L'intelligence dans un
bar passé une heure du matin est plus rare qu'un ticket gagnant à
l'euro-millions, on le sait tous. Wayne Mills se l'est vu rappeler de
la plus définitive des manières, samedi dernier à Nashville, par un
taulier de bistrot mêlant la stupidité à la violence.
Wayne Mills était un
chanteur Country, pas le plus doué, mais pas le plus antipathique non
plus. Il se réclamait du mouvement Outlaw (Hors-la-loi pour les
nostalgiques de Jacques Toubon) et vu le niveau de répression actuel,
il suffit d'allumer une clope dans un lieu non-fumeur pour y être
assimiler. Même plus besoin de conduire un truck gros comme un pâté
de maisons, défoncé au bourbon, gavé d'amphétamines pour tenir les
yeux ouverts, juste un coup de flamme de zippo et vous y êtes. A ces
heures là du petit matin, le temps de la réflexion cède sa place à
celui des réflexes, c'est à celui qui dégaine le premier, son
poing, sa bite ou son flingue, selon les situations, et tant pis s'il
eût mieux valu rester chez sa mère comme un bon fils.
Dans le cas qui nous
intéresse, le ton est monté si haut que Wayne Mills s'est retrouvé
raide mort contre le bitume du parking, un trou à la place de ce qui lui servait de visage. Ça fait des dégâts une balle dans le
crane, même quand on lui tourne le dos.
Le contexte, les
responsabilités des uns et des autres, la justice ricaine les dira
peut être un jour. C'est pas mon propos. Ce fait divers m'a remué
les méninges dans le contresens du poil, et c'est en vrac que les
idées se sont mises à s'entrechoquer dans mon ciboulot, plus sous
garantie depuis un bail. J'ai pensé à cette chanson de Lynyrd
Skynyrd, Saturday night special, et de là, à toutes une séries de
conneries que je vais tacher de dépatouiller le temps de ces
quelques lignes, avant qu'elles ne s'éparpillent à nouveau dans le
joyeux foutoir qui me sert de boite à pensées.
Lynyrd Skynyrd ?
Autant que j'y ailles franco, ce groupe est une des définitions les
plus probantes de l'ignorance du pseudo rocker lambda, qui se veut à
la page de la grande légende du wock'n'woll. Les railleries de cet
abruti de Neil Young (qui se mangera dans les gencives, en guise de
réponse à ses atermoiements sur les mœurs du Sud, le texte aux
petits oignons de Sweet home Alabama) auront bêtement suffit à une
génération de crétins pour les classer au rayon des bœufs avinés.
Les mêmes blaireaux qui continuent à voir en Neil Young un apôtre
de la paix et de l'espérance. Ils ont dû rater l'épisode post 11
septembre, lorsque le canadien à la voix en souffrance se fera
supporter de George Bush et de sa guerre sainte.
Pas grave, Ronnie Van
Zandt n'était plus là pour voir ça.
Quoiqu'il en soit, Lynyrd
Skynyrd a régulièrement pondu des textes plein de bon sens et souvent à contre-courant de leur image, tantôt
condamnant la poudre (That smell), tantôt déclinant les conseils
d'une mère à son fils (Simple man) et dans le cas de Saturday night
special, une mise en garde contre l'utilisation des flingues, et la
facilité avec laquelle ce par ailleurs bien bel objet peut vous
expédier six pieds sous terre pour l'un, et en enfer pour l'autre.
Venant d'une clique que l'on ne peut assurément pas qualifier de
pacifistes convaincus, ni de mous du genoux, de tels propos, portés
par l'une des plus chaudes musiques des 70's, ne peuvent que
confirmer qu'être Rocker ne s'accompagne pas inévitablement d'une
lobotomie.
Et de là cette remarque,
le Rock ne pourrait-il pas grandir un peu dans les sujets qu'il
aborde ? Je veux bien qu'il en faille pour les boutonneux et les
attardés du bulbe qui se trimballent en T.shirt Ramones à 50 balais,
mais ne pourrait-il pas y en avoir un peu plus pour les autres, ceux
qui ont non seulement grandi, mais également vieilli au son des sillons ? Pour un Bruce Springsteen (de retour avec
un nouvel album le 14 janvier) combien de couillons de la lune ?
Ne serait-il pas judicieux d'attendre de la part de chanteurs ayant,
pour la plupart, allégrement dépassé l'âge de la retraite, un peu
plus de consistance dans les propos, que le simple rapport annuel du
nombre de pipes auquel ils ont eu droit dans les coulisses de leurs
shows d’apoplectiques botoxés ?
Est-ce si glorieux que ça,
d'aborder chaque jour comme si la vie ne nous apprenait rien ?
Combien de vie l'alcool et la dope tant vantées ont-elles rendues
meilleures ?
Et encore, je chambre les
américains mais chez nous c'est largement pire, pas l'ombre d'un
Chuck D à se mettre sous la dent, pourtant ça serait bien qu'il nous
sorte de quelque part un chroniqueur des temps troubles, ça nous
changerait de l'autre tête à beignes de belge qui cherche son papa
partout, et de zaz, la rebelle des enfoirés, qui nous recycle les
Poppys et le Big bazar à elle seule. Manque plus que Jean-Louis
Aubert sorte un nouvel album pour qu'on ait l'air malin. Le pays part
en sucette, et on n'a que des chanteurs à la mords moi le nœud. Du
divertissement à tout va pour la populace, bordel, on va se divertir
combien de temps encore avant de dégoupiller un bon coup ?
La musique est-elle
définitivement devenue un bruit de fond pour accompagner les courses
à Carrefour ? Est-ce trop attendre des artistes qu'ils soient
en phase avec notre quotidien ? Y a du sang plein les rues de
Marseille à Nashville, et sur les ondes, ça chante Tirelipinpon sur le chihuahua. C'est comment qu'on freine ? Elle est où la
marche avant ?
Autant de questions
auxquelles Wayne Mills n'apportera pas de réponse.