mercredi 29 mai 2019

FanTOMeS DaNS La BRuMe


Le monde étant obnubilé par les morts, j'ai opté pour les zombies. Métal a-gogo, nuance noire sur ton noir. Je m'injecte des symphonies de saturation, flux et reflux sur ma peau brulée qu'un océan de limailles dépèce avec joie. Ghost Bath, Gaahls Wyrd, ces mecs sont les Pharoah Sanders d'aujourd'hui, même goût pour les imprécations zarbies, les litanies païennes. Et Burzum fait déjà partie de l'histoire.

Moonlover est l'album le plus abordable du lot, pas facile pour autant, il offre néanmoins des repères. Ghost Bath est un groupe américain, d'où une esthétique presque classique. Les guitares sont claires, la batterie alterne différentes fondations, le disque est construit en partant du tumulte jusqu'à atteindre une pureté ascétique. Moonlover pourrait être une impeccable musique de film, pas d'horreur, non, aucun de ces trois là n'utilise les clichés, pas de grosses voix gutturale. D'ailleurs, l'album de Ghost Bath est à quelques hurlements près quasiment instrumental, c'est de guitare qu'il est question ici. Mais là encore, pas de cliché, pas de branlette virtuose, d’acrobaties tape à l’œil, ici tout est au bénéfice de l'ambiance. En fait, ce n'est pas tant une parfaite musique de film qu'un film en lui-même. Moonlover date de 2015, le groupe n'a jamais fait mieux et aucun autre n'a approché une telle perfection dans ce registre. Parfait pour une initiation en douceur.


L'album de Gaahls Wyrd sort lui à la fin de ce mois, en guise de promotion il a été publié sur youtube, ce qui nous change des Tidal à abonnement tarifé, des Spotify à publicités intrusives et autres rackets dont le web se fait spécialiste. GastiR/Ghost Invited n'est pas une sinécure, autant le disque de Ghost Bath est limpide, autant celui ci est austère. Gaahl est un personnage hors norme dans le monde du Black Métal norvégien, homosexuel assumé, réfractaire aux préjugés sectaires, il flingue ses différentes formations sans laisser aucune chance à la routine. Après des débuts avec Trelldom, un album ravageur (et ravagé) avec Gaahlskagg (Eternal Funeral), un putsch chez Gorgoroth, une collaboration avec Wardruna, quelques séjours en prison et un excellent album avec God Seed (I Begin), GastiR/Ghost Invited est son projet le plus personnel, ainsi que le disque le plus excitant du moment, le plus créatif aussi, satellite de deux mondes, cold wave et métal extrême. On est ici à des années lumières de la simple collection de chansons. On est ailleurs.


GastiR/Ghost Invited est une odyssée qui n'invite pas au voyage, il faut s'accrocher au crin de la bête, son galop vers la falaise est solitaire et déterminé. La première écoute est semblable à celle du premier Motörhead, du premier Clash ou du Kill 'em All de Metallica en leurs temps, on est rejeté par la furie, sidéré par l'intention, on s'agrippe à l'émergence d'une mélodie qui s'extirpe du magma et nous projette vers une autre qu'un riff dessine dans la brume. Puis comme sur un dessin du Conan de John Buscema, la citadelle s'impose, glaciale et écrasante dans l'ombre mouvante, elle ne ressemble à aucune autre.
Écouter Gaahls Wyrd remémore ce qui nous a attiré vers la musique, bien avant d'accepter l'idée de la consommer entre les pâtes et le riz. Son disque ne cible personne, il est une expression personnelle qui peut être concernera quelques défricheurs de ronces, serpe en main, acceptant l'idée que la musique se mérite, que non, définitivement non, elle ne se limite pas aux saveurs fades des plats réchauffés affichés au menu des magazines. Carving the voices, Veiztu hve, The speech and the self, From the spear, Within the voice of existence délimitent un disque aux contours flous, de ceux dont on ne sait pas trop pourquoi on s'y frotte, avant d'en devenir addict.



De ces trois là, Burzum est la base, créateur du genre il en est aussi celui qui en a exprimé la vision la plus extrême, je ne parle pas de décibels, ni de déluge de distorsion, pas seulement du moins. Burzum est le plus cru, le plus dépouillé de tous, le plus taré aussi. Et sans doute le seul authentique génie. Varg Vikernes, membre unique de Burzum, grave les fondements de son œuvre au noir, sidérant de radicalité, entre ses 18 ans et ses 20 ans, multi-instrumentiste imaginatif aux claviers, furieux à la guitare, c'est encore à la batterie qu'il m'éclate le plus, son travail tout en nuances sur le titre Det som engang var, qui bien entendu ne se trouve pas sur l'album du même nom mais sur Hvis Lyset Tar Oss, est à hurler de bonheur (ce qui peut, certes, paraître déplacé). En quatre albums, chacun meilleur que le précédent, Burzum/Aske, Det Som Engang Var, Hvis Lyset Tar Oss, Filisofem, tous enregistrés avant son incarcération, Varg Vikernes fait cohabiter agressivité lépreuse et apaisement post-mortem avec un sens de l'épopée lyrique associé à un minimalisme gangréné. Il semble ne recevoir l'influence de rien, ni personne. Sa musique, mille fois dupliquée depuis, est alors un territoire vierge qu'il modèle à son humeur. Les voix sont hurlées avec un casque en guise de micro, les guitares sont amplifiées par ce qui se fait de pire en matière d'ampli et le résultat est magnifique, des mélodies cristallines sur fond de tronçonneuse. Au milieu des déflagrations, il impose des fleuves d'apesanteur synthétique sur des albums qu'aucune étiquette ne saurait définir. Disons que Burzum est au Métal ce que les Cramps de Songs The Lord Taugh Us furent au Rockabilly. La fascination morbide passe à l'étape supérieure, celle de l'implication, le jeu reste le même, perturber les sens, dérégler la perception du réel, faire chier le monde.
Décrire l'ensemble demanderait des mots qui desserviraient le sujet, trop souvent la musique sert de prétexte à intellectualiser ce qui n'est que manifestation primaire d'instincts qui le sont tout autant. Vous posez Dunkelheit sous le diamant ou restez dans vos certitudes, après tout qu'est ce que ça change ? Qui en a quelque chose à foutre ? Depuis trop longtemps le Rock vise le consensus, aligne les disques prévisibles comme des plans d'épargne, en voila quelques uns qui n'ont pas peur de renverser la poubelle, vivre leur marginalité sans se soucier de convertir les foules. Après tout, les lois n'existent que pour ceux qui s'y soumettent.


Hugo Spanky


13 commentaires:

  1. C'est typiquement le genre de musique à laquelle je n'accroche pas. Trop sec à mon goût !

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    1. Pour être sec, c'est sec. Pas une once de Blues là dedans. Tout juste si l'album de God Seed avec ses discrètes (mais bien senties) touches d'orgue s'offre un léger parfum psychédélique un peu moins déroutant. Pour le reste, c'est clair qu'il faut accepter de sortir de ses habitudes.

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    2. Moi elle me fait du bien cette musique. Enfin une musique qui rend visite à une partie de mon moi de dedans avec lequel j'entretiens une relation très courtoise. En revanche le seul de tous que j'irais voir en concert c'est Burzum, mais c'est le seul qui n'en donne pas, la nature est tellement bien faite !
      Pourquoi ? Parce que c'est une musique que je préfère écouter seule (ou bien accompagnée), mais certainement pas dans une salle (en)fermée, entourée de jeunes gotiques et voir le groupe en vrai qui va certainement me sortir tous les plans clichés à la con qui vont me ramener sur terre. Je préfère mille fois voir un show de Alice Cooper.
      Sinon de rajouter que Gaahls Wyrd me fait très peur ;))

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    3. Les concerts sont des expressions égocentriques à buts bassement commerciaux délivrés pour satisfaire des adorateurs soumis à des Christ de pacotilles. Varg Vikernes ne mange pas de ce pain là ))))
      Gaahl, c'est vrai qu'il est inquiétant et il est vrai aussi que la présence des musiciens autour de lui réduit son impact visuel scénique. Alice Cooper avait pour la même raison, pendant un temps, planqué ses musiciens dans le décor, ça fonctionnait mais son personnage est si hollywoodien qu'il demeure timoré par rapport à Gaahl. Avec Alice on reste dans le familial, avec Gaahl la famille est clairement à chercher du côté du congélateur )))

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  2. Avant notre week-end prolongé j'ai fait écouter Burzum à ma douce, j'avais un album conseillé par le genre de bouquins dont on parle souvent, en bien, en ma ha ha ha l. Burzum, le genre d'album que j'aime faire écouter, surtout que ma mie adore le métal mais cette fois ci, non, trop ou pas assez. ET quand on me pose la question "Tu écoutes ça, toi?" je réponds "Pourquoi, tu n'aimes pas" Oui, en fait je réponds pas à la question.
    Car en fait Burzum, bof, bof... davantage ennuyeux que perturbant ou subversif. Sauf à connaître le contexte, mais le contexte ne peut pas tout faire.
    "GastiR/Ghost Invited" ça c'est de suite autre chose, tu évoques des premières fois, j'ajouterai bien mon premier Joy Division pour cette attirance vers le gris noir anthracite. Ma rencontre avec Sepultura en écoute à la FNAC, je continue à m'en souvenir 20 ans plus tard "Roots".
    En résumé c'est vraiment très bien, à ranger à côté des expériences musicales qui tentent de capter l'attention au lieu de chercher l’originalité pour l'originalité.
    J'ai pris aussi cet concert: https://www.youtube.com/watch?v=VXoVq-yHSBI
    Vous en parlez dans les commentaires, on a envie de faire les scénographes, oubliez les poses métaloses. Place à la musique et à cette voix envoûtante (Ian Curtis parfois). Si j'osais les ponts vers le Van Der Graaf live pour les Crimson mur du son époque Larks Tongues... Bon, je vous laisse, je vais m'écouter "Love Is Blue" de Popp

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    1. Le contexte de Burzum il est vite vu, avant lui il n'y avait rien de semblable. Je ne sais pas quel album est conseillé par les huiles de la profession mais des quatre que je cite, hormis le premier qui est disons le plus classique dans le registre heavy et donc le moins significatif, trois sont indispensables et loin d'être ennuyeux. Det Som Engang Var est celui qui contient le plus d'influences Cold, Hvis Lyset Tar Oss est mon préféré et Filisofem est objectivement le plus abouti (paradoxalement c'est aussi celui qui sonne le plus low fi et pour cause). C'est dit et n'y reviens plus avec tes charlots à la plume aussi vile que peu talentueuse.
      Gaahls Wyrd, c'est actuel et radical, c'est là que ça se passe. Le parcours de Gaahl, tête pensante de l'affaire, est jusqu'ici passionnant à suivre. Son album en configuration God Seed (I begin) est excellent même si moins extrême que GastiR/Ghost Invited, de l'orgue s'immisce dans le mur de guitares et ça donne un effet qui conforte le parallèle avec Van Der Graaf et compagnie qui est indéniable. Il y a une volonté de poser une ambiance, de faire en sorte que l'écoute isole de la réalité de ce monde pour mieux amener l'auditeur vers ailleurs. Je parle de films pour situer Ghost Bath, je pourrais parler de livres pour Gaahls Wyrd et Burzum, leur façon de nous embarquer est très similaire à celle d'un bon livre lorsqu'il libère l'imagination.
      Et tu as raison, depuis la paire Chaos AD/Roots de Sepultura, je n'avais pas entendu de nouveautés aussi excitantes.

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    2. Gaahls j'adore. Mais dans le lien de Devant par exemple, les riffs, tac tac tac, puis la batterie.... le chant, puis un refrain etc.... on s'y attend, ça reste une construction classique. Burzum c'est différent, c'est un chemin. C'est un passage secret.

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  3. Mais c'est pas possible cette radicalité sur les passionnés comme nous qui écrivent, ha ha c'est comme les huîtres tu as du en manger un pas frais, ensuite c'est dur d'y retourner, je sais de quoi je parle, ma belle-soeur... Ha oui Burzum, l'album commenté dans "Hard & heavy 1978 2010 zero tolerance for the silence" c'est "Filosofem" et c'est un peu comme toi, c'est bien raconté... Je l'ai déjà dit, moins méfiant quand il s'agit davantage de vendre du bouquin que des disques déjà sortis, donc pas la pression de la promo.
    Un passage secret? C'est à cause de vous que je retente... et du bouquin qui propose de penser à la musique de Carpenter de ASSAUT Un poil de MY BLOODY ou de Krautrock... Heyyyy "Rundgang Um Die Transzendentale Säule Der Singularität" bon, j'avoue cesser d'écrire pour VRAIMENT écouter.
    Me revoilou.... Me souviens ramper pour rejoindre un copain dans une grotte, mon dos qui rape, sa voix au loin "Viens, tu verras il y a une grande galerie" j'avance, c'est pas facile, merde mes lunette, je panique, et je reviens en arrière...
    .... La vidéo? Je suis d'accord, il faudrait un passionné qui les sorte de ce genre de concert histoire de faire parler d'eux de manière... unique
    Faut y que je vous écoute, bon à partir de "Gebrechlichkeit I" il se passe que je pourrai peut-être éventuellement avoir tort... Tout est dans le...

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    1. J'ai mis de la bonne volonté pourtant, j'ai loué à la médiathèque tout un pataquès de bouquins signés par des plumes françaises et y a pas moyen. Les mecs n'expriment que du consensuel, aucun avis personnel, zéro esprit critique, ils servent des anecdotes si réchauffées qu'elles n'ont plus la moindre saveur. Pour couronner le tout, certains analysent l'influence psychologique du bélier sur l'enregistrement d'un disque durant l'équinoxe du printemps, tandis que d'autres se noient en voulant aborder tous les sujets de front sans en maitriser aucun (je ne sais plus le nom de l'auteur, y a Sting en couverture et c'est édité par Camion blanc/noir qui avec Le mot et le reste sont ceux qui publient le plus de daubes).
      Le pompon, je le décerne à christian eudeline, j'ai failli immoler son pavé sur le hard rock tant il était pitoyable. Les gars de la médiathèque doivent me prendre pour un insomniaque, je ramène les bouquins le lendemain de la location ))))
      Bref, restons sur Burzum. Prends le temps de t'immerger dans l’œuvre et ne néglige pas Det som engang var et Hvis lyset tar oss.
      Pour ta belle-sœur, un Gaviscon et c'est reparti pour deux douzaines de plus ! ))))

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    2. Non mais DevantF, dans ce passage secret t'as même pas besoin de lunettes. C'est comme une force tellurique qui s'ouvre dans toi et qui te fait voir.
      Gaahls lui il est connecté tu vois ;) Il est même en prise directe. Je pense même qu'il est le soir, les yeux de la forêt. Et quand il a un coup de mou, il se fait traverser par la foudre, et ça va de suite mieux ^^^^

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  4. non c'est un certain goût pour l'art dramatique, les gars n'ont pas encore senti le moment de prendre la soul music pour eux, peut être par timidité, d'ou la capuche, c'est culturel. savent ils que c'est une musique profane ? ça m'étonnerais pas qu'ils écoutent du cure en cachette en fait; y'a pas de honte les mecs. a ce propos la bio de lol est pas mal je viens de la finir, saviez vous que robert et lol (le batteur)sont fan de jimi hendrix ? moi c'est plutôt les satanistes qui ne jouent pas qui m'inquiètent. ou qui veulent en venir ? la chair humaine est elle si bonne qu'il faudrait l'ingérer pour gagner je ne sais quel pouvoir sur autrui ? la passion de l'histoire vaut elle l'expérience de tester ces rites anciens ? on a bien vu comment a fini carthage, oui c'était dans le bassin méditerranéen, et alors ? le racialisme n'est pas une excuse, si c'est pour se faire entendre y'a internet. alors faut grandir maintenant, faut y'arrêter. je m'en vais écouter de la vraie musique noire; par l'ange déchu. hugo tu transmettra s't'euplait. hell yeah

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    1. Souviens toi, les Beach Boys n'ont jamais été foutus de tenir deux minutes sur une planche de surf. Faut pas tirer trop de conclusions de l'emballage... Bon, perso, les idées politiques et philosophiques des artistes, ça m'en touche une sans réveiller l'autre, tant que leur art me plait, le reste je m'en branle.
      Cure fan de Jimi Hendrix ? Il t'a fallu lire le pavé du batteur pour apprendre ça ? T'es sérieux ? Ils reprenaient Foxy lady dès leur premier album. Allons, allons, vivement les vacances amigo.

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  5. Moonlover c'est l'accès direct au son dont le monde a besoin pile en ce moment. L'album de Gaahls Wyrd est plus hermétique à l'approche, mais en attaquant par le morceau Carving the voices, tu pourrais avoir la surprise de ne plus pouvoir t'en passer.

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