La première saison de Mindhunter m'avait foutrement scotché, j'avais accepté tout de go le personnage pourtant sacrément agaçant de Holden Ford, petit génie égocentrique sûr de son art de profiler. La plupart des détracteurs de la série n'en avaient pas fait autant, et il était difficile de leur donner entièrement tort.
La saison 2 corrige le tir. Les portraits hors concours des serial killers les plus emblématiques de ce registre si particulier de l'humanité, lorsqu'elle s'épanche un peu trop sur l'adoration de soi et la négation de l'autre, sont toujours là. Ed Kemper était tout bonnement sidérant, Le fils de Sam, Tex Watson, Wayne Williams, le sont tout autant, ainsi que l'interprétation de Charles Manson par Damon Herriman, qui incarne ce même personnage dans le navet intersidéral Once upon a time in Hollywood de Tarantino, dont il ne faut sauver que les quelques scènes de Brad Pitt. Mais revenons à nos chasseurs de méninges, la saison 2 corrige le tir, disais-je. Et pas qu'un peu. Au delà de la galerie des monstres, la trame s'étoffe dans les grandes largeurs, les personnages de Bill Tench et Wendy Carr prennent de l'ampleur et une multitude de rôles secondaires mitonnés aux petits oignons, qu'il serait malvenu de prendre pour des faire-valoir, se posent en grains de sable dans les rouages de l’enquête.
Holt McCallany est incroyable, faudrait que j'aille chercher le dictionnaire des synonymes et que je vous tartine une dizaine de superlatifs parmi les plus exubérants pour rendre justice à son incarnation de Bill Tench. Bringuebalé entre problèmes personnels, genre encombrants les problèmes personnels, très très encombrants, et obligations professionnelles en forme de corde au cou, son personnage est sous une tension si permanente que nos nerfs sont en surchauffe sitôt que sa pesante carcasse se radine à l'écran. J'ai passé la moitié de la saison à me retenir de distribuer des coups de tronche à mon canapé. La saison a duré trois jours, c'est simple, pas moyen de passer à autre chose lorsque le générique sifflait la pause, pas moyen de me détendre, de remettre à demain. Impossible de revenir à la réalité.
Anna Torv aussi a vu son personnage de Wendy Carr prendre du volume. Intelligemment vicieux, le scénario commence par la combler dans sa vie personnelle, tout en la frustrant méchamment côté professionnel. Avant de lui foutre la tête sous l'eau pour de bon. L'impénétrable Wendy passe du rose bonbon au gris crasse. Haine, dégout, frustration intense, si elle ne vire pas tueuse en série durant la saison 3, c'est qu'elle aura trouvé un exutoire de compétition. Ça va charcler. Avec Bill Tench en cocotte-minute sans soupape et elle qui se fait balancer dans les barbelés avec sourire de circonstance. Avec Holden Ford en fils prodige qui vient de se découvrir des limites à la conclusion d'une enquête au goût amer, sur fond de politique communautariste, au cours de laquelle noirs et blancs récitent leurs réticences électoralistes au détriment de la véracité des faits, c'est toute la force de cette saison 2 que de nous rassasier tout en nous faisant exiger du rabe sans tarder.
L'art de jouer avec nos nerfs est dorénavant parfaitement maitrisé, Mindhunter s'inscrit dans la liste des incontournables et positionne Netflix en challenger sérieux à un moment où HBO se ramasse avec la poltronnerie Euphoria qui conjugue les lieux communs avec ennui.
Hugo Spanky
Tu m'as fait quitter les sables mouvants que sont les saisons de DOWNTON ABBEY. (L'image est malhabile et elle se veut positive) J'ai attaqué donc, je l'aurai fait sans ton papier ceci dit. Mais ton papier était rassurant.
RépondreSupprimerPour tout te dire, je me suis relevé à presque minuit pour pousser jusqu'au milieu de l'épisode 5 (le relevé aidé par un plat indien) et si j'ai été me recoucher c'est par raison car j'aurai bien continué.
Ma surprise jusque là, c'est la sobriété du jeu, de la mise en scène, comme si... non pas comme si, le scénario est tellement fort que l’esbroufe que j'aurai souhaité au début aurait peut-être gâché.
Les interview méritent à elles seules le déplacement. Adieu Hannibal Lecter, la vérité est plus compliquée... en fait plus simple. "Je parle 7 langues..." j'y repense encore.
Quel heure? 8h30? Un tit dej, et je me termine la série. A te lire j'ai juste l'impression que la deuxième moitié ne ressemble pas forcément à la première? À suivre
La part de vérité la dedans?
.... Hé!! Il y en a un qu'est qu'il ressemble à Monsieur Macron ;-)
SupprimerC'est l'agaçant Holden Ford qui ressemble tant à notre honorable et vénéré président. La raison pour laquelle certains sont réfractaires à sa noble personne, sans doute )))
SupprimerAucune crainte à avoir, la seconde partie de la saison est dans la même continuité scénaristique de haute volée, pas de baisse de tension à prévoir, juste l'entonnoir qui fait serrer le cerveau. Mais je crois que ça, tu l'as déjà compris.
Excellente série.
RépondreSupprimerJ'ai lu sur wikipedia que Deep Purple avait fait une chanson sur le meurtrier d'Atlanta.
Faut quand même avoir une très bonne opinion de soi même pour s'autoriser à donner un quelconque avis sur une telle affaire.
Exact, Wrong man dénonce l'emprisonnement d'un innocent sans pour autant citer textuellement cette affaire plus qu'une autre, sinon qu'une référence à Strange fruit évoque le sud des États-Unis ainsi qu'un racisme sous-jacent dans la sentence prononcée. Bon, les convictions personnelles d'un chanteur face à une décision de justice discutable, ce n'est pas à toi que je vais faire remarquer que l'on a déjà connu ça avec Hurricane.
SupprimerOk. Je pensais que "Wrong man" parlait de cette affaire en particulier.
SupprimerEn tous cas, la série a pris quand même clairement parti. Après je n'en sais pas plus que ça.
Je trouve que la série laisse sur un doute, plusieurs même. C'est sa force, le questionnement continu dans nos esprits après le générique final. Est-ce parce qu'il est noir qu'il n'a pas été accusé des meurtres sur des membres de sa communauté ? Est ce parce qu'il est noir qu'il a été accusé des autres meurtres ? Coupable ? Innocent ? Coupable partiel ? La frondeuse complotiste qui mène les mères des disparus n'est-elle pas une simple opportuniste politique de plus ? Le KKK peut-il vraiment s'être totalement tenu à l'écart d'une telle affaire ? Dans la série, comme dans la réalité, les réponses semblent exister, ce sont les preuves qui manquent.
SupprimerL'enfer est sur terre, le blanc, le noir ne sont pas roses ))))
Tu pensais bien, même si son texte ne le dit pas spécifiquement, Ian Gillan a dit dans plusieurs interviews s'être inspiré de cette affaire pour écrire Wrong man.
C'est clair qu'il y a du doute.
SupprimerEn tous cas Netflix frappe très fort en ce moment entre le reportage sur Lee Morgan, sur la tournée de Dylan et la série sur le rap "hip hop évolution", c'est le pieds. Y a quand même des aspects positifs à notre époque )))
Ouf terminé, presque lessivé. "Criminal Minds" se prend une grosse claque. Oui, oui, j'aimais bien au début because l'acteur remplacé depuis par Joe Mantegna. Moi je suis comme ma grand-mère, toutes les histoires n'en font qu'une (elle était forte ma grand-mère) et Joe je sais qu'il ne faut pas lui faire confiance, je l'ai compris dans le PARRAIN III.
RépondreSupprimerPar contre, éclaire moi sur ce que tu as vu que je n'ai pas compris sur WENDY? Un truc que tu vois venir dès que l'histoire de la garde d'enfant débarque, le twist pour ne pas s'embarrasser d'une histoire qui pouvait devenir trop envahissante. Comme le gamin de Tench, mais l'idée est grandiooose j'avoue.
De Wendy, je pense à l'aspect professionnel, la frustration d'être écartée par Ted Gunn alors qu'elle s'est investie dans les fameuses interviews qui on le sait peuvent laisser des traces sur les esprits mal préparés (voir le burn out de Holden en fin de saison 1). Je la sens au bord de la rupture, c'est le tunnel de la déception dans tous les aspects de sa vie.
SupprimerQuant à Tench... Alors lui, que dire ? Pour le coup, la plus grande réussite de cette saison 2 est de rendre intolérable l'attente de la saison 3. Trop fort.