jeudi 15 octobre 2015

LaNa DeL ReY, De MieL et D'oRTies


Ultraviolence, il y a un peu plus d'un an, m'avait scotché d'emblée. Lana Del Rey toute sale des rues de Brooklyn, déchue mais toujours angélique m'avait, plus que séduit, envouté. Les notes de guitares venues déchirer la soie de ses mélodies, la plaçaient sur l'échiquier du Rock et redonnaient un semblant de nouveauté à un genre si enfermé dans ses formules que je le destinais au musée. 

Quand j'ai écouté Honeymoon pour la première fois, à peine eut-il franchi le cyber-espace, je lui en ai voulu de me ramener à la case départ. Terminé les guitares, fini la crasse sous les ongles, Lana avait fait manucure, peeling et épilation. Que le Rock n'a plus aucun avenir créatif, l'évidence s'imposa à moi, Lana Del Rey s'en bat les miches, c'est pas son soucis. Elle venait de me poignarder dans le dos, je la méprisais en retour. 
C'est crétin, parfaitement irrationnel, c'est malgré tout ainsi que je voyais les choses. Parfois, je suis un crétin irrationnel. Le jour de la sortie de l'album, j'étais au centre ville, mieux, devant un rayonnage de disquaire. Le glamour de la pochette exposé à ma vue ne me fit ni rompre, ni plier. Lana avait pris un ticket pour la Floride tandis que je l'attendais à une intersection d'East Village. Lana est une garce. Tel un amant trompé, j'embarquais l'album de Keith Richards comme on se prend une cuite pour se consoler de n'exister pour personne, et tournais les talons sans un regard de plus sur la froide aguicheuse.



Les mails d'amazon, fnac, priceminister, ebay pouvaient pleuvoir comme autant de spams qu'ils sont, j'avais dressé les barrières émotionnelles, rompu les liens. Il ne s'en est pas fallu de beaucoup pour que je renie le passé et mette en vente les précédents albums de la traitresse, œuvres que j'avais pourtant chéri jusque sous mon cuir, tout contre mon petit être fragile. L'irrationnel cédait le pas à la névrose.

Puis vint le temps de mon anniversaire, invariablement niché au  cœur de l'automne, ce moment que le romantisme dispute à la nostalgie, cet instant où la futilité de nos existences frôle au plus près nos consciences. Et mes barrières émotionnelles de s'effondrer comme s’effeuillent les platanes. Lana ! Réchauffe mon âme, fais rougeoyer mon sang d'effluves carmin. Il m'apparut inconcevable qu'elle se soit évanouie de la sorte sans même un mot sur le frigidaire, fusse pour une lune de miel avec un félon de première jeunesse. Un bellâtre de bord de mer, un agaçant en costume à la mode.


Je claquais les portes, fit tinter les clefs et me saisis de l'album dans le premier Leclerc venu. Merde au cérémonial, sus à la bienséance, je tentais même d'en changer le prix dans un dernier sursaut d'indignation. L'étiquette se froissa entre mes doigts tremblants, qu'il en soit ainsi, je paierai le prix fort le supplice du déshonneur. 
Et l'énigme de se résoudre au fil du voyage répété de l'aiguille épousant le sillon. Honeymoon n'aurait jamais pu être autre chose que ce qu'il est. Dépouillé de tout subterfuge, c'est Lana qui laisse glisser de ses épaules à ses chevilles le drapé de dorures qui, seul, l'habillait. Honeymoon laisse les beats fracassants à la jeunesse de Born To Die et les effluves de la rue à Ultraviolence, il impose l'indépendance animale d'une artiste comme on n'en croise dorénavant si peu que j'ai bien failli ne pas la reconnaître.


De sa première note jusqu'à l'ultime souffle de Don't let me be misunderstood, Honeymoon fait mieux que s'inscrire dans la lignée des grands disques, il en redéfinit les vertus.
De ma méprise, puissiez-vous me pardonner, Lana adorée. 
Insatiablement votre,

Hugo Spanky

10 commentaires:

  1. Ha Ha ! T'as raison ma Brenda, faut pas se laisser aller ;))
    Effectivement ce disque est totalement déroutant, et le pire, c'est que tu t'en aperçois pas de façon frontale, mais de façon plus insidieuse, voire fatale. Pour preuve, de l'avoir écouté toute la matinée et mettre juste après Amy Winehouse m'a fait sursauter, ensuite c'est passé, mais sur le coup on aurait dit Annie Cordy à côté ;))

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    1. Passer de la nana Del Rey à l'amie sac à vinasse, c'est comme passer du Dom Pérignon à la 8.6.
      ))))))))
      Hugo Spanky

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    2. Ouais, ouais, ouais il n'empêche qu'aussi dépouillé qu'ils soit ce disque se constitue avant tout de morceaux plutôt interchangeables qui émeuvent guère le palpitant et nous laissent de facto de marbre. Cet opus est d'une monotonie franchement rédhibitoire.

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    3. Et bien...pas du tout ))))) C'est vrai qu'il n'y a pas un morceau qui sort du lot plus qu'un autre. Le disque fonctionne comme un tout et te plonge dans une délicieuse atmosphère dont il est difficile de s'extraire.
      Tu le sais, de prime abord j'ai eu du mal mais maintenant qu'il m'a chopé par le colbac, je ne m'en lasse pas.
      Bon, là, je viens de mettre les Mama's and Papa's et j'ai l'impression d'écouter du heavy metal. ))))))
      Hugo Spanky

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  2. Non mais quelle canon, cette fille.... Faudrait pas ignorer cet aspect là... Elle ferait décongeler l'antartique.

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    1. Harry Max est plus difficile à décongeler que les deux pôles, même le réchauffement climatique n'a aucun effet sur lui. )))))))
      Hugo Spanky

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    2. Laissez-moi bailler tranquille, j'ai sommeil moi !
      En même temps, je l'ai bien cherché puisque j'ai commis l'erreur de remettre ce foutu Honeymoon sur ma platine...

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    3. Alors, tes impressions à la nouvelle écoute ? ;)) Moi aussi j'étais pas fan du tout au début, du moins tellement pas surprise que ça m'avait ultra déçu, mais en fait de l'avoir comme ça à la maison et de l'écouter et le réécouter, c'est un vrai délice. Ceci dit, bien qu'il soit totalement dépouillé par rapport à Ultraviolance, je le vois plus comme un autre volet de ce même album (si je me fait bien comprendre)...

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  3. Sur le coup je suis un peu en retard. Alors que j'avais dévoré le précédent.
    Moi je ne résiste pas, et tant pis si c'est un pu chimique laboratoire, je suis accro à l'imagerie sexy américaine proprette mais insane. Le truc que Lynch manipulait si bien.
    Il faut savoir que la chanson d'Adele, SKYFALL j'ai dû me l'écouter des dizaines de fois. Pour situer.
    Il y a une Amérique qui me fascine et cette Amérique sonne comme ses disques. Un autre temps, un autre fantasme. Des couleurs criardes de jours ou de nuit. Las Vegas, Los Angeles, désœuvrement, Nancy Sinatra, Joey Heatherton.
    Contrairement au précédent, les arrangements nous ramènent dans des lieux de luxe (ure) Terminé l'encanaillement rock. Le retour de l'ennui hollywoodien comme source d'inspiration.
    Marrante la photo où ses albums côtoient un Cramps, Bon, faut que je m'arrache à la fascination de la nouvelle version de la femme enfant fatale lolita.Surtout que j'ai vu passer une chronique des Sparks que je compte bien "remonter"...

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    1. Complétement d'accord, il ne faut pas résister. On ne peut pas. Même Harry Max l'écoute en cachette.
      J'en suis à ne plus être capable de l'éloigner de la platine. Tu le définis parfaitement, les arrangements sont divins et ne se dévoilent qu'au fil des écoutes.
      Hugo Spanky

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