samedi 5 janvier 2013

DaRio aRGeNTo


Alors que l’on désespérait d’avoir un jour l’occasion de jeter un œil à « Quatre mouches de velours gris » de Dario Argento, voilà qu’enfin il est disponible en DVD. Ce film méconnu du maestro transalpin de l’horreur clôt sa célèbre trilogie dite animale de giallo.

Tout a commencé en 1970 avec « L’oiseau au plumage de cristal », le premier film de ce diable de Dario. D’emblée avec ce qui peut déjà être considéré comme un coup de maître, il met en place les jalons qui vont parsemer son œuvre si singulière. Alors que les règles du giallo avaient déjà été établies par Mario Bava (avec « La fille qui en savait trop », un faux film de meurtres et « Six femmes pour l’assassin », qui propose des crimes dans le milieu du mannequinât), Dario les malmène en ajoutant une large touche de sadisme et de perversité dans son film inaugural (les crimes sont perpétrés à l‘arme blanche et sont donc particulièrement sanglants). Il apporte également une élégance dans sa mise en scène (fluidité des mouvements de caméra) et un soin à la photographie (les couleurs sont superbes) qui le distingue du tout venant de la série B italienne. Quant à l’intrigue, retorse à souhait, elle maintient un suspense et une angoisse constante et son dénouement nous laisse pantois. Avec ce premier galop d’essai, qui mélange habillement œuvres d’art, violence graphique, musique lancinante (du grand Ennio Morricone) et travail sur la mémoire, il amène un souffle nouveau aux codes usés des films de genre. 



Fort de ce succès, il récidive en 1971 avec « Le chat à neuf queues » dont le casting s’enorgueillit de deux acteurs américains: le falot James Franciscus, dans le rôle d’un reporter et l’exceptionnel Karl Malden, dans celui d’un ancien journalistedevenu aveugle. Cette fois ci, l’intrigue repose sur la génétique (rien que ça!) et élabore une théorie (bien fumeuse tout de même…) sur les prédispositions à la violence. Toujours aussiprompt à nous délivrer des instants de terreur qui nous rivent ànotre siège (chaque fois que l‘assassin entre en scène, on voit en gros-plans ces yeux, gimmick redoutable d‘efficacité), Dario s’amuse même à détourner un des fondamentaux des films horrifiques gothiques de la Hammer: l’incontournable scène nocturne se déroulant dans un cimetière. Moins réussi que son prédécesseur ce film est surtout un moyen pour lui d’affûter son style si immédiatement identifiable et envié par tous les tâcherons qui se targuent de vouloir nous faire peur alors que même Mamie Nova ne frissonnerait pas un iota face à leurs ridicules effets de manche dépassés (Wes Craven et Scott Derrickson se reconnaîtront…).


Après ce long métrage, Dario aurait bien voulu s’attaquer à un autre genre de film mais comme « La chat à neuf queues » cartonna lui aussi au box office mondial, pressurisé par ses producteurs, il du se résoudre à réaliser un autre giallo. Et, en 1972, arrive donc sur les écrans « Quatre mouches de velours gris », son film maudit par excellence. Invisible depuis des années pour d’obscures raisons de droit, on peut enfin juger sur pièce de sa qualité grâce à la bienheureuse initiative de l’éditeur Wild Side de le sortir sur le marché français. Ce long métrage nous prouve de façon indiscutable qu’Argento mérite sa place aux plus hautes marches du panthéon des réalisateurs qui ont révolutionné le septième art.


Tout dans ce film met à mal le confort du spectateur. Dès le générique, le montage alterné entre des musiciens qui jouent un instrumental biscornu et la vision d’un cœur mis à nu qui bat, fait voler en éclats tous nos repères. Un sentiment d’étrangeté ce dégage de cette scène annonciatrice du malaise qui nous prendra en otage tout le long de ce film. D’ailleurs, afin de nous déstabiliser encore plus, Dario mélange allègrement instants de terreurs pures (les scènes de meurtres sont toujours aussi inventives et baroques) et humour lourdingue typique de la comédie italienne au bord du gouffre des 70‘s. Mais ce n’est pas tout, son montage empreint de folie contribue également à rendre son film particulièrement excentrique: lors d’une scène en faux raccord (volontaire), on passe subitement du jour à la nuit et lorsque le héros se rend chez un détective, on alterne entre sa conduite en voiture et la montée des marches qui mènent au logement de celui-ci. Ce dispositif bouleverse la temporalité du film et de brusques accélérations des mouvements de caméra nous perdent même géographiquement dans certains plans. 


Quant au casting, hétéroclite à souhait, il accentue de plus belle notre sensation de perdition totale. Car nous avons là Michael Brandon qui incarne le héros bellâtre de service, Mismy Farmer qui, lors du final, part complètement en vrille, Bud Spencer (!) dans le rôle d’un type qui se fait appeler Dieu (!!) et, cerise sur le gâteau, Jean-Pierre Marielle (!!!) qui interprète un détective efféminé (une caricature d’homosexuel digne de Michel Serrault dans« La cage aux folles ») dont la particularité est de n’avoir jamais résolu une seule de ses affaires (84 échecs à son passif, autant dire que l‘on a pas affaire à Columbo là!). On l’aura compris, Dario Argento nous délivre un film totalement fou et alors que l’on pourrait croire que tant d’audaces visuelles et scénaristiques pourraient nuire à l’ensemble, elles apportent au contraire une incroyable fraîcheur à ce giallo définitivement atypique dont la scène finale dévoile en outre une maîtrise technique admirable. 
 

Lorsqu’on revoit ces trois pépites, on se rend compte à quel point Dario a marqué à jamais notre imaginaire avec ses visions, certes cauchemardesques, mais d’un style si puissant qu’elles nous retournent les rétines de joie. D’ailleurs, en guise de conclusion, on peut émettre l’hypothèse qu’un certain Brian De Palma a dû s’abreuver à la source de ces images chocs et qu’elles lui ont inspirées ses propres compositions hallucinantes qu’il a rehaussé d’une forte tension sexuelle encore plus prégnante et dérangeante.



Harry Max
 

3 commentaires:

  1. Pardon, vous n'auriez pas vu une jeune femme avec de cheveux longs, et un imper beige svp ?

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  2. Bonne année 2013 à toute l'équipe Ranx ze vox.

    Serge

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    1. Meilleurs vœux à toi aussi ainsi qu'à tes proches.
      T'as eu un com' sur La bouche du pistolet.
      A+
      Hugo

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