mercredi 19 février 2014

iRoN MaiDeN


Plus j'avance dans les années 2000, plus j'aime les années 80. Pour les avoir vécu à l'âge où les joues de poupon à marinière deviennent creuset aux pommettes saillantes, où les grands yeux vert qui faisaient la fierté de maman deviennent de misérable fentes soulignées de cernes noires, je n’en retire que du bon, elles m’apparaissent comme le dernier moment avant que l’humain ne se fasse supplanter par la machine. Avant que loisirs comme travail ne se lient au virtuel. Les années 80 étaient concrètes, elles se vivaient dans les rues, se gagnaient par la ruse, elles offraient des choix ainsi qu’une obligation de choisir. On n’était pas tout et rien, on prenait parti, on se bâtissait sans modèle imposé, sans chercher à joindre le plus grand nombre. 
La musique était encore un espace sauvage, repère des allergiques au conventionnel et fantastique moyen d’affirmation de soi. Il en existait pour tous les goûts, mais fallait creuser, ne pas s’imaginer que la terre est plate et que la fin du monde se situe quelque part au delà du hit parade RTL. 
L’ère pré-internet offrait bien mieux que la globalité à portée de clic, elle proposait de l’aventure, du risque et du frisson. Fallait savoir lire les pochettes de disques, connaître les noms des producteurs, des musiciens, des studios, autant de langages codés, de regards nouveaux, d’options du possible. Ou accepter de rester un pitre.


Devant l’immensité des plaines vinyliques, devant le choix pléthorique face à mes maigres moyens, j’optais pour la stratégique de la division, ne pouvant aborder tous les genres de front, malgré une tendance à ne pas toujours passer par la caisse, je décidais d’en mettre quelques uns de côté pour plus tard ou jamais. Le Punk me semblait chiche, Power Pop pour filles en rébellion plus que pour moi, le Reggae m’assoupissait invariablement, il restait le Funk et le Hard, je pris les deux. D'ailleurs les deux genres sont cousins bien plus qu’il n’y parait, l’intention est la même, donner du plaisir tout en faisant travailler les méninges sur le mode fantasmagorique. Je n’ai jamais vu de différence entre Kool and the Gang et Van Halen, pas plus que d’inspirations opposées entre Funkadelic et Iron Maiden


Les concerts firent pencher la balance. Si voir en province les stars du Funk était aussi rare qu’un mot de félicitation sur le cahier de correspondance, les groupes de Hard Rock, eux, n’étaient jamais avares de soirées riches en décibels débridées. Et parmi tous, Iron Maiden étaient les rois de la fête. Le groupe avait réussi la parfaite synthèse du passé et du futur. Aux bases piquées à Thin Lizzy, guitares mélodieuses à la tierce et basse prédominante, ils avaient ajoutés le speed du tempo, le chant lyrique à l’octave et des ambiances directement venues d’une parfaite connaissance du cinéma d’horreur, de la littérature macabre, des poèmes de Coleridge aux nouvelles d’Edgar Allan Poe ou H.P Lovecraft. Iron Maiden est un concept global, un univers tout entier. 

Vous allez me dire que je suis bien gentil à radoter mes souvenirs, et je ne m’offusquerais pas d’apprendre que vous vous contrefoutiez de savoir que le concert de 1986 était moins barbare que celui de 84. A vrai dire je n’aurais même pas imaginer prendre la plume pour tartiner sur Iron Maiden si ma chérie n’avait pas dégainé Phenomena de son boitier VHS et que Flash of the blade n’avait mis en branle d’anciens neurones depuis longtemps remisés au grenier. Bizarre comme soudain les mots me sont venus, le couplet tout entier sans anicroche, arrivé au refrain j’avais bondi sur le lit en agitant ma calvitie frontale, brandissant les doigts en cornes de Satan (pour les Hardos, mais Va fan culo pour les ritals, ce qui démontre que le diable est bien dans les détails).
Il n’en fallut pas plus pour que je sorte des étagères les quelques vinyls du groupe à avoir survécu à mes incessantes périodes de purge. 



Il en restait quatre, Iron Maiden, Killers, Piece of mind et Powerslave, je dénichais Number of the beast parmi les K7 et m’injectais le tout dans le conduit auditif avec une maestria qui en aurait rebuté plus d’une pour ce qui est de me conserver comme amant. Au lieu de quoi, ébahie par tant de grâce et d’énergie déployée, ma chérie adorée décréta que le groupe était dorénavant son préféré et nous voila aussi sec, jamais rassasiés, lancés de concert à la recherche de Flight 666, documentaire hautement gratiné et aussi attachant que possible.
Flight 666 c’est Iron Maiden en 2008, car, oui, ils existent toujours. Loin des setlists remontant aux calanques grecques dont nous assaisonnent bon nombre de groupes ayant dépassé les 20 ans d’activité, Iron maiden a sans cesse renouvelé son répertoire en privilégiant son plus récent album. A chaque tournée ne subsiste du passé qu’une poignée de leurs innombrables classiques. C’est peut être rageant de ne pas entendre sempiternellement Aces high ou The trooper, mais c’est la ligne de conduite du groupe depuis le début et c’est ainsi que les fans les plus assidus peuvent assister à chaque nouvelle tournée sans crainte de lassitude.



Chaque règle à son exception et Flight 666 est celle ci. Pas plus con que les autres, les gars de Iron Maiden à force de parcourir le globe se sont rendu compte que leurs publics avaient rajeuni et qu'ils étaient nombreux à ne pas les avoir vu en leurs temps les plus glorieux. Il existait même des pays entiers, parmi les plus mal lotis en matière de concerts, Colombie, Chili, Argentine, Mexique, (France ?) qu'ils n'avaient encore jamais visité !! Qu’à cela ne tienne, Bruce Dickinson, chanteur de son état et pilote de Boeing 747 à ses heures de repos, prend les commandes et voila nos troupes installées, matériel compris, dans la carlingue flambant neuve de ce fameux Vol 666. Leur mission ? Ré-interpréter pour la première fois depuis des lustres leurs classiques les plus frappants. Un répertoire à filer des cauchemars à la concurrence, à faire splitter les plus navrants.


A travers des extraits de concerts démentiels, des interviews informelles, des visites de temple inca, on suit le groupe à chaque instant et le découvrons dans toute la simplicité de ceux qui savent pourquoi ils font les choses. On rigole, on s’attache, on se remémore combien c’était bon et tellement essentiel, Iron Maiden, et combien aussi on a été ingrat de finir par leur en préférer d’autres. Pendant un temps.

Et c’est là que la magie intervient, là que des fois je me demande si il n’y aurait pas des choses dont la compréhension nous échappe. Vous allez me croire ou pas, mais pas plus tard que le dimanche suivant toute cette agitation, je me suis levé conquérant pour me rendre au vide grenier de Carcassonne, terre cathare à la cité d’une mystique qui charma ces mêmes Iron Maiden lorsqu'ils la visitèrent en 1986, tandis que nous piétinions d’impatience en les attendant à l’entrée du Palais des Sports de Toulouse. Bref, dans ce vide greniers aux allures de camp de gitans je dénichais non pas un, ni deux, mais quatre beaux vinyl parmi ceux que j'avais négligemment égaré, Number of the beast, Live after death, Somewhere in time et Seventh son of the seventh son rentraient à la maison. Coup de bol ? Pas si sûr que ce ne soit que cela... 
Oh well wherever, wherever you are, Iron Maiden’s gonna get you, no matter how far...

11 commentaires:

  1. Et non seulement ça n'a pas pris une ride, mais c'est tout le contraire, c'est encore plus frais ! Comment est-ce possible alors ? ;)) Peut-être ce fonctionnement de présenter du nouveau à chaque fois et de ne pas rester assis sur les gloires du passé... Quoiqu'il en soit ils ont tout compris et ce reportage sur la tournée Flight 666 nous montre qu'en chacun réside ce même respect pour la musique et ceux qui les suivent. Quand Bruce Dickinson se demande s'ils vont être à la hauteur de leur public à chaque concert, ça résume bien cet état d'esprit qui les habite (je ne sais pas s'il faut "ent" ou "e" à habite o_O). Bref, et devant un groupe qui se déplace en tapis volant : respect ! ;)

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  2. Très bonne la photo juste avant que tu ne débutes les hostilités.
    Sinon Iron Maïden ça doit faire à peu près 20 piges la dernière fois que j'ai joué un de leur skeud et là ,grâce à ton enthousiasme, tu m'as donné une furieuse envie de côtoyer à nouveau la bande à Eddie the Head.

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    1. Le documentaire Flight 666 est sacrément fendard (même pour quelqu'un qui se contrefout d'Iron Maiden, ça existe peut être et si faut on en connait) et le concert qui va avec est une tuerie. Ils fracassent encore plus qu'avant !
      Sinon les classiques tournent en boucle sur la platine et ça tient toujours méchamment la route.
      Hugo

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  3. C'est bizarre mais "Iron Mes 2" au début me cassez légèrement les couilles. Comme un peu "Mets ta liquette..."
    Mais, après quelques années je me suis dis que mes esgourdes n'étaient pas prêtes à l'époque à absorber cette nouvelle "race" de groupes de métalleux.
    Comme d'hab, excellent post !

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    1. Sans doute que tes difficultés venaient de la maigre influence du Blues dans le son de Maiden, Metallica ou Judas Priest contrairement à leurs prédécesseurs (encore que Deep purple avait déjà contribué à cette évolution plus radicale du genre). J'ai d'ailleurs été surpris en entendant Adrian Smith jouer sa partie de guitare de Children of the damned dans le doc flight 666 ou celui consacré à Number of the beast dans le dvd de l'excellente série Classic albums de remarquer à quel point pourtant elle sonnait bluesy. Ça ne sautait pas aux oreilles à l'époque de sa sortie.

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  4. hi!!!! j adore la photo d intro!!!!! merci!!!!! pam

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    1. Oui, elle est mortelle cette photo. Elle résume beaucoup de choses.
      Hugo

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  5. Qu'est ce que c'est que six ans pour un post consacré à un groupe qui dure dur dur. Je rebondis derrière ton papier plus récent et plus avant, moi je me traîne derrière, mais à toute vitesse, me voici casqué et en plein "Prowler"... je découvre. Mon fils ne l'a même pas dans sa série de CD que je viens de lui piquer (il avait qu'à rester à la maison ;-) )
    N'empêche je suis bien content de découvrir que peut-être que je suis trop con... mais pas pour ces conneries!!!! Je fonce mais vais prendre mon temps à bientôt en 2030??

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    1. Du coup je t'ai en partie répondu sur l'autre papier ))) J'en profite pour confirmer que les albums que le groupe a enregistré depuis Brave New World en 2000 tiennent la dragée haute à leurs ainés. J'ai un faible pour Dance of Death, mais il semble que ce soit très personnel comme avis. Quoiqu'il en soit pour une première approche c'est surement Powerslave qui les résume le mieux. Encore que c'est peut être bien aussi de taper dans les récents, vu que pour un novice la notion de classiques du groupe n'a finalement aucune raison d'être. Vaste débat. T'as qu'à tous les écouter )))
      Ton fils n'a pas Prowler ??? Cherche mieux, c'est pas possible autrement.

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    2. J'ai bien cherché, même pas dans ses deux live. Sauf au contraire si il n'a pas voulu le laisser derrière lui.

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    3. Prowler est sur le même album que Phantom of the opera, le premier. Il y aussi Remember tomorrow et Strange world, deux titres dans un registre plus cool qui font penser à UFO et bien sur les très bourrins Running free et Iron Maiden qui servent encore régulièrement de rappels aujourd'hui. Je l'aime beaucoup cet album, en fait, comme je le dis dans le papier dont on fait écho ici, j'aime beaucoup le charme maladroit des premiers albums.

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