Au dos de la pochette de son
dernier disque, Bob Dylan, au bras d’une mystérieuse femme masquée, contemple
un single Sun, comme si l’étrangeté de la musique de Memphis était
la dernière énigme qui lui restait à résoudre…
En 2013, Misty White enregistrait son album pour Bang records au studio Sam Phillips Recording (Memphis) avec aux manettes le guitariste des sessions Sun de la grande époque : Roland Janes, malheureusement décédé depuis. Quelques jours avant, il venait d’enregistrer, au même endroit, notre fameux Zimmerman… Et Misty n’était pas peu fière que Roland Janes note son numéro de téléphone juste au dessous de celui de Dylan. Bien que ce disque soit un excellent délire de crooner country, la connexion avec Sun me paraît maintenant évidente.
En 2013, Misty White enregistrait son album pour Bang records au studio Sam Phillips Recording (Memphis) avec aux manettes le guitariste des sessions Sun de la grande époque : Roland Janes, malheureusement décédé depuis. Quelques jours avant, il venait d’enregistrer, au même endroit, notre fameux Zimmerman… Et Misty n’était pas peu fière que Roland Janes note son numéro de téléphone juste au dessous de celui de Dylan. Bien que ce disque soit un excellent délire de crooner country, la connexion avec Sun me paraît maintenant évidente.
Dylan reste avec Elvis, les deux artistes dont j’aurai tout aimé : des premières notes des Minnesota Tapes à ces ballades sirupeuses de 2015. Comme Elvis, il n’a été qu’habité par la rugosité de la musique américaine, le blues, le gospel, la country…. Ce qui les rend tous les deux imperméables aux interférences des époques qu’ils ont traversées. Mort trop tôt, le King aurait été du même bois.
Et c’est en rocker que je vois Dylan, depuis ce fameux concert de Toulouse de 1993 au palais des sports. Je revois encore la salle coupée en deux, la scène avancée pour combler le vide d’un public plus que défaillant à cette époque. Le menton collé sur la scène, j’ai tout observé à ses pieds : son look impeccable avec son pantalon de mariachi, ses plans de guitares électriques quasiment improvisés (plus proches d’un Chuck Berry que d’un Doc Watson), ces copieuses engueulades hors micro avec ses musiciens (putain de caractère!!), ses tubes complètement déstructurés que je reconnaissais à peine aux paroles… Si il y a un moment où j’ai approché la fragile flamme du rock and roll, c’est bien ce soir là…
Je venais de m’acheter le premier Bootleg Series quelques temps auparavant, et c’est avec ce disque que j’ai vraiment découvert Dylan. Mon père avait le concert au Bangla Desh avec George Harrison, mais gamin, je préférais son disque de Bill Haley, (une compil des années 70 avec une femme à moitié nue dessus. Enfin… elle était peut être habillée mais je m’en souviens comme ça). J’ai du attendre d’avoir 24 ans pour comprendre un peu mieux de quoi il en retournait. Je sentais un peu quand même que l’orgue de Mickey Gallagher qui donne sa couleur à London Calling ça venait de Like a rolling stone. Et Bijou reprenait Si tu dois partir, ça sentait bon l’électricité.
Faut dire que le Bobby, on l’a mal compris. Chouchou des universitaires indignés, il les avait pourtant envoyé paître en 1963 lors de la remise du prix Tom Paine. Du haut de son génie juif, Il avait senti le piège et la tentative de récupération très tôt. Quant on visionne les conférences de presse des années 60, on est frappé par la niaiserie des questions posées et la gène de Bob qui s’efforce de rester courtois… Même s’il était sensible aux droits civiques, ce qui est un minimum, il n’était pas plus que ça intéressé par les idées «progressistes». Ce qui le branchait, lui, c’est la musique américaine, encore et toujours... jusqu’à son dernier souffle.
Le folk évidemment
L’Amérique
attendait un héros, un nouveau Jerry Lee ou un Buddy Holly, mais c’est par le
folk que ça arriva. Dès l’adolescence,
dans le Minnesota, c’est le son de la country qui le fascine. Le SON !!! C’est
ça la musique américaine… Les types ont un son à eux avant tout le reste. Avant
le look, avant la virtuosité ou les paroles. Le jeune Bob s’intéresse au folk,
car c’est la seule musique qui lui semble intègre à l’époque. Il «emprunte»
une vingtaine de disques à ses «potes», des raretés folks introuvables.
Ils le retrouvent et lui font un brin la leçon. Ce sont ces petits détails de
sa biographie qui me le rendent si précieux. Comme ces heures passées à décrypter
les chansons…
La scène folk où il débarque début 1960 est finalement assez bidon : faux prolétaires, (futurs dentistes, comme le dit Dave Van Ronk dans sa bio) faux bouseux, faux artistes bohèmes, véritable revival en revanche et donc caricature des années 20. Mais comme toujours, la réalité est plus compliquée que ça et tout cela n’empêchera pas l’émergence d’un son magnifique, celui de Vanguard Records ou de Folkways, d’artistes excellents comme Eric Von Schmit, Fred Neil ou Tom Rush…
Le jeune Bobby, lui, a beau raconter des bobards sur sa
biographie à qui veut l’entendre, il n’en reste pas moins crédible que les
autres. Ramblin Jack Elliott,
fils de médecins juifs de Brooklyn se fait passer pour un vieux baroudeur… Mais Bob, lui, est déjà trop
hillibilly pour cette scène, la voix trop rude. Il rompt le procédé « folk »
(c’est à dire la transmission orale de la musique) le jour où il se met à
composer. Il est déjà ailleurs et quand surgit le Freewheelin’ Bob
Dylan, c’est toute l’Amérique qui retrouve la filiation de ses prophètes.
De Jimmy Rodgers à Hank Williams. Les milieux noirs sont
aussi touchés et c’est un tour de force à l’époque. Y pas longtemps, J’ai
refermé A l’affut, la bio de Bobby Seale, le fondateur des black
panthers. La seule allusion à la musique qu’il fait, c’est à propos du jeune Bobby
dont il décode les paroles à double sens. Les groupes Gospel le reprennent
aussi. Les Staples Singers entre autres.
C’est aussi le premier à
produire des textes qui font le pont avec la littérature, sans doute l’influence
beat, Kerouac et Ginsberg. Freewheelin’
… marque la cassure : Écriture automatique, surréalisme ou Rimbaud ? Les français ont toujours,
un siècle d’avance quand il ne s’agit pas de musique. Patti Smith et autres Tom
Verlaine ne s’y tromperont pas. Justement, les
rockers new yorkais de 1975 (j’ose plus utilisé le mot «punk»)
parlons en. Patti Smith habitait l’hôtel Chelsea, voisine de palier
d’Harry Smith, artiste génial, musicologue visionnaire,
l’homme qui avait collecté les chansons pour sa monumentale Anthology
of American Folk Music de 1952 qui fut finalement la matrice de toute
cette scène folk. Inutile de vous dire que peu des
suiveurs du punk, comprendront la connexion avec le folk des années 20 :
L’honnêteté et le dénuement.
Mais aussi le rock and roll !!!
Il affirme avoir assisté à la
fameuse tournée qui mit fin à la courte vie de Buddy Holly. Puis accompagna
plus ou moins Bobby Vee dont il reprendra les morceaux en tournée dans les années
2010. Ça ne le quittera vraiment jamais et il le retrouvera en électrique bien
sûr, et plus encore avec les musiciens de Ronnie Hawkins, connu sous le nom des Hawks, le futur Band. Ces mecs sont comme lui : du Nord.
Ils connaissent les hivers
rudes, les concerts à deux balles
dans tous les bars de l’Ontario : reprendre Bo Diddley devant des routiers
canadiens, ramasser le matos à moitié bourré et repartir en camionnette dans la nuit, les essuie-glaces à fond à travers la tempête. Robbie Robertson est à l’époque le meilleur
guitariste blanc de rock and roll sur la planète. Je ne me suis jamais remis de sa partie de
guitare sur la version de Who do you love de Ronnie Hawkins. Il a vite compris que
tout était dans le touché : il bosse les morceaux d’Howling Wolf pendant
des heures : juste une note qu’il arrive à faire sonner de manière à ce qu’elle
vous vrille le cerveau : la quintessence du blues.
La collaboration avec Dylan est
un cataclysme : la tournée anglaise, le fameux concert où il se fait traiter de
Judas. Et puis…les Basement Tapes…. Ressortis en intégralité en 2014 et que j’attendais
fébrilement depuis des mois. Comme pour les Sun sessions d’Elvis,
la magie opère de manière un peu mystérieuse. Est ce un état d’esprit, une
certaine décontraction, la voix trainante de Dylan couplé à l’aisance du Band ? On ne sait pas vraiment : Dylan fait trainer les
syllabes : Ooh, baby, ooh-ee. It’s that million dollar bash. Il n’a déjà plus grand chose
à prouver. C’est juste pour la musique et cette bande de canadiens.
Pas très original, me direz vous, d’être fan de Dylan, mais c’est ce que j’avais à dire sur ce petit gars du Minnesota.
Serge Bang
http://www.bobdylan-fr.com (Excellent site de traduction de ses
paroles)
http://www.bangrecords.com (L'album de Misty White et de nombreux autres à un clic de vous)
http://www.bangrecords.com (L'album de Misty White et de nombreux autres à un clic de vous)