Dans la grande série Les losers magnifiques, poisseux comme pas deux, les Hanoï Rocks raflent la mise sans sourciller. Vous en voulez des maffrés ? Y a pas mieux. Hanoï Rocks fut la risée des punks (bon, jusque là...) celle des Rockers (le chanteur est un travelo, c’est certain...) et d’à peu près tout ce qui fait la hype à l’exception des Hardos qui eux ne la font pas, mais ont un cœur équivalent à leur bon goût.
Hanoï Rocks, c’est la même attirance que les New York Dolls pour les mélodies sucrées portées par une énergie débraillée, avec une touche de Pop supplémentaire dans l’exécution. Une version réussie et survoltée des Lords of the New Church. Moins putassier que Billy Idol, mais avec le même désir de ne pas s’inscrire dans le passé, d'amener une concision à la tradition, un tranchant qui balaie la trop évidente influence des Rolling Stones au profit d’un swing New Yorkais mâtiné de la même fraîcheur que l’on retrouve sur le premier album de Blondie, sur ceux de Sylvain Sylvain ou chez les Electric Chairs de Wayne Jayne County.
Dès leur premier album en 1981, Bangkok shock, Saïgon shakes, Hanoï Rocks cassent la baraque et deviennent numéro 1 dans leur pays, les Téléphone locaux en quelque sorte. A ceci près que leur pays c’est la Finlande, et que la Finlande c’est 5 millions d’habitants. Maigre.
Dès leur premier album en 1981, Bangkok shock, Saïgon shakes, Hanoï Rocks cassent la baraque et deviennent numéro 1 dans leur pays, les Téléphone locaux en quelque sorte. A ceci près que leur pays c’est la Finlande, et que la Finlande c’est 5 millions d’habitants. Maigre.
Dans la lancée, ils enregistrent un second album, Oriental Beat, encore meilleur que le premier, et ravagent les frontaliers avant de s’attaquer à l’Angleterre. Le groupe joue à la perfection, serré, compact, ravageur, concis, précis, pointu, Sharp. Pour accompagner leurs incessantes tournées les Hanoï Rocks sortent Self destruction Blues, un fourre tout regroupant singles et chutes de studio. L’ensemble est plutôt inégal, mais c’est là dessus qu’on retrouve des trucs aussi essentiels que Taxi driver, I want you, Beer and cigarette, Problem child, Self destruction blues ou leur hit underground Love’s an injection. Surtout, ils s’adjoignent les services de Razzle Dingley, le batteur qui fait la différence, apporte la touche de légèreté et le speed qui font décoller les morceaux. Jamais le groupe n’a été aussi bon qu’avec Razzle derrière les fûts.
Outre son nouveau batteur Hanoï Rocks a des arguments à faire valoir, leur chanteur, Michael Monroe, est un frontman né, blond platine, androgyne à souhait, il amène l’indispensable touche de provocation, tandis que dans un coin la belle gueule de voyou qui fait craquer les filles, Nasty Suicide, gratte ses riffs avec une nonchalance boudeuse. Mais c'est l'autre guitariste, Andy McCoy, qui mène la troupe. Avec lui, Hanoï Rocks est doté d’un compositeur rare, une perle. Ce mec torche des mélodies si accrocheuses qu'on jurerait qu'elles tombent du ciel. Les chansons d'Andy McCoy vous siphonnent le ciboulot en moins de temps qu’il n’en faut pour le dire, de plus chanceux qu’eux en auraient fait des classiques. Ça fait trente piges que je me les trimbale ces foutues mélodies et je peux encore vous les fredonner sans sourciller.
Pourtant ça faisait un bail que je les avais pas dégainé de leurs pochettes, les albums de Hanoï Rocks. Trop longtemps à vrai dire. Jusqu’à hier soir. Youtube, j’y pioche comme tout le monde des trucs et des bidules qui me remontent de je ne sais où, si ce n’est des brumes de ma mémoire reptilienne, et voila que je tombe sur leur concert capté au Marquee, un shoot d’adrénaline filmé par des aveugles, mais qui transmet une énergie communicative. All Those Wasted Years, je l'avais perdu de vue depuis l’époque des VHS PAL qu’il fallait transcoder en laboratoire (j’exagère à peine) pour pouvoir les lire sur nos SECAM strictement français autrement qu’en noir et blanc pouilleux. Ce concert c’est cinq pois sauteurs qui défoncent le crane d’un ramassis d’anglais survoltés par tant de puissance brute et d’harmonies arrogantes. Un putain de grand moment de Rock’n’Roll. Hanoï Rocks en 1983 ! Je ne vais pas vous raconter qu’ils ont inventé le fil à couper le beurre, mais ce qu’ils faisaient, ils le faisaient mieux qu’un wagon d’autres à qui on a tressé des louanges.
Ces gars tenaient le monde par les couilles, l’Angleterre mise à genoux les voila qui signent chez CBS et se voient offrir Bob Ezrin comme producteur de leur prochain album, manière de viser les States, MTV et tutti quanti. Et c’est même pas certain qu’ils aient eu besoin de lui. Le groupe venait de sortir son chef d’œuvre, Back To The Mystery City. Des tueries en veux tu en voila, Malibu beach nightmare, Mental beat, Until I get you, Back to the mystery city, Tooting bec wreck, une production enfin à la hauteur et Razzle Dingley pour la première fois en studio avec eux. De Londres à Tokyo, le disque trouve son public. Dans notre contrée de visionnaires à nous, c’est autre chose, leur label n’est même pas distribué et il faut fouiller dans les listes d’imports d’Enfer Magazine pour se procurer les disques par correspondance. Qu’importe, les Hanoï Rocks sont sur la voie rapide en direction du rêve américain.
Sauf que voila, la vie est chienne, et aussi con que ce soit les Hanoï ont cru que la crédibilité s’acquérait en même temps que les cernes sous les yeux et les trous dans les bras. Avec Knox, chanteur en panne de Vibrators, ils enregistrent le premier album de son nouveau projet, Fallen Angels. Puis c'est la plongée en eaux troubles, le groupe s’accoquine avec Johnny Thunders, assure sa première partie en tournée, participe aux sessions de Que Sera Sera aux côtés de Wilko Johnson et Stiv Bators. Et bien sur, se fait refiler plein de mauvaises habitudes.
Quand Hanoï Rocks finit par débarquer à Los Angeles, le groupe a déjà un pied dans la tombe, il y mettra le second en deux temps trois mouvements. Two Steps From The Move leur album de la panacée, au son chromé par un Bob Ezrin lui même complètement laminé, va les mener en enfer. Le disque commence pourtant à cartonner, porté par une reprise survitaminée du Up around the bend de Creedence Clearwater Revival qui déchire les ondes avec une bonhomie qui fait plaisir à entendre. High school, I can’t get it, Don’t you ever leave me, Million miles away sont positionnés en snipers, autant de singles potentiels pour soumettre définitivement les mômes ricains. Des hits certifiés imparables.
Los Angeles leur ouvre enfin les bras, ils deviennent la coqueluche de Sunset boulevard (of broken dreams), délivrent des concerts diaboliques qui donneront naissance, pour le meilleur et pour le pire, à toute la vague Hair Metal qui triomphera durant les dix années suivantes.
Pour faire simple, Hanoï Rocks c’est Guns'n’Roses avant la lettre, sans la guitare chiante de Slash. C’est galvanisé par un concert des finlandais que Slash et Duff McKagan rejoindront un clone de Michael Monroe et son pote Izzy Stradlin pour former le groupe qui va décrocher la timbale en or massif. Si Hanoï Rocks n’avait pas été maudit, vous n’auriez jamais entendu causer de Guns’n’Roses, c’est pas moi qui le dit, c’est Axl Rose.
Accordons leur d’avoir été parmi les rares à se revendiquer ouvertement des Hanoï Rocks dans leurs interviews, allant jusqu’à inviter Michael Monroe sur Use your illusions et Spaghetti incident.
Hanoï Rocks rêvaient de gloire, de néons hurlant leur nom, ils auront échoué dans une flaque de sang sur laquelle se reflète les lumières de Sunset boulevard. Tu parles d’une guigne.
D'eux tous, Michael Monroe sera celui qui s’en sortira le moins mal, sa carrière solo sans atteindre des sommets sera poussée au cul par ses nombreuses collaborations avec Guns’n’Roses (Ain’t it fun..). En 1993, il forme Demolition 23 avec ses anciens acolytes d'Hanoï Rocks, Nasty Suicide et Sam Yaffa, le temps d'un unique, mais très chouette album enregistré à New-York et produit par Little Steven. Plus tard, Sam Yaffa réalisera le fantasme de sa vie en remplaçant Arthur Killer Kane au sein de la reformation des New York Dolls.
Andy McCoy a connu des fortunes diverses. Cherry Bombz son premier projet post Hanoï Rocks ne convaincra pas grand monde et disparaîtra sans laisser de grandes traces (un EP). En 1986, il grave en duo avec Nasty Suicide un album acoustique plutôt remarquable, Silver missiles & nightingales, sous le nom de Suicide Twins. Depuis il poursuit une anarchique carrière solo dont l’album de 1996 Building on tradition constitue le sommet. En parallèle, il a accompagné Iggy Pop sur la tournée Instinct immortalisée par l'album Live at the Channel Boston 1988, et a failli connaître son heure de gloire lorsqu'Alice Cooper, tout fraîchement guéri de son alcoolisme chronique, voulut baser son comeback de 1986 sur une association avec lui et Joe Perry. Bien qu'alléchant au possible, le projet capota dès le départ. On se demande bien pourquoi.
Plus étonnant est le parcours de Nasty Suicide qui finira par quitter le milieu de la musique pour reprendre ses études. Il est aujourd’hui pharmacien en Finlande, je n’ose imaginer les cocktails qu’il doit se concocter dans son arrière boutique.
Enfin, Hanoï Rocks se reformera autour de Michael Monroe et Andy McCoy le temps de trois albums et de plusieurs fructueuses tournées entre 2002 et 2007 sans toutefois retrouver la magie.
Hugo Spanky