prend pas garde. En outre, il a le mérite de ne pas se terminer avec un happy end de rigueur mais de façon douce amère.

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  3. trés bon papier comme d'han et quels éloges pour un acteur pas assez reconnu à mon gout dommage!!! dis moi celui qui tourne dans la série "soprano",fais aussi le caïd dans la série LLYLHAMMER pas mal lui aussi,bises dja!!!

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  4. ...Le mérite de me faire remarquer que je ne me souvenais plus de cette scène dans le film "True Romance" "Sopranos" Je tente de men détacher pour retrouver mon papillonage sans trop m’attacher à une série qui bouffe notre temps. Mais là, c'est dur dur. On est en 2016 et comme mon fils le précise, c'est toujours une série référence. Il reste les films évoqués ici, dont le Turturo qui effectivement n'a pas eu le temps de s'installer, je l'avais oublié. Je vais tenter de me rattraper, avec les autres films ici évoqués. Reste la question deux ans plus tard? De Niro dans une série? pas entendu parlé, cela a été fait finalement? Ce serait amusant que De Niro se retrouve dans un rôle digne de mes souvenirs, digne de Gandolfini j'ai envie d'ajouter. Je sais qu'il est de bon ton de descendre nos (anciennes) idoles, mais pour le coup M. De Niro tend le bâton et la joue.... Bon, et puis c'est une chronique de M. Gandolfini alors juste dire que ce fut un plaisir d'y trouver matière à découvrir. merci

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    1. Criminal Justice est la version américaine d'une série anglaise. Aux dernières nouvelles, c'est finalement John Turturro qui remplace De Niro. La série a été rebaptisé Crime, comporte 8 épisodes et devrait être diffusé sur HBO.
      J'en sais pas plus.
      Te détacher des Soprano ? N'y pense même pas, plus tu vas avancer et plus ils vont te mettre en apnée. Compte pas retrouver une vie normale avant d'en être arrivé au bout ))))

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