Il y a clairement un malentendu avec Fleetwood Mac qui est considéré à tort comme un groupe de rock FM mou du genou à même d'endormir un bataillon de gamins hyperactifs en un rien de temps. Et je sais de quoi je parle puisque moi aussi je pensais ça d'eux il y a pas si longtemps que cela.
Sans la persistance du tenace Hugo Spanky, un beau jour je ne me serais jamais décidé à me pencher sur le cas de ce groupe qui depuis toujours me plongeait dans l'indifférence totale.
Tout a débuté par la découverte de la carrière solo de Stevie Nicks au travers de ses albums Bella Donna, The wild heart, Trouble in Shangri-La et le récent 24 karat gold songs from the vault
qui sont un manifeste on ne peut plus évident de son indéniable talent à
trousser des compositions vaporeuses d'une aisance mélodique à en faire
rager plus d'un. Gorgés de joyaux ouvragés de main de maître ses albums
sont une invitation à un voyage hors du temps où tout semble suspendu;
seule sa voix envoûtante à l'extrême nous sert de guide bienveillant
dans ce monde ouaté et irréel avec lequel on se sent immédiatement en
osmose. Car entrer dans l'univers de Stevie, c'est l'assurance de trouver une parfaite harmonie à même de nous apporter un bien être instantané.
Emballé par le cas de la Nicks, je me suis alors engagé dans l'écoute de son album en commun avec Lindsey Buckingham et là aussi quel ne fut pas le choc de prendre de plein fouet dans les esgourdes tout un univers foisonnant d'une richesse insoupçonnable. Ensemble ces deux là font feu de tout bois et délivrent des chansons d'une délicatesse à vous faire frémir l’échine où chaque note jouée échafaude un édifice d'airain inébranlable tandis que l'interprétation vocale atteint des sommets de sophistication qui apporte une sensibilité à fleur de peau.
Ne pouvant décidément pas m'arrêter en si bonne voie après tant d'émotions positives et avide d'autres sensations de cet acabit, je me suis attelé au cas du sieur Buckingham en solo. Autant prévenir d'emblée qu'avec cet homme pour le moins habité on est ici à l'opposé du rock FM standardisé. Tout comme Stevie, Lindsey propose de nous ouvrir à un monde sortant des sentiers battus. Aussi mélodique qu'alambiquée dans sa construction, sa musique ne dévoile sa pleine saveur qu'au terme de plusieurs écoutes et ses arabesques rythmiques si déconcertantes au premier abord deviennent une évidence une fois que nous y sommes acclimatés. Éminemment personnelle, traversée d'influence andalouse grâce à son jeu de guitare prodige d'une beauté sans pareille, ses compositions sont de véritables trésors à chérir sans ménagement qui amènent une grâce certaine dans notre quotidien par trop cartésien.
Étant désormais fin prêt à aborder la carrière de Fleetwood Mac, c'est avec impatience que je me suis lancé dans leur œuvre discographique. L'album éponyme, le multiplatiné Rumours, le méconnu Tusk, le décrié et pourtant excellent Mirage, ainsi que Tango in the night et Say you will se mirent rapidement à squatter sans relâche ma platine. En plus du talent de Stevie et Lindsey qui transpire dans tous les titres de ce groupe voilà t'y pas que viennent s'ajouter les deux musiciens d'exception que sont John McVie à la basse et Mick Fleetwood à la batterie tandis qu'une chanteuse et une compositrice virtuose nommée Christine McVie vient fournir une touche de soul à cet ensemble que ne manquait déjà pas d'attrait (je ne saurais d’ailleurs trop vous conseiller l'écoute assidue de son premier album solo au nom on peut mieux adéquat de Perfect qui regorge de chansons soul de haut vol).
A peu près tout un chacun connaît les tubes intemporels que sont Don't stop, Rihannon, Big Love et bien d'autres trop nombreux pour les nommer tous, mais beaucoup trop de monde se plaît encore à croire que Fleetwood Mac n'est qu'un groupe de parvenus que ne pensent qu'à s'en mettre plein les fouilles en produisant une musique insipide. Et pourtant il y a bien plus d'idées d'arrangements novateurs, de trouvailles guitaristiques géniales, de complexité rythmique et de finesse vocale dans la majeure partie de leur production qu'on ne saurait en trouver chez d'autres groupes qui ont les faveurs de la critique et des gens soit disant de bons goûts.
Quand à ceux qui soutiennent mordicus qu'ils sont aussi dynamiques que des trépanés, il me font bien rire, tiens ! Ne serait-ce qu'en visionnant le live titré Mirage Tour 1982 qui a eu lieu à Los Angeles, ils pourront se rendre compte à quel point sur scène ce groupe se révèle être une toute autre entité.
Le show débute sur les chapeaux de roue avec une version furibarde – oui furibarde, vous avez bien lu ! - de The Chain durant laquelle Lindsey Buckingham montre à quel point il sait manier une guitare et en tirer des sonorités énergiques tout en ne perdant jamais le fil mélodique. C'est bien simple tout le long de ce live fabuleux, une tension habite tous les membres du groupe qui délivrent une prestation fougueuse. John McVie fait vrombir sa basse à en faire trembler les murs, Mick Fleetwood fait carrément flipper tant il ressemble à un white trash avide de viande fraîche humaine avec ses yeux ronds comme deux billes dotés d'une lueur démoniaque tandis qu'il malmène ses fûts tel un possédé, Stevie Nicks fait montre de son talent vocal en se lançant dans des interprétations tantôt exaltées tantôt plus apaisées, Christine McVie n'est pas en reste elle non plus question chant et elle assure aussi de fort convaincante manière les parties de claviers.
Les deux meneurs du show sont à n'en pas douter Mick Fleetwood qui est déchaîné et semble toujours en demander plus niveau fureur et Lindsey Buckingham qui se donne à fond - il faut le voir tourner comme un derviche pour se rendre compte combien il est habité comme jamais par sa musique !- tant il chante avec ferveur et qu'il impulse à son jeu de guitare une nervosité qui porte ce live dans une puissance sonore phénoménale qui en étonnera plus d'un. On a rarement attendu tel boucan fournit par un groupe considéré comme amorphe ! Jamais dichotomie entre ce que présente un groupe sur disque et ce qu'il propose sur scène n'a été aussi prégnante. De rares moments d'accalmie viennent calmer le jeu, comme notamment la magnifique chanson Songbird, avec seulement sur scène Christine au chant et au clavier et Lindsey à la guitare acoustique, qui clôture ce live de la plus belle des façons qu'il soit.
Bref, vous l'aurez compris n'attendez pas, comme le pitre que je suis, d'avoir dépassé la quarantaine pour enfin vous délecter des merveilles que Fleetwood Mac a distribué avec largesse et tant que vous y êtes ne négliger pas les activités solo de chacun de ses membres et accointances (Walter Egan, un ami proche de Stevie et Lindsey, a confectionné des albums digne d'intérêt; essayer donc Not Shy, Hi-Fi et The last stroll, je gage que vous ne serez pas déçu).
Harry Max.