De
Lucky luciano, je ne savais que ce que tout le monde sait. Capo di
tutti capi des familles de New-York et du New Jersey, Parrain de la
mafia américaine dans son ensemble durant toute la première moitié
du 20ème siècle, même Al Capone respectait ses directives, et
premier dans son domaine à avoir intégré des juifs à la direction
des opérations, en commençant par son trésorier et consigliere,
Meyer Lansky.
Ce
dernier ne fut ni plus ni moins qu'un génie visionnaire, celui qui
appliqua à l'argent sale le même traitement que les banques
appliquent en matière de fructifications des fonds. Mieux, Lansky
mit en place l'ouverture systématique pour ses « clients »
de compte dans un pays qu'il pressentit comme un Eldorado du
placement clandestin, la Suisse. L'idée suit son cours, semble t-il.
Lucky
Luciano écrivit les préceptes du crime, ainsi devenu organisé. Il établira les règles, les codes, étendra et diversifiera les activités jusque là sommaire de Cosa Nostra. Et pour les éventuels mécontents, Lucky Luciano à une idée. Ce sera la création de la Murder Incorporated,
entreprise de mort sur demande, une
photo, un nom, une grosse poignée de dollars et elle gère,
sans que vous n'y soyez mêlé, la disparition définitif du gêneur désigné.
Je
savais aussi qu'il était celui qui avait mis en place avec le
gouvernement français d'après guerre, les accords visant à
encadrer les activités des laboratoires clandestins de raffinement
d'héroïne, le port de Marseille servant de relais entre l'Italie et
les Etats unis. La French connection.
Luciano, pionnier de la mondialisation, raisonna à grande échelle. Avec lui à sa tête, la pieuvre pensera à long terme et en multicolore. Son influence sortira des quartiers pour se répandre bien au delà des politiques municipales, tout ne sera plus que question de prix. A l'heure des bilans, il sera désigné par le Times comme
l'un des plus grands entrepreneurs du 20ème siècle.
Oui,
Lucky luciano eut une vie bien remplie et lorsqu'au hasard d'un
vide-grenier, je tombais en arrêt net sur un livre signé de son nom,
dire que ma curiosité fut en éveil est un minimum. Voyez-vous,
notre homme avait fait confession quelques mois avant son décès en
1962 et, à la seule condition que rien ne soit publié moins de dix
ans après sa mort, il promit de tout déballer, de poser sur la
table plus de 50 ans d'histoire de la mafia et à travers
elle de ce pays naissant à la modernité, les Etats-Unis, ses
libertés, ses contradictions, son puritanisme et sa corruption.
Ce
livre, Lucky Luciano Le testament, cosigné par Richard Hammer et Martin
A.Gosch, laisse la parole à Salvatore Lucania dit Charlie Lucky,
alias Lucky Luciano. A sa lecture, je sus que je ne savais rien. Rien
de vrai. Du moins selon Lucky Luciano.
Sa
version des faits est étonnante, extirpé de la plus crasse des
pauvretés à la seule force de son courage, de ses convictions et
de sa volonté, ce brave homme fut une victime, du gouvernement
américain notamment qu'il a pourtant arrosé à tel point que dès
qu'un politicard avait de l'ambition il venait lui chercher des
noises afin de lui faire sortir la planche à billets, le racketteur
racketté en quelque sorte.
De
plus Lucky est formel, il n'a jamais trempé dans le trafic de
drogue, ni dans aucun autre d'ailleurs si ce n'est le marché noir
mais c'était pour le bien des gens du peuple (après guerre ils
avaient faim, il leur vendait des coupons de rationnement, normal, et
comme ils avaient soif pendant la prohibition...)
Plus
fort encore, c'est pour raisonner (avec la réussite que l'on sait)
Albert Anastasia, Louis Lepke et Bugsy Siegel, et contenir leurs
ardeurs sanguinolentes qu'il créa la Murder Inc. Entreprise de
bienfaisance par excellence qu'il soumit, preuve de sa retenue, à un cahier des charges
strict (interdiction de tuer n'importe qui et surtout pas un chef de
famille, du moins pas sans son accord).
Un homme de principe, Lucky.
Un homme de principe, Lucky.
Mieux,
il a dépensé des fortunes pour alimenter les bonnes œuvres de
l'église en commençant par financer un curé, qui finira en prison
(encore une victime) pour s'être investi corps et âme dans le
business des machines à sous...dont les bénéfices servaient, bien
entendu, à construire un hôpital pour enfants (saisi par la justice
car bizarrement ultra déficitaire).
Non,
vraiment Mr Luciano méritait le respect. Voir la canonisation.
Il
cause également, mais brièvement, de Frank Sinatra, un jeune homme
bien sous tout rapport qu'il a aidé à ses début afin qu'il puisse
se payer des instruments (et des musiciens avec tous leurs doigts
mais ça il n'en parle pas, je ferais peut être mieux de me taire
aussi).
Dix ans après sa mort, il était possible grâce à la publication
de ce livre d'en donner certificat, Lucky Luciano, au delà de sa
vie, n'aura jamais raconté que ce qu'il voulait. Pour le reste, ce
sera éternellement, niente !
Hugo Spanky
"Mieux, il a dépensé des fortunes pour alimenter les bonnes œuvres de l'église..." un peu comme Paulie, un Saint Homme en quelque sorte ;)
RépondreSupprimerDans son livre de mémoires d'un intoxiqué "L'héroïne, une vie"), l'écrivain Yves Salgues rapporte que les laboratoires de ce qu'on appellera la "french connection" avaient produit tellement d'héroïne que 25 ans plus tard, il touchait encore de son dealer des paquets de poudre très pure conditionnés juste après la fin de la seconde guerre mondiale par les auxiliaires laborantins de la mafia.
RépondreSupprimerRah, les toxicos et la mémoire... Je ne connais pas ce yves salgues mais je pense qu'il a un peu abusé du dragon. La french connection a duré jusqu'aux années 70 et même début 80 il se trouvait encore des labos clandestins dans la garrigue de notre riante Provence, les sachets de pure qu'il achetait ne dataient donc surement pas des années 40 mais étaient tout simplement issus de ce même réseau mafieux.
SupprimerLes sachets qu'il achetait en 46-47 étaient confectionnés d'une manière particulière - comme une signature - après la Libération lors de la première offensive poudreuse de la mafia à Marseille. Salgues revit ces mêmes sachets au milieu des 60's. Je le crois sans problème: la production était très abondante. Yves Salgues (1924-1997) avait une bonne plume. Jeune auteur, il avait rencontré des grands formats (Hemingway, Aragon, Breton, etc.) quand il a été accroché d'abord par l'opium durant les journées de la Libération et ensuite à l'héroïne quand la mafia remplaça l'opium pas assez rentable et difficile à trafiquer par la blanche. Il a signé des romans, des livres de souvenirs, une bio de Gainsbourg. Il fut chef d'édition chez Paris-Match mais il reconnaît que sa carrière a été en partie laminée par les opiacés. Je l'avais vu chez Pivot dans Apostrophes à la fin des 80's et j'avais acheté son bouquin "L'héroïne, une vie" qui est sans complaisance et effectivement bien tourné.
RépondreSupprimerJ'ai trouvé le bouquin en français dans un faubourg de Rome après avoir englouti une assiette de tripes à la romaine dans un bistro du coin. Je viens de le finir: fascinant. Les truands ont une facilité déconcertante pour justifier leurs crimes.
RépondreSupprimerBen mon salaud, tu t'emmerdes pas. Et t'as bien raison. Quand je pense que j'ai grandi tout au bord de l'Italie et que j'y ai pas foutu les pieds depuis, j'en suis malade.
SupprimerPour le livre, bonne pioche, il est introuvable et vaut la peau des cacahuètes sur le web. Les truands ne tuent que pour de bonnes raisons donc forcément qu'ils se justifient avec une mauvaise foi à toutes épreuves;)
Dans le sens contraire je viens de finir l’autobiographie de la fille de Lana Turner, celle qui dessouda Johnny Stompanato. La réaction de Mickey Cohen tient du numéro de haute voltige. Par chance, la petite fut "protégée" par un certain Sinatra qui pour l'aider à se remettre de ses émotions lui offrit un tourne-disques et des disques de...lui-même, bien sur. Un ange bienveillant que cet homme là.
Hugo