Dans son livre Qu'est ce que la musique ? paru aux Editions Philharmonie de Paris David Byrne passe en revue tous les aspects de son métier, influence des origines, perceptions miroirs, marketing, distribution, formatage de la créativité par l'obligation de rentabilité, rien n'est laissé sous le tapis. Il évoque aussi le Japon, Bali, l'Afrique, autant de cultures qui ont nourrit ses disques, le visuel de ses concerts en imprégnant son esprit et son corps. David Byrne parle beaucoup et de tout, de l'analogique et du numérique, du mp3 et de Bayreuth, de l'antiquité et iTunes, en termes parfois techniques, du moins analytiques. Et c'est là qu'il me laisse en bord de route. Son livre est un guide dépourvu de caractère, il énumère sans vilipender ni encenser, tout juste s'il émet un avis, se pose quelques questions dont la pertinence semble le satisfaire autant qu'elle m'indiffère. Ce n'est pas désagréable en soi, il n'est pas foncièrement rebutant d'être soumis à de simples faits, de se voir exposer les différents fonctionnements d'un groupe de musiciens selon le contexte dans lequel il se situe, sans jugement de valeur, sans ragot sur les occupations favorites des fesses de la bassiste. Certes. Je pourrais même me sentir soudainement considéré comme adulte, ce qui dans une biographie rock tient du miracle. Au lieu de quoi c'est la sensation de relire mes manuels scolaires qui pointe son nez. Avec pour même conséquence qu'en d'autres temps de disperser ma concentration aux quatre vents. Tiens et si j'ouvrais la boite de crème de marrons ?
Qu'est ce que la musique ? est rébarbatif, gavé de diagrammes démonstratifs, d'analyses financières, de pourcentages, de graphiques, de retours sur investissements. On ne peut pas reprocher à David Byrne une quelconque opacité, il énumère et chiffre ses diverses sources de revenus, ses frais, ses droits d'auteur, d'édition, droits annexes, licences, types de contrats, tout y passe. Le prix du ticket en fonction du loyer des salles de concerts, le budget annuel du Metropolitan de New York, les conséquences de Megaupload, Pirate Bay et Spotify, la mainmise graduelle de Live Nation. Il a tout compris, il nous explique. J'ai eu la sensation de réviser le plan comptable général, flashback sur mes années d'ennui profond. Peut être a t-il été traumatisé par un redressement fiscal ? Peut être qu'il a voulu s'assurer que jamais on ne le confondrait avec Ozzy Osbourne. Quoiqu'il en soit, si il n'était pas réputé pour son humour, ce n'est pas ce bouquin qui va changer la donne. Son seul bienfait fut de me faire sortir Stop Making Sense de son boitier dvd, manière de retrouver le plaisir doux amer que Talking Heads a su distiller en maintenant avec une énergie toute corporelle l'équilibre entre performance arty et transe de la danse. Contrairement à ce que David Byrne semble croire en ne leur octroyant aucun mérite, le charme du groupe provenait aussi du langage des signes que ses acolytes d'alors nous adressaient pour rendre compréhensibles les turbulences intellectuelles de leur leader. Indéniablement à ne vouloir ressembler à personne, on peut aussi finir par ne ressembler à rien.
Hugo Spanky