lundi 4 avril 2016

A CauSe Des CHaTs


Un réalisateur hollandais, des producteurs allemands, des acteurs majoritairement anglais pour un film qui se passe dans la banlieue bourgeoise d'Amsterdam, Because Of The Cats est un film européen jusque dans sa paranoïa. Un film Les Dossiers de L’écran. Avec le carré blanc. Un film des années soixante-dix surtout, avec tout ce que cela inclut comme inquiétudes et questionnements. Comme prémonitions, aussi.

Cet instant de l'Histoire où la guerre froide libère tous les fantasmes sur l'existence des sociétés secrètes, où les sectes pullulent, où les repères sont plus flous que jamais. Les révolutionnaires, les prédicateurs, les idéologues de tous poils exercent dans les bistrots. L'argent des trente glorieuses ne suffit plus à combler le vide spirituel, ça s'encanaille dans les soirées privées, le sexe, la drogue, les sous-entendus en guise de discours. La mauvaise conscience est de mise. Les hommes sont au club, devant un whisky grand âge, en tenue de tennis entre deux putes. Les femmes sont tantôt manipulatrices, corrompues par quelques puissances tapies dans les alcôves d'un pouvoir obsolète. Tantôt soumises à leurs maris, auxquels elles ne demandent que le droit de fermer les yeux.


Les progénitures gâtées, dégénérées de tout ce beau monde ne sont que l'excroissance visible de la pourriture qui gangrène sans répit les esprits fragilisés par l'insupportable confort dont ils sont nourris à la becquée. La jeunesse dorée se rêve drapée d'importance, là où elle n'est qu'un meuble, devenu vaguement encombrant. Alors elle fantasme de réussir là où les dictatures du passé ont échoué, établir un ordre nouveau dédié à leurs narcissiques débauches.
Voila le tableau que nous propose Because Of The Cats, derrière ses immeubles en crépis, ses canaux verdâtres et ses inquiétants corbeaux. 


Because Of The Cats c'est le Colonel Kurtz revenu du Vietnam pour régner sur l'univers d'Orange Mécanique. Avec Joe Mannix à ses trousses. Là où le film va plus loin que celui de Stanley Kubrick, c'est qu'il ne se farde pas de fiction. Pour la même raison que le premier Mad Max reste le seul de crédible, et donc de réellement effrayant, Because Of The Cats n'affuble pas ses détraqués jubilatoires d'une quelconque aura d'irréalité, tout juste s'il les couvre de bas noirs pour un viol collectif filmé en temps réel et sans une once de sens artistique. Pas de symbole phallique disproportionné, de 9th de Beethoven, pas d'effet stabiloté, pas de quoi crier au génie. Plutôt le cauchemar d'une tapisserie comme on en a tous connu, et des délinquants, outrage suprême, qui se jettent des vinyls au visage sans manquer de les fracasser joyeusement. Le mal porte le masque, affligeant de banalité, de votre voisin de palier. Aussi luxueux soit votre immeuble, nul n'est protégé.


Les fils à papa de Because Of The Cats chassent sur leurs propres terres, terrorisent leurs bourgeois de parents par ennui. La décadence du trop plein. Ils cambriolent mais ne volent pas, ils ont déjà tout et plus encore. Ils détruisent. Tout ce qui a de la valeur, jusqu'à l'intimité d'une épouse. Le film montre un monde où la richesse est un dû, certainement pas un critère de satisfaction, un monde dans lequel la jeunesse se cherche une source de frissons que rien ne peut acheter. Le frisson de l'interdit, celui de la mort. 


Guidés par une idéologie fumeuse, délivrée à l'heure du thé par un gourou aux allures de dandy, les garçons et les filles de Because Of The Cats, entre mods de Ne Nous Fâchons Pas et petites sœurs d'Emmanuelle (Sylvia Kristel est au casting pour l'un de ses premiers rôles) se sentent invincibles. Aveuglés par l'arrogance, aucun d'eux ne voit que la puissance qu'ils s'accordent n'est jamais que celle que leur octroie leur situation de famille. Plus dure sera la chute.


Avec ce film sobrement réalisé, Fons Rademakers extrapole sur la révolution pop, l'agitation ambiante, la libéralisation des sens, et réduit tout cela à un vulgaire caprice d'enfant trop bien nourri. La difficile réalité, c'est la vie d'un flic, mal payé, déconsidéré, seul à refuser de se voiler la face. Il n'est ni donneur de leçon, ni moralement irréprochable. C'est toute la beauté de ce cinéma que de nous parler de l'humain dans toute sa complexité, sans qu'il soit besoin de l'affubler d'un costume de super-héros. Les enculés ont la tête de l'emploi, les cagoles sont le cul à l'air. Les films des années 70 baignent sans complexe dans tous ce que la société s'évertue depuis à rendre virtuel. Les pensées nauséabondes, les actes gratuits, l'égoïsme primitif érigé en revendication. La violence comme unique forme de communication. Heureusement que le monde n'en est jamais arrivé là. 


Hugo Spanky

14 commentaires:

  1. Il est marquant ce film. Dérangeant, onirique, cauchemardesque, la lâcheté, les passe-droit ... il y a tout dedans.
    Et ce "Nous sommes la société"; imparable ! ;)
    C'était tout à fait le genre Dossiers de l'écran oui. Je me rappelle, les yeux et les oreilles grands ouverts, et toujours un stylo à bout portant où je noircissais des pages frénétiquement sans regarder. C'était exaltant.

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    1. Les dossiers de l'écran, c'était la télé qui faisait réfléchir librement. Un film et un débat par semaine de 1967 à...1981. Après quoi, l'émission sera enterrée petit à petit en devenant mensuelle. Mais c'est vrai que dès lors, était né le fameux esprit canal. Et la télé ne devait surtout plus servir à faire réfléchir. Encore moins, librement. Ola, non, surtout pas.

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    2. C'est par la suite que ça c'est gâté Canal, parce que je me rappelle qu'au début j'y ai vu de sacrés films, et des courts métrages pas possibles. J'aimais bien Gildas aussi. Puis ensuite c'est devenu lourdingue. C'est con

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    3. Je ne parlais pas de la programmation mais de l'uniformisation de la pensée tolérée en télévision. C'est pas les contradicteurs qui les encombraient dans les débats. D'ailleurs y en avait pas, juste une logorrhée à la rhétorique bien...canalisée ))))

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  2. Après une telle chronique (… et de telles photos !), comment veux-tu qu'on résiste à l'envie de regarder ce film. Je saute dessus… comme un minou après sa baballe !!!

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    1. Tu as bien fait, c'est fait pour. Et reviens nous dire ce que tu en as pensé.

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    2. Jamais entendu parler de ce long métrage. En tout cas, il a l'air de rappeler toutes ces pelloches foutraques et transgressives du cinéma Bis transalpin des années 70. Bref ça donne sacrément envie de le mater pour sûr.

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    3. Et oui, c'est un film au poil )))))

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    4. J'ai regardé. Je n'en suis pas sorti transcendé de bonheur. Tout est extrêmement caricatural : les méchants sont très méchants (et bêtes !), les gentils, très très gentils (et jolies !!!). Le scénar est un peu tiré par les cheveux, mais j'ai connu pire. Les acteurs sont plutôt raides. À classer entre un mauvais James Bond et un bon Derrick !!!!!
      Ce qui m'a le plus épaté, c'est les bruitages — à l'ancienne !!! — clac ! clac ! font les souliers sur le carrelages.
      Merci pour ce moment !!! ;-)

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    5. Oula, c'est clairement pas une super-production. J'ai pas précisé mais le cinéma européen des années 70, c'est l'anti-thèse du concept "Tout sur l'écran" avec 300 briques de budget et casting 5 étoiles. Le propos est rarement à l'image, c'est pas tant dans ce qu'il montre que ce genre de film est intéressant, c'est dans la réflexion qu'il propose.
      Du coup, je préviens, rayon gadget à la James Bond, ici c'est deux bouteilles d'oxygène et un masque de pongée.)))

      Par contre, t'as repéré des filles dans le clan des gentils, là faut que tu m'expliques. Si c'est du rôle d'Alexandra Stewart dont tu causes, fais gaffe quand même. Le scénario est peut être pas si tiré par les cheveux que tu l'as cru )))

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    1. C'est un de ces remue-méninges diffusés avec le carré blanc et qui ont fait de nous des hommes qui ont tout vu avant même d'avoir lu le mode d'emploi.)))
      J'étais trop heureux de lui retomber dessus au hasard de Francomac (voir dans "La compagnie des îles lointaines" dans la marge droite de Ranx).
      T'as vu que j'ai mis de quoi régaler tout le monde, juste sous ma signature.

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  4. Hé c'est quoi ce truc, les seins et les chattes sont même pas floutés !
    Je sais pas si je vais supporter...

    Alexandra Stewart ? Hmmmm, elle est pas floutée non plus j'espère ?

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    1. Alexandra Stewart floutée ? Qui oserait pareil sacrilège ? Sois rassuré, pas de ça chez le Fons )))))

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