Mick Jones est vivant ! 2010 verra la parution d'une série de rééditions visant à réhabiliter Big Audio Dynamite. C'est en Avril que le premier album du groupe (This Is Big Audio Dynamite) sera commercialisé dans une version remastérisée et agrémentée d'un second cd gavé d'inédits, de remix et de surprises. Entre ça et la mise à disposition du public en téléchargement gratuit du nouveau Carbon/Silicon, rien ne justifie d'attendre sa mort pour profiter du bonhomme.
THIS IS BIG AUDIO DYNAMICK !
Mick Jones est viré du Clash pour en avoir trahit l'idée originelle, voilà le genre de connerie qui me reste en travers de la gorge même plus de 25 ans après. Le Clash était une idée de Mick Jones. Il aurait peut être fallu leur rappeler aux deux couillons. Le pire viendra lorsque les explications tomberont au fil des interviews de Joe Strummer : Mick Jones était en retard aux répétitions, venant d'un mec qui a disparu deux mois à la veille d'une tournée du groupe voilà qui vire au cocasse. Sandinista, et même London Calling étaient des daubes, c'est Mick qui nous poussait là dedans, tout ceux qui ont subit l'écoute de Cut The Crap apprécieront. Mick Jones voulait faire du pognon, ouais, c'est quand même pas lui qui se pliera à la volonté de CBS pour relifter Rat Patrol From Fort Bragg, un double album aventureux dans la droite lignée de Sandinista, au bénéfice d'un Combat Rock partiellement profilé pour les charts US.
Argh ! Déjà que l'éviction de Topper Headon m'avait foutu les glandes, j'avais la totale. Tiens, Topper, parlons en, il était plus bon à rien, c'est un junkie, sacré Joe, voilà comment il cause du gars qui venait de composer et d'enregistrer, quasiment seul, Rock The Casbah, le seul hit du groupe...


Soyons clair. Musicalement causant, Jones représente 80 % du Clash. Ce qui ne veut pas dire que pour l'aspect social ce fut une truffe. Rude Boy et l'article touffu et visionnaire que Lester Bangs tira en 1978 de quelques jours passés sur la route avec le groupe sont sans appel sur ce point, Strummer théorise, Jones s'implique. Saine attitude qui ne le quittera jamais. En fait de trahison de la doctrine originelle, Mick Jones a continué sur sa voie, celle d'un petit-fils de juifs ashkénazes réfugiés dans la banlieue d'un Londres condescendant pour fuir le génocide stalinien. Un adolescent introverti qui trouva dans la musique, un exutoire. Un défricheur de sons que les clivages exaspèrent, toujours. Si le Clash marqua autant les esprits c'est bien par cette capacité à comprendre, analyser, avancer. Devancer, plus précisément.

Certainement pas un renoncement, donc.

Niveau discographique, là encore, B.A.D va poursuivre la politique d'occupation du terrain amorcée par le Clash. Tout au long de son existence le groupe va publier un nombre impressionnant de maxi single offrant des versions régulièrement supérieures à celles des albums. Le remix ska de Harrow road, celui de Sudden impact (Dust Head remix), qui recycle le riff de Billie Jean, et une multitude d'autres sont à découvrir sur The BAD Files Vol 1 to 8
Mick Jones va faire de Big Audio Dynamite une grosse tambouille à danser. Comme dans toute les tambouilles certains des ingrédients seront préférés à d'autres selon les affinités de chacun. Perso, je ne suis pas très fort sur les petits pois, mais je les mange quand la sauce est bonne. J'ai les mêmes rapports avec B.A.D. Je me demande comment je peux leur trouver quoi que ce soit, et sitôt convaincu de leur médiocrité voilà que j'en raffole à nouveau ! Au final, ce groupe est toujours revenu par hasard dans ma vie. J'ai même failli caner pendant que 2000 shoes tournait dans l'auto-radio ! Et puis un gars qui recycle avec obsession le riff de I can't explain mérite qu'on le suive quoiqu'il entreprenne.
Pas rancunier pour deux sous, Jones va inviter Joe Strummer et Paul Simonon sur le tournage du clip de Medecine show extrait du premier album du groupe, This is Big Audio Dynamite, parut en même temps que Cut The Crap.
A ce moment là, aucune hésitation, ma faible capacité à économiser ne me permettait l'achat que d'une seule des deux cassettes et ce fut vers B.A.D que je jetais mon dévolu, persuadé que j'étais qu'une telle pochette ne pouvait qu'abriter un pur album de Rock'n'Roll farouche et revanchard. Hum, je dois dire que je l'ai eu en travers à la première écoute. Entouré d'un line-up peu commun pour un groupe de Rock puisqu'il inclut un DJ/Toaster : Don Letts et un photographe : Dan Donovan, en plus du bassiste Leo E-Zee Kill venu du Basement 5 (dont Don Letts fut le premier chanteur avant que Dennis Morris n'en fasse sa chose) et d'un batteur souvent remplacé par une boite à rythme : Greg Roberts, Mick Jones signait là un disque qui allait me travailler au corps pendant un bon moment avant que j'y pige quoique ce soit. Si ce n'est qu'il ne s'apparente en rien de ce que je qualifiais, du haut de mes 18 ans, d'album de pur Rock'n'Roll farouche et revanchard.



Limbo the law est l'autre grande réussite de N°10 Upping Street mais c'est dans son intégralité que le disque s'apprécie le plus.
Emballé dans une pochette signée Paul Simonon, Tighten Up Vol. 88 est plus souple, plus léché, plus mélodique, définitivement moins guerrier et incontestablement plus axé sur la danse que le virulent N°10 Upping Street.
Le splendide single Just play music décroche un beau succès aux states où B.A.D, en compagnie de Public Enemy, tourne en première partie de U2, comme ce sera régulièrement le cas.
En 1989, c'est au milieu de vives tensions entre un Mick Jones à qui on ne la fera plus et un Don Letts qui se verrait bien vizir à la place du vizir que le groupe grave Megatop Phoenix, un album que l'on peut considérer comme étant ce qu'ils ont enregistrés de plus impactant. Mick Jones semble avoir mis à profit des mois d'hospitalisation causés par une pneumonie vacharde pour recharger sa force créative. Megatop Phoenix contient certaines des compositions les plus satisfaisantes du guitariste (Dragon town, Around the girl in 80 ways, Union Jack.....) et un paquet de clin d’œils aux vastes plaines de la culture rock qui font mouche à tous les coups.
Le splendide single Just play music décroche un beau succès aux states où B.A.D, en compagnie de Public Enemy, tourne en première partie de U2, comme ce sera régulièrement le cas.
Hélas, lassé et gangrené par les jalousies, Big Audio Dynamite éclate. Désireux de revenir à un son nettement plus axé sur sa guitare, Jones forme BAD II avec une bande de jeunots tandis que les autres se regroupent sous la bannière Screaming Target et enregistrent un album qui démontre à quel point ils n'ont pas grand chose à dire.
Véritable groupe ou simples metteurs en sons des souhaits de leur leader, je ne saurais l'affirmer mais B.A.D II , ou quelque soit le nom du moment puisque celui ci évoluera au grès des albums, inaugure une période aussi riche en créativité que pauvre en reconnaissance publique.


Doucement, Mick Jones et sa fanfare tombe dans l'oubli, les albums disparaissent des rayonnages. Les journaleux n'abordent son cas que pour rappeler qu'il s'est fait jeter de ses deux groupes ou commenter une nouvelle discorde avec Strummer et Simonon au sujet de la pub Levi's pour laquelle Mick Jones a commis l'impensable : vendre Should I stay or should I go ! Mazette, en voilà du scoop de première bourre ! Pire, le fourbe a collé un morceau de B.A.D en face B (Rush), vilain garçon qu'il est. Quant on l'interroge, il hausse les épaules 'Des jeans on en a tous porté, non ?' Les royalties qui tomberont en rafale feront taire la polémique et la diffusion intensive de la pub attirera tout un nouveau public vers Clash. Du coup, la presse se souvient qu'elle les adore et les couvertures se font plus nombreuses qu'entre 77 et 83. Quant à Paul Simonon, il en profite pour fourguer un remix de son Guns of Brixton alors largement samplé sur le hit Dub be good to me de Beats International.

F Punk parut en 1995 s'avère l'un des plus beaux disques d'un gars qui en a déjà signé quelques uns de mémorables. Au fil de ce double album Mick Jones trouve le parfait équilibre entre sonorités actuelles et vestiges rageurs d'une époque qui lui colle à la peau. Inhabituellement déshabillées les compositions bourrées de spleen de l'album laissent entrevoir une sensibilité que Mick Jones n'avait jusque là jamais exposé de la sorte, Got to set her free en est peut être le meilleur exemple. Cette approche plus romantique, plus Soul quelque part, est sur ce disque superbement mise en valeur par le dépouillement de la production. Terminé le tir en rafale discontinu, notre homme baisse sa casquette sur ses yeux et envoie l'émotion. F Punk est loin d'être un disque de recueillement, c'est surtout un retour à une énergie moins déshumanisée, les machines s'effacent, et si I can't go on like this nous embarque très loin, la majorité du disque se charge de nous refoutre les pieds sur terre. Jamais depuis Clash, Mick Jones n'avait sonné aussi Rock, pardon, aussi Punk. Son Punk à lui, celui de l'élégance de la rue plutôt que des cimetières de canettes. Psycho wing, I turned out to punk, Gonna try, Singapore, forment l'ossature bien bâtie d'un disque splendide de bout en bout. Et comme Jones n'a pas renoncé aux smarties Jungle out there et le fantasque Vitamin C perpétuent son goût pour les BPM qui tracent. En conclusion, une reprise rageuse du Suffragette city de David Bowie, publiquement supporter du groupe dès leurs débuts.




Un dont on est sûr de la présence, c'est Ranking Roger, de ce General Public que Mick Jones avait rejoint le temps d'un album juste après s'être fait jeter de Clash. Et Ranking Roger, c'est pas Don Letts, son attaque est farouche, tranchante, il cogne sur le beat et ses toasts ne sont pas simplement là pour faire joli, mais bel et bien un des éléments percutants d'un disque qui n'en manque guère. Je ne sais pas quoi vous dire, si vous ne devez vous intéresser au cas Big Audio Dynamite que le temps d'un seul album alors c'est assurément celui ci qu'il vous faut. Les compositions sont à tomber par terre, le son est fracassant, cru, sale, dur et intense à la fois. Avec F Punk et Entering A New Ride, Mick Jones s'impose comme un producteur impressionnant de personnalité sonore. Les Libertines ne me contrediront pas.
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Carbon/Silicon s'il témoigne d'un goût pour le Punk Rock bien basique n'en est pas moins méchamment déstabilisant. Comme tout ce que fait Mick Jones, la facilité et les lieux communs sont bannis de l'affaire. Minimalistes mais embringuées dans des constructions sinueuses, les compositions s'éloignent autant que faire se peut des standards répétitifs et franchement casse bonbons que les groupes d'aujourd'hui semblent s'imaginer être les seules choses que l'on puisse capter. Carbon/Silicon demande de l'attention, nécessite que l'on y revienne et s'avère très vite indispensable au bien être de nos terminaisons nerveuses. Le seul dommage de l'histoire est l'absence de pressage vinyl.


Parallèlement à cette reprise d'activités, Mick Jones va produire le second Libertines puis l'excellent premier album des Babyshambles, sur lequel son influence est prédominante.
On en est là. Mick Jones mène sa carrière au grès de ses envies. On peut espérer que Carbon/Silicon fassent quelques dates dans nos contrées, plus sûrement uniquement à Paris faute de soutien, faute de tourneur, faute de public, faute de label susceptible de remplir son rôle. Pendant ce temps là, London Calling sera encore et encore désigné Meilleur Album Rock de tout les temps, si cela veut encore dire quelque chose. Joe Strummer est barré, Paul Simonon fait des piges chez The Good The Bad and The Queen, Topper Headon, enfin tiré des emmerdes, mène une vie de jazzman à la retraite en jammant à l'occasion avec Mick Jones. La Tamise est finalement restée dans son lit. Ainsi vont les choses au royaume de la nostalgie.

Sans doute qu'il se vendra encore du papier pour raconter la fabuleuse histoire des quatre du Westway et sûrement aussi que Mick Jones deviendra un mythe, le jour où il tirera sa révérence. En attendant, le gars est en paix, lui et Strummer seront remontés sur une scène commune avant le grand silence. Ces deux là auront passé leurs vies à se tacler, certainement avec plus d'amour que de mépris. Clash aura incarné la dernière grande aventure du Rock'n'Roll. Mick Jones aura eu le mérite, au même titre qu'un Paul Weller, de continuer malgré l'immense héritage qui pèse sur ses épaules. Il n'a jamais quitté Londres, ne s'est jamais éloigné de la pinte de bière au pub. Une façon de rester fidèle à l'idée originelle.

Et pour moi, c'est tout ce qui compte.
Hugo Spanky