Crise du disque ou pas, rien n'empêche la commercialisation d'obscures références sur des labels dont on se demande d'où ils sortent, qui ils sont. Façade au blanchiment d'argent ? Investissements à pertes programmés pour abattements d'impôts ? Caprice de fils à papa ? Allez savoir. Peut être que les maisons d'éditions raclent tout simplement les fonds de tiroirs. En tout cas des cd cagneux, souvent live, il en sort toujours autant. Champion toutes catégories depuis 40 ans, Deep Purple. Le mec qui collectionne les versions de Smoke on the water doit avoir une sacrée piaule. Parfois, moi-même je m'y colle, pas tant pour smoke on the water que pour la déverse d'outrances saturées que Jon Lord ne manque jamais d'offrir.
1976, Deep Purple est pire que jamais, bedonnant d'alcool, bouffi de coke, semelles archi compensées, t.shirt au nombril, moustaches baveuses, cheveux jusqu'au cul, bagouzes émeraude du diamètre d'une pièce de cinq francs, futal pattes d'éléphant moule bite. Les gars sont rétamés, sur la brèche depuis des années, des bars de Londres aux stades du monde sans transition, sans sommeil. Ils font même peur à la jeunesse, qui va rapidement décréter que s'en est trop, qu'il faut impérativement se ratiboiser les tifs et imposer une tenue codifiée. Musicalement c'est la même, ils misent tout sur le forcing, le volume est assourdissant, les titres dégueulent sur des improvisations hors piste, le chanteur peut aller se repoudrer, renverser de la binouse sur son bide et se faire sucer dans les coulisses, il a 20 bonnes minutes devant lui. C'est l'orgie.
Phoenix Rising documente tout ça dans les grandes largeurs. Un cd plus un dvd. Sur le cd un concert à Long Beach, 8 titres en 70 minutes, ça pousse des cris de hyènes affamées à tout bout de chant, ça tabasse tant que ça peut, ça se perd dans des riffs qui sortent d'on ne sait pas où, puis ça retombe sur un qu'on connait par cœur et c'est le bonheur. C'est fabuleux, c'est fabulon. Y a même plus Blackmore, c'est l'ultime formation cheap avec le guitariste surdoué tellement ravagé par la poudre qu'il laisse les soli au clavier, lui se contente de faire du bruit en frottant ses cordes suramplifiées contre tout ce qu'il croise dans sa déambulation de funambule, son Marshall ou le pied de micro, va savoir quoi. Ça change rien, c'est du génie. La puissance sonore est démente, rien d'autre ne compte. Le dvd ajoute l'image au son sur 5 titres captés au Japon et propose surtout un documentaire comme on en rêve. Jon Lord et Glenn Hughes ont que dalle à vendre, ils sont là à confesse, façon Tony Soprano chez le Docteur Melfi. Avec une étonnante lucidité, vu le contexte. Faut pas trop leur en demander non plus, ils ont des trous dans la tête malgré toute leur bonne volonté. On voit bien qu'ils n'ont pas fait semblant de charger la mule. Le roadie qui meurt en tombant dans la cage d'ascenseur pour une histoire de dope ou de bakchich, ils n'en savent plus trop rien. C'était à Jakarta en 1975. Qui peut raconter ce qui est arrivé à une bande d'anglais dépravés, livrés à la junte d'une dictature indonésienne ? Quelques mois plus tard la nouvelle vague décrètera que vivre dangereusement c'est dire fuck à la télé anglaise...
Dans l'ordinaire de la vie de Deep Purple, les concerts se font narines chargées de pure devant une rangée de dobermans démuselés tournée vers un public de miséreux hystériques tentés de profiter de l'occasion pour saigner à blanc du tortionnaire corrompu. Deep Purple attaque le show par Burn et advienne que pourra. Dans les coulisses des toubibs prévoyant leur collent des shoots de cortisone dans la bite, les putes s’agrippent à eux, se tapent dessus, ils en consommeront autant que possible avant le salutaire coma du petit matin. Et le jour d'après sera semblable à la veille. Bien content de tenir encore debout. Le reportage est sous titré en français pour qu'on ne rate rien, le message est simple; on savait bien qu'on faisait n'importe quoi, mais c'était une chouette façon de crever.
Hugo Spanky