mercredi 26 août 2015

AaRoN NeViLLe EsT ViVaNT !



Il y a des disques dont on se dit que c'est même pas la peine d'en causer, qu'ils sont de telles évidences que chacun d'entre nous va se démerder pour les écouter, les chérir, se faire dorloter par la douce chaleur qu'ils dégagent. Et puis arrive l'accident de parcours, le disque qu'à force de se dire qu'il va tomber du ciel jusque directement sur la platine, on finit par passer à côté.


L'album d'Aaron Neville, My True Story est celui là, ma croix à porter. Le machin est sorti fin 2013 et j'en ai rien su, même pas un coup de fil de Keith Richards, élégant et parfait producteur de l'album, pour m'inviter à partager le gumbo. 
En fait de gumbo, c'est plutôt sous la promenade de Coney Island qu'Aaron Neville nous invite à le rejoindre, s'il ne manque pas d'ingrédients venus de la Nouvelle-Orléans My True Story n'en est pas moins un hommage au Doo Wop de Brooklyn, aux romances de la Motown aussi. Visez un peu le menu, Money honey, Ruby baby, Be my baby, Ting a ling, Tears on my pillow, Goodnight my love. Le Work with me Annie de Hank Ballard & The Midnighters traine dans un coin et This magic moment reste la plus belle de toutes, éternellement. Aaron n'a pas oublié Under the broadwalk, ni Little bitty pretty one de Frankie Lymon et d'autres encore que je vais pas vous enfiler comme les perles d'un collier. 


Aaron Neville, j'ai eu l'honneur de lui serrer la paluche quand j'étais tout juste un homme et je peux vous dire que j'en suis pas peu fier. Des gars qui m'ont impressionnés y en a pas eu des caisses mais lui, pfiou, voir ma main disparaître dans la sienne, ça m'a fait un choc. Aaron Neville c'est pas juste physiquement qu'il est grand, c'est pas juste par son talent qu'il est impressionnant, c'est par sa vie, par ce qu'il est. De son premier hit en 1967, Tell it like it is à ce My True Story, que de groove et de bonheur il aura dispensé de par le vaste monde. A chaque fois que j'en ai eu l'occasion je suis allé le voir sur scène, à chaque fois je m'en suis félicité. J'ai même invité mon père à un concert des Neville Brothers. Mon Marcel ne m'a jamais fait de reproche et c'est pas ce soir là qu'il allait commencé, je le revois encore, tout aussi embarqué que moi par la voix de ce foutu bonhomme à l'allure aussi rustre qu'il se révèle délicat. Même si ça saute pas aux yeux de prime abord. 


C'est que tout n'a pas toujours été rose pour cet enfant de la Nouvelle-Orléans, le temps se sera parfois écoulé bien lentement depuis ses débuts sur les scènes du Mardi Gras en 1954. Aaron Neville connaîtra les prisons du sud au moins deux fois dans sa jeunesse, six mois en 1958 pour une histoire de voiture volée "on était huit par cellule, sans compter les rats..." puis un an dans les 60's pour cambriolage. Longtemps il vécut avec le singe sur le dos ne parvenant à décrocher qu'à la fin des années 70 lorsqu'après des décennies d'errance et de sales boulots il unit son talent à celui de ses frères et se consacre définitivement à la musique. Dans un reportage qui lui est consacré, un de ses fils confie : "Mon père creusait des tranchées et travaillait aussi comme docker pour remplir nos assiettes, on n'avait pas de frigo, juste une glacière. A ce moment là, il avait mis la musique entre parenthèses, c'est à l'enterrement de ma grand-mère que mes oncles l'ont convaincu de s'y remettre à fond"


Depuis Aaron Neville a enregistré au gré des contrats, des disques qui s'ils ne frôlent jamais la crise cardiaque se sont avérés de fidèles compagnons. Il faut entendre son Doo Wop Medley sur le Live at Tipitina's Volume II des Neville Brothers pour situer le niveau ou son incarnation d'Avé Maria sur  Warm Your Heart son album solo de 1991 qui le voit œuvrer au milieu de pointures dont les noms suffisent à donner le tournis, Rita Coolidge, Dr John, Ry Cooder, Bob Seger, Jim Keltner ou Linda Ronstadt avec qui il grave par ailleurs l'album Cry Like A Rainstorm sur lequel on trouve une éblouissante version du When something wrong with my baby de Sam & Dave

En 1993 il sort successivement The Grand Tour et Soulful Christmas un album de Noël a faire rougir Santa Claus. Le machin ne vole pas son titre mais n'est pas exclusivement conçu pour une veillée en forme de recueillement, il suffit de se caler Louisiana christmas day, Let it snow ou Such a night pour piger qu'entre deux desserts Aaron a des projets pour le petit Jésus. Pardonnez moi du peu. 


I Know I've Been Changed de 2010 est capté en une poignée de jours passées aux côtés d'Allen Toussaint. Les deux hommes font vibrer le répertoire gospel avec une ferveur et une fougue peu commune qui atteignent parfaitement leur but, ne pas rompre après la dévastation Katrina. Pour empêcher les rythmes de Big Easy de faire tortiller les bassins, il faudrait bien plus que les éléments déchainés. Cherchez pas, ce disque là il vous le faut.
Et même quand la production se fait trop envahissante comme sur To Make Me Who I Am en 1997 auquel je préfère l'impeccable The Tattooed Heart (1995), Aaron Neville rattrape toujours le coup par la plénitude de cette voix comme il n'en existera jamais plus d'autre. Il sera bien temps alors de regretter que ce bonhomme n'a pas eu la reconnaissance qui l'aurait autorisé à enregistrer plus souvent ce qu'il souhaitait vraiment. Comme sur My True Story justement, cet album que la présence de Keith Richards a permis de faire distribuer par le label Blue Note, depuis quelques temps repris en main par Don Was, producteur des Stones. Ceci expliquant cela.


Avec ses frères, dont deux furent membres des légendaires Meters, Aaron enregistra une poignée de disques passés largement inaperçus entre 1976 et 1987. D'abord sous le nom de Wild Tchoupitoulas, le temps d'un disque qui les voit accompagner George Big Chief Jolly Landry dans la plus pure tradition de la Nouvelle-Orléans, puis sous celui de Neville Brothers
Pas assez Disco, pas assez Rock, carrément pas Punk, les labels se succèdent mais aucun ne sait quoi faire du groupe et tant pis si Aaron fait des miracles sur Arianne, une ballade incroyable de beauté que l'on trouve sur leur tout premier disque commun, un bijou absolu produit par Jack Nitzsche et paru sur Capitol en 1978.


En 1981, Fiyo In The Bayou régénère le son des Meters dans l'indifférence générale, Aaron s'en fout pas mal que la mode soit à la new wave, plutôt que de se laisser pousser la mèche il s'octroie des versions de Mona Lisa et The ten commandments of love d'un classicisme absolu entre grand piano et violons. De toutes façons rien n'y fait, même l'ultra putassier Uptown sortit chez EMI en 1987 se ramasse un bide alors qu'on ne peut pas dire que les frangins y soient allés avec le dos de la cuillère.


Le succès viendra enfin avec l'album Yellow Moon produit par Daniel Lanois en 1989, une réussite sans conteste qui fera grimper en flèche les ventes de bougies noires et de pattes de poulet, rapidement suivi par le splendide Brother's Keeper, leur meilleur album en ce qui me concerne, puis le solidement funky Family Groove. Un triptyque qui aurait dû les mener crescendo jusqu'au sommet de la reconnaissance. Au lieu de quoi, c'est dans les bacs à soldes qu'on a la plus sûre chance de les trouver. Que voulez-vous, le monde est ainsi fait qu'un groupe capable de sublimer le répertoire de Bob Dylan avec autant d'aisance que celui de Link Wray, Sam Cooke ou Leonard Cohen n'arrive pas pour autant à vendre de quoi s'éloigner des clubs du French Quarter, de Tremé ou Storyville. Je ne suis pas sûr que ça soit pour leur déplaire, ceci dit. Et soyons honnêtes, pour une fois on n'est pas les plus mal lotis. Durant toutes les années 90 le groupe a multiplié les visites en France, que ce soit en tête d'affiche, en première partie de Joe Cocker ou en compagnie de Willy DeVille le temps d'une invraisemblable revue New-Orleans qui les mena à Nîmes en 1992 pour un concert mémorable doté d'un casting royal, Dr John, Johnny Adams, les Wild Magnolias et Zachary Richard. C'est cette après midi là que je suis tombé par hasard sur Aaron Neville tandis qu'on rodait l'un comme l'autre aux alentours du site. Dans la rue, comme il se doit pour une rencontre.



Hugo Spanky

9 commentaires:

  1. Comme je te comprends l'ami, quand Aaron chante le monde s'arrête de tourner pour l'écouter.

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    1. Et ouais, c'est un peu le mec que tout le monde s'en fout mais qui est toujours là depuis l'origine du Rhythm & Blues et qui continu à faire de bons disques bien dans l'esprit. C'est quand même con de pleurer dès qu'il y en a un qui calanche et de ne pas se donner la peine de les écouter tant qu'ils sont encore là.
      Hugo Spanky

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  2. neville ... neville .. mais oui les meters, c'est plutôt ceux là que je connais ! les neville brothers sacré fratrie !

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    1. Le soucis avec les Meters c'est que c'est souvent des disques pour musiciens. Hormis Rejuvenation et Trick Bag, les autres ça va le temps d'une paire de titres mais après, aussi géniaux soient-ils, cette enfilade d'instrumentaux me fait bailler à me décrocher la mâchoire. Alors qu'avec Aaron au micro de suite ça va beaucoup mieux.
      Hugo Spanky

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  3. "True Story" cette pochette Quel superbe. En passant, maintenant que je me le suis enquillé deux fois de suite, il me vient la même sensation qu'avec Roy Orbison: dnas les titres enjoués ils sont chouettes. Mais je suis un tendre et quand ils se lancent dans des ballades ou du Mid Tempo à la doo Wop, alors là non, je fonds. Regarde: "Ruby Baby" sympa, balance bien, pas exceptionnel, mais ça balance... et puis "Gypsy Woman" et cette fois ci, mamamia, sa voix, juste EXCEPTIONNEL. Idem "Ting A Ling" sympatoche, donnerai un peu soif, mais soudain "Be My Baby" sur le ton de "Will You Still Love Me Tomorrow" ... a me ramasser à la petite cuillère. Ensuite, je me suis penché sur sa disco que je ne possed pas encore et que je vais de ce pas me completer. Encore Gracias les Amigos (les 3 Amigos?)

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    1. Je ne vais pas te donner tort, le talent c'est sur les ballades que ça se mesure. Gene Vincent sur Unchained melody ou Important words, Presley sur That's someone you never forget (et les 3/4 de son répertoire) et tous les autres pareil.
      Si le mec se ramasse sur tempo lent, il peut retourner chez maman
      Hugo Spanky

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  4. quoi !!! tu baille et danse pas sur cissy strut ??? qui danse pas sur cissy strut ? je veux les noms

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  5. Trouvé ce matin "Fiyo In The Bayou" pour que dalle. Le pieds!

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    1. Profites-en, quand je vais faire une descente, ton anglais je vais le dévaliser )))))

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