Il y a des disques qu'on ne sait pas conseiller, ni à qui. De ces drôles d'objets qui vous mettent dans un drôle d'état que les mots réduisent sans jamais rendre justice. C'est pourquoi cet album je ne vais pas vous en dire grand chose même si je me sens obligé de vous signifier son existence. L'essentiel est donc déjà fait.
Bad Omen est le second méfait de la paire Rachel Brooke, Lonesome Wyatt. Rachel Brooke, je vous en ai déjà causé ici, elle a sorti en 2012 A Killer's Dream, un foutu disque si vous voulez mon avis, genre inespéré. Il est rangé pas loin de mes Hank III et n'a guère l'occasion de prendre la poussière. Lonesome Wyatt, c'est avec son groupe Those Poor Bastards qu'il œuvre le plus régulièrement. Pas facile à définir ceux là, chaque adjectif que je pourrais utiliser vous mènerez sur une mauvaise piste tellement les termes cintrés du ciboulot, originaux, grands malades au talent obscure sont galvaudés et attribués au moindre crétin qui se branche sur la prise électrique. Disons qu'ils ne ressemblent à rien de ce que vous connaissez.
Bad Omen, donc. Mazette, c'est pas rien ce disque. Tenez vous bien c'est un disque de chansons. Deux guitares, deux voix, parfois à peine un peu plus et surtout ces putains de chansons. Avec des mélodies, des vraies, intemporelles, belles, saisissantes. Pas des mélodies pompeuses, pas des airs qui se fredonnent en allant acheter le pain non plus. Des mélodies qui agissent sur le système pileux, font faire des vols planés aux méninges. Au moment où je vous parle c'est If the beasts should hunt us qui tourne et c'est la plus belle. Je me disais exactement pareil pendant le morceau précédent.
Le disque est capté tel quel, ils n'ont pas dû passer cent ans sur l'équalisation ou les overdubs, à mon avis il n'y a ni l'un ni l'autre. Un bel écho Sun sur la voix de Rachel et deux, trois bricoles dans l'arrière de la boutique comme sur Miles and miles, du tuba (à moins que ça soit du trombone), un crash de cymbale, quelques coups de grosses caisses façon fanfare et basta. On dirait du Hank Williams avec des harmonies de Doo Wop. Ou ce que Johnny Thunders aurait pu en faire. On sait que Rachel Brooke est raide dingue des Beach Boys, ça ne se dément pas à l'écoute de Dance with me, de l'orgue, une guitare banjo, de la magie dans les sillons.
Je peux continuer comme ça pour chacune des chansons, parler de Gospel blanc, de Blues, de Country, de possession dans les collines sous une lune ronde à la lumière de laquelle dansent les libellules. Citer Evil One parce que je l'adore avec son tempo tout riquiqui, sa belle touche de guitare électrique et des sons bizarres que je sais pas avec quoi ils les font. Ça fera peut être de jolies phrases mais on ne sera pas plus avancé ni vous, ni moi. Je suis convaincu de tenir là un album qui ne va pas me lâcher et vous êtes septiques parce que vous vous dites que vous avez mieux à faire. Et vous avez tort et j'ai raison.
Hugo Spanky