samedi 26 octobre 2024

MoGG's MoTeL

 


A l'instar de Thin Lizzy, UFO n'a jamais été reconnu chez nous à la hauteur du talent qui était le sien. Légendaire en Angleterre, trait d'union entre les mastodontes hérités des sixties et la NWOBHM, le groupe a oeuvré pour que d'autres brillent.

Il est cocasse de découvrir que ce mois d'octobre 2024 (!!!) est animé par deux membres, pas les moindres, issus de la formation intersidérale. Michael Schenker, moins original, propose une relecture des classiques disséminés par UFO au fil des albums en s'entourant d'une multitude de chanteurs invités pour incarner Phil Mogg. Et c'est là que le bât blesse. Aucun n'est à l'aise dans ses baskets, la pointure est trop grande. Axl Rose ne fait pas exception en s'attaquant à Love to love. On peine à le reconnaître tant sa voix est usée. Pour le reste, ce sont des versions compressées pour sonner plus heavy que les inatteignables originaux.

Là où bonne surprise il y a, c'est du côté de Phil Mogg, justement. De lui, je n'attendais plus rien depuis longtemps, depuis Making Contact en 1983 précisemment. 1983, l'ovni se crashe tandis que Thin Lizzy domine l'année sur deux fronts, la sortie de Thunder and Lightning, ultime et sublime album du groupe, mais aussi celle d'Another Perfect Day de Motörhead, unique album, hélas, gravé en compagnie de Brian Robertson. Là aussi, de bien des façons, dernier album du groupe à mériter de porter ce nom. 

Bref. Phil Mogg. Mogg's Motel pour être exact. Un putain de foutu disque de Hard Rock (à papa, certes). Une claque. Difficile à décrire. La première chose qui m'est venue à l'esprit est l'album Abattoir Blues de Nick Cave ! C'est dire si le décrire va être coton. La sensation persiste au fil des écoutes, donc il doit bien y avoir quelque chose de ça dans l'ambiance générale qu'il dégage. Peut être le timbre de Mogg qui plonge dans les graves sans rien perdre de sa superbe. Peut être, aussi, la soul contenue dans des chansons qui ne sont jamais que la meilleure expression d'elles-mêmes. 

Trouver l'origine d'un tel regain de pertinence provenant d'un homme de 76 balais, victime d'une crise cardiaque il y a moins de deux ans, ne sera pas moins étriqué. Peut-on encore parler de phénomène surnaturel en matière de musique populaire ? De force intercosmique ? Ce type que le corps médical voulait envoyer à la casse défend en ce moment même son disque sur scène, quelque part ce soir, ailleurs demain. Ce disque dont le peu que je sais de l'enregistrement c'est qu'il a eu lieu dans le studio de Steve Harris et qu'il a été mené par Tony Newton, bassiste des sympathiques Voodoo Six (auxquels il ne manquait finalement qu'un chanteur pour être un peu plus que celà) mais aussi ingénieur du son pour Iron Maiden. Pas mal. Ici co-compositeur de la totalité de l'album, il multiplie les talents et dote des chansons qui ne surprendront aucun aficionado d'UFO d'arrangements dont l'intelligence signe les disques qui survivent aux écoutes attentives. Tantôt à travers d'arrogants choeurs féminins, Sunny side of heaven, Princess bride, Tinker Taylor, ailleurs en additionnant les guitares comme sur l'efficace Apple pie qui ouvre les débats, chaque titre à droit à son traitement de faveur, à sa construction astucieuse. A la six cordes, même si l'on croirait Gary Moore ressuscité le temps d'un Storyville placé en conclusion, s'illustre Tommy Gentry, guitariste des médiocres Raven Age, qui fait ici un boulot impeccablement positionné entre tradition et modernité. Point trop n'en faut. Aux claviers et seconde guitare, Neil Carter, ex UFO des années de disette. Aux tambours, Joe Lazarus dont je ne sais rien sinon qu'il confirme la Maiden connection puisqu'il est, de son état civil, le neveu de Steve Harris, là où le leader de Raven Age en est le fils. 

Tout ça pour dire que l'album pue l'Angleterre, la crucifixion par le blues et l'alcool, cherchez pas de hit calibré FM là dedans. Bien entendu, pour toutes ces raisons, c'est en Amérique (du sud ?) qu'il a le plus de chance de trouver son public. C'est dire si je cause dans le vide.

Hugo Spanky

Ce papier est dédié à Paul Di'Anno et Christine Boisson