mardi 11 septembre 2012

La BouCHe Du PiSToLeT ou LeS PieDS De La cRoiX

"Je suis l'homme qui a vu l'affliction sous la verge de sa fureur.
Il m'a conduit et m'a fait marcher dans les ténèbres et non dans la lumière;
Contre moi seul il tourne et retourne sa main tout le jour.
"

Les Lamentations


Un papier sur le Christianisme et le rock and roll: ça fait longtemps que je voulais en parler, tant les réactions en France sur le sujet me hérissent le poil. Trop de clichés, trop d’anti-cléricalisme historique, trop d’anti-américanisme primaire et surtout trop d’ignorance sur la Bible et sur l’essence même de cette religion.


«Pas mal ton truc, me dit le boss de Ranx, mais faudrait une intro pour situer» alors je vais situer. Je vais même situer géographiquement. Ça pourrait expliquer bien des choses. Je suis né à Toulouse d’où je vous parle. Ville théologique par excellence. Épicentre d’une région mystique balayée par diverses hérésies au moyen âge. Et c’est ici, qu’a fini de se définir la notion de bien et de mal en Occident. Question qui s’est réglé d’ailleurs à coup de haches dans la tête, bûchers et autres interrogatoires musclés. Le mal est-il un principe en lui-même (pour les cathares) ou est ce le vide, l’absence de bien (pour les catholiques)? Voilà ce qui a déchiré la région et qui coule inconsciemment dans les veines des habitants de cette vieille cité...
Alors voyez.. entendre le célèbre dialogue entre Sam Phillips et Jerry Lee Lewis sur le diable, ça me parle.


Vous pouvez le tourner comme vous voulez, mais le Christianisme et le rock and roll sont liés comme les deux faces d'une même pièce. Quand je dis ça je m'adresse aussi bien au fan de rock français de base façonné par 200 ans de propagande républicaine athée qu’à certains chrétiens cloîtrés dans leurs certitudes moralistes.
Je veux dire, ceux qui ont oublié que même la dernière des prostituées asiatiques qui enchaînent les clients à Bangkok, peut leurs en apprendre sur l'amour.... Le vrai.

Évidemment, je ne vais pas vous parler du "rock chrétien", ce concept débile par définition, ni des prêchi-prêcha de Bono. Car c'est à peu près ça, l'image qu'on en a : une institution qui définit des normes morales qu'on devrait suivre si on veut aller au paradis...
Sauf, que si on plonge un peu dans le bouillon, on se rend compte que rien ne se pose en ces termes et que la foi devient la prise de risque ultime.
Le rock and roll n'est déjà pas si loin.

Mais évidemment, c'est la figure du Christ qui s'impose en premier. Le Christ seul devant la foule qui le livre à Pons Pilate. C’est LA religion de l'individu seul devant le monde. La religion de la liberté absolue, voulue comme cadeau du Père à ses créatures, du choix de vie de tous les instants.

Le rock and roll n’aurait JAMAIS pu naître sans ça.

La passion, oui ce chemin intense, jusqu'à la crucifixion. La souffrance sur la Croix dans la solitude immense… Entouré de la lie de l'humanité, deux voyous sur les deux autres croix devant une foule qui ne comprend pas qu'elle vient de faire une énorme connerie. C’est le trou sans fin, le vide dans lequel s'enfoncèrent des Vince Taylor, Johnny Thunders, Gene Vincent : La solitude inévitable, le sacrifice pour une cause impalpable et irrationnelle...


Ensuite, c'est cette culpabilité typiquement chrétienne qui rend le rock and roll si excitant et même érotique. Cette question du bien et du mal inconsciente, toujours présente, en tension, en ébullition chez  tous les meilleurs, qui sont évidemment américains. Entre un Jerry Lee Lewis qui comprend dès le début ce qu'il devra PAYER pour jouer cette musique, un Little Richard qui fait des allers-retours entre la foi et la débauche, un Elvis tiraillé jusqu'à la fin ou un Johnny Thunders qui se sait sombrer dans une incapacité à AIMER réellement. Et là, il ne s'agit pas de morale mais d'un face à face avec soi même, donc avec Dieu.
C'est ça qui est au cœur du rock and roll...
Quand au culte et à l'imagerie, est-il besoin d'en dire plus. La transsubstantiation pour celui qui croit fonctionne EXACTEMENT comme un bon concert de rock and roll...



Je pourrais en rajouter sur l'influence du Gospel ou sur les séances de Glossolalie des églises pentecôtistes chère à Jerry Lee. Du magma évangéliste du rockabilly, de l'influence du catholicisme sur le Doo Wop italien ou enfin de la Bible prise tout simplement comme source d'inspiration pour écrire des chansons par un Jeffrey lee Pierce parmi d'autres...Mais là, on tomberait dans les analyses musico-sociologiques à deux balles.


Personnellement, je n'ai rien à foutre de convaincre qui que ce soit sur le sujet mais je vous laisse la version française que vous retrouverez dans tous les hors-série de Télérama ou autres couillonnades nationales à papiers glacés qui voudraient que tout ça ne soit qu'une affaire sociale, de rébellion ou de libération sexuelle.

Et comme disait si justement Lou Reed qui en connaît un rayon: 
 


That's the story of my life
That's the difference between wrong and right
But Billy said, both those words are dead
That's the story of my life

 



Promis, la prochaine fois, je vous parlerai de l’influence du SM sur le look de Lux Interior.
Ciao

                                                                     

5 commentaires:

  1. Très drôle cette rapidité d'écriture et l'illustration de Lux aussi ;))
    Suis totalement d'accord avec "Johnny Thunders qui se sait sombrer dans une incapacité à AIMER réellement".
    transsubstantiation je ne sais pas ce que ça veut dire, mais j'ai bien l'impression que c'est bien comme ça que je vis la chose....

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  2. Je suis content de lire des idées qui changent de ce qu'on peut entendre habituellement.

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  3. Serge va juste un peu plus en profondeur que justement le préchi-précha rabaché, copié-collé, ultra-simpliste et superficiel qu'on nous sert sur le rock depuis 50 ans, répétition de clichés aussi pertinent qu un t-shirt Che Guevara made in China et qui sert de pensée unique à tous les pseudo-spécialistes ou rebelles du dimanche...
    le sujet en vérité, mériterait un article trés approfondi, voire un bouquin...

    je suis moi-même agnostique mais... ne vivons nous pas le rock'n'roll comme une religion? mon scepticisme et mon inclinaison au doute ne m'empèchent pas de m' intéresser à la question religieuse (en dehors de tous intégrismes), la question de la foi, du spirituel...
    Comment ne pas ressentir la spiritualité qui émane de la musique, des liturgies et chants sacrés de Fauré à Sister Rosetta Tharpe, de Debussy à Johnny Cash, de Louis Armstrong à Dion, de Coltrane à Brian Wilson, de Gram Parsons à... "Funhouse" ou même Suicide!?! Certains rockers, soulmen ou jazzmen ont pu ensuite se convertir au bouddhisme, à l'Islam, à la Scientologie... ou à rien du tout... mais tous avaient une éducation chrétienne, des racines bien ancrées dans la Bible, ...
    Evidemment qu 'Elvis est vécu comme une figure christique par ses admirateurs qui se voient d'ailleurs comme des disciples...
    et non seulement l'influence Gospel est plus que palpable sur les artistes originaux, héros et pionniers (Elvis, Jerry Lee mais aussi Ray Charles ou James Brown)mais ces figures tutélaires peuvent être percues comme analogies aux figures chrétiennes que sont le Christ, les apôtres, les saints, les martyrs, les prophètes,... et les démons!.. mais l'influence de la Country et du Gospel sur le rock'n'roll suffirait à démontrer ses racines profondéments chrétiennes...
    Par ailleurs les rockers ou les idoles n'ont cessé d utiliser cette imagerie.. rappelons nous du "they re gonna crucify me" de Lennon, et outre Jeffrey Lee ou Nick Cave qui puisent une grande partie de leur inspiration dans les textes bibliques, l'aura pas seulement dyonisaque mais bel et bien christique d'un Morrison, les maudites ou "martyrs du rock'n'roll" que sont Gene Vincent, Hank Williams, Vince Taylor, imagerie reprise par Johnny Thunders, Bowie-Ziggy, ou même Alan Vega, plus prés de nous Kurt Cobain a également joué (et perdu) avec cette image de crucifié... Même le satanisme ou du moins l'imagerie satanique revendiquée par le metal n'est justifiée que par l'existence de leurs séculaires racines éminemnent chrétiennes...
    Waldo

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    1. Oui, le Christianisme est la seule religion dont la figure principale est ... un perdant

      http://fr.wikisource.org/wiki/Le_Sang_du_pauvre

      Serge

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  4. https://www.youtube.com/watch?v=UGm1Rsyi7AA

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