lundi 22 décembre 2014

NeiL YouNG, Le LiVRe




Je mentirais, et c’est pas beau, en disant que les disques de Neil Young encombrent mes étagères. A tout dire je ne qualifierais d’indispensables que Decade et This Note’s For You, bijou de spleen Rhythm & Blues qui ne m’a jamais quitté depuis sa parution dans les lointaines années 80. Ce qui ne veut pas dire que le reste de sa carrière m’indiffère au plus haut point, je trouve même beaucoup de charme à American Stars‘n’Bars ou encore On The Beach mais c’est finalement lorsqu’il œuvre dans l’ombre de Stephen Stills qu’il trouve le plus régulièrement le chemin de ma platine.

D’ailleurs ce n’est même pas moi qui ai acheté son autobiographie, c’est Milady qui s’en est chargée, ce qui ne m’a pas empêché de la dévorer. Et de découvrir que si musicalement Neil Young n’est qu’un cousin éloigné, humainement le gars m’est nettement plus proche. Si son écriture ne fera pas de lui un candidat aux pompeuses récompenses littéraires, et tant mieux, ce qu’il a dire est par contre sacrément saisissant. Surtout qu’il le dit comme j’aime, sans chichi mais avec de la personnalité à revendre. Son livre n’entre pas dans la norme, on est loin des autobiographies fatigantes dictées à un journaliste, c’est plutôt du côté de celle de Pete Townshend qu’il faut chercher la parenté. De la même façon que le leader des Who a su le faire, Neil Young nous cause de lui plus que de ses titres de gloire. 


Dans un invraisemblable désordre, il nous expose son mépris pour le son rachitique du MP3, sa passion pour les voitures, pour les trains électriques, son admiration sans borne pour Stephen Stills, sa marotte pour l’écologie, il torche au passage la médiocrité des journalistes, la résignation du conformisme ambiant et réussit sans en avoir l’air à nous insuffler la fierté d’être ce que nous sommes quand nous donnons le meilleur de nous même, des individus cherchant chaque jour à garder le contrôle de notre propre destin. 


Neil Young nous confie tout ça en nous causant les yeux dans les yeux, en s’adressant directement au lecteur. La passion mène la danse. Neil Young est un homme impliqué. Lorsqu’il aborde l’écologie ce n’est pas, grand bien lui prend, pour nous suriner les poncifs rébarbatifs auxquels les politiques nous ont habitué. Pas le genre à donner des leçons tout en continuant à consommer comme un âne bâté, le canadien fait dans la recherche et finance la mise au point, hilarante au demeurant, d’une Lincoln Continental hybride, la LincVolt. Et comme il le dit si bien, si on arrive à faire fonctionner un tel monstre avec de la biomasse alors on y arrivera avec n’importe quel modèle de voiture. Franchement, à chaque fois qu’il se lance sur le sujet, je bichonne tellement on sent le gars qui ne lâchera pas l’affaire malgré les embuches. Neil Young est comme ça, il a décidé que le recyclage de nos ordures nous amènerait au travail tous les matins et il va pas s’arrêter avant d'y réussir.


Là où il est bon également c’est dans sa croisade contre le MP3. Venez pas le gonfler avec vos ipod à la con, Neil Young a mis au point le système Pono qui restitue le son des masters studio et compte bien le mettre en place jusque dans iTune, en faire la norme de demain. Il est comme ça pour tout, passionné, investi et...cosmique !

Cosmique, oui, Neil Young voit des signes dans chaque événement, des malédictions, des bénédictions. Il est homme à saisir le feeling des endroits, se charge de reconstruire lui-même une maison qu’il vient d’acquérir afin que les vibrations en soit meilleures. Il monte, démonte et remonte ses voitures, ses trains, s’angoisse de n’être plus capable d’écrire une chanson, laisse ses souvenirs le submerger et nous livre le tout de la manière la plus humaine qu’il m’ait été donné de lire venant d’une RockStar. Avec son livre Neil Young se place à des années lumière des sempiternelles orgies de drogues, de sexe et d’alcool. Il avoue sans fard sa timidité sexuelle, ses maladresses, se décrit comme un piètre amant, déclame sa flamme à son premier amour, son admiration pour bon nombre de ses pairs, sa lutte contre les préjugés envers ceux qui ne pensent pas comme lui. Souvent il s’étonne de la chance d’avoir la vie qu’il a, ne s’enorgueillit pas du titre de génie, ne se donne pas le beau rôle, ne fait pas le faux modeste non plus, il revendique sa simplicité et s’en sert de combustible pour nourrir son désir d’apprendre, de découvrir, d’aller de l’avant. Et bordel que ça fait du bien de lire ça.


Mieux que ressasser son passé, il nous parle surtout de son futur, de son présent, de son envie de collaborer à nouveau avec Stephen Stills, nourrissant l’espoir de reformer Buffalo Springfield, de son goût grandissant au fil des pages pour l’écriture qui, il l’espère, lui fera un de ces quatre écrire un roman et brusquement il revient en arrière, nous raconte sa relation avec son groupe Crazy Horse, livre des anecdotes sur ses débuts, partage avec nous des moments intimes, ses joies, ses doutes aussi, avant de repartir de plus belle avec ses histoires de trains, de voitures, ses combats.

Au bout du compte, on découvre un homme attachant au possible, témoin de son époque qu’il traverse avec un regard décalé sans jamais se fondre dans aucun moule, aucune tendance aussi excentrique qu’elle soit. Neil Young est lucide sur son cas, doté d’un sens de l’humour et de la dérision qu’il sait appliquer envers lui même et s’il refuse à de nombreuses reprises de hurler avec la meute c’est pour mieux conserver sa part de liberté, son indépendance d’esprit et tacher de faire en sorte que son passage sur cette terre ne soit pas noyé dans une pensée collective aussi uniforme qu’absurde. 


Parce qu’il ne ressemble à aucun autre, parce qu’il requinque par son enthousiasme communicatif, parce qu’il ne marche dans les pas de personne, parce que pour une fois un musicien est aussi original dans la rédaction de ses mémoires qu’il l’est dans sa musique, je vous l’affirme sans équivoque, ce livre mérite toute votre attention.



Hugo Spanky 

Le sommaire 

13 commentaires:

  1. Arrête-moi si je me trompe : tu serais pas un peu fan du bonhomme ?!?
    Comme tout le monde, j'ai quelques disques du Loner, mais je ne suis pas un "spécialiste".
    Je viens de compiler une série de ses chansons provenant de sa discographie et je me demandais si tu serais d'accord pour rédiger une petite chronique de présentation.
    Primo : t'es pas obligé ! Deuzio : y'a pas d'urgence. Troizio : il s'agirait de présenter succinctement l'artiste et donner envie au gens de charger cette compile. Termino : si tu n'as pas le temps, ou simplement pas envie, y'a pas de problème, je ne viendrai pas la nuit pisser sur tes géraniums !!!!!
    Je te laisse mon mail, si tu veux qu'on discute de l'affaire : keith.michards(arobase)orange.fr
    Sinon, encore un bel article.

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    1. Quand c'est pour la bonne cause je suis toujours partant, essayons de voir si ça colle..
      Je t'envoie un mail.
      Hugo Spanky

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  2. un mec* ordinaire ,comme j'aime.
    *génie.
    m'en vais écrire, au père noël .
    Merci hugo

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  3. Un point pour toi, je connais pas mal de ses albums, mais pas"This Note' ..." et donc j'écoute. neil Young je le place sur mon panthéon, bon ils y sont nombreux, mais ce que je peux aimer ce son quand il rock à la Creedence, avec ses gros bourrins de Crazy Horse, de vrais bûcherons qui lui monte une scène bien boiseuse pour qu'il y place ses solo de Killer.
    Bon, sur l'album que je découvre, quand il vire Soul on peut quand même lui préférer quelques voix plus costaudes (Sunny Inside)... pas grave. Je te dois donc ce point.
    Sinon? Je te propose un deuxième point pour le bouquin. j'ai lu quelques "vérités" du pépère qui parfois me font quand même un peu sourire... mais j'aime bien le bonhomme, sa musique me fait boire des trucs bien forts. La partie plus country folk? Moins mais j’apprécie quand même
    Alors comme ça le monsieur il tape sur le MP3. Et se lance dans le lecteur qui rend tout ce que l'on a téléchargé dégueu? Un lecteur qui met le doigt là où ça fait mal: dans l'oreille, bien profond. je passe mon tour, mon audition me suffit, je ne serai pas un Ayatollah du perfectionnisme. Le souci est bien davantage à la source, la compression en studio, une fois fait, tu peux faire comme tu veux, le triangle te pète les oreilles, et plus personne n'ose jouer de la guimbarde ça brise les vitres.
    Voilà, bouquin commandé. (Le Pete Townshend, j'ai regardé vite fait mais trop cher en Français à Amazon, je vais voir ailleurs)

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    1. Alors pour le MP3 et tutti quanti je ne connais qu'une vérité, le vinyle ! Et même que la compression elle se fait toute petite quand le diamant creuse le sillon.
      This note's for you ? Justement j'aime bien son filet de voix tout fragile sur les ballades de l'album et c'est plutôt les morceaux rentre dedans (ten men workin'...) qui me touchent moins.
      Le Pete Townshend est superbe de même que son précédent livre Horse's neck, splendide recueil de nouvelles et autres souvenirs paru y a un bail aux éditions Christian Bourgois.
      Et je fais tir groupé avec ton com' sur Travolta pour te conseiller au passage livre et adaptation ciné de Big Trouble de Barry Sonnenfeld (pour le film et Dave Barry pour le livre), y a pas le beau gosse Travolta dedans mais c'est du gratiné garanti qui va plaire à Madame (vu qu'elle a bon goût à ce qu'on dirait).
      Bon réveillon à tous !
      Hugo Spanky

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    2. Je veux pas te relancer (Hypocrite que je suis) mais dès l'arrivée du numérique le son même vinyle a changé, puissant certes mais... Mon premier dans le genre fut le Joe Jackson et son "Big World" impec pour ma platine de l'époque, bras parallèle, pointe dur shure (me souviens, les fils de quatre couleurs...) ça cognait, j'entendais bien, tout... Sans pouvoir juger avec mon ouïe (de 50 balais comme me le rappelle mon fiston ;-) ) mais je ne suis pas étonné des production qui s'accrochent à l'analogique. mais en gros, c'est pour la discuss, sinon je m'en fous un peu, habitué gamin à écouter les stones sur un magnéto pourri, mono sans savoir mélanger les pistes stéréo, je te dis pas les Beatles chantaient au fond de la cour.... Peut-être pour ça que je n'ai pas leurs disques vinyles?
      merci pour les référence et bon apéro, c'est ça le + de Noël, c'est que l'on boit AUSSI l'apéro, mais il y a un sapin

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    3. Y a pas de débat en fait, le vinyl c'est beau, c'est ce avec quoi on a grandi et basta. C'est comme ma Renault 8, j'ai eu plein de voitures depuis, des plus intelligentes, des plus rapides mais c'est quand même celle là que j'aimerai jusqu'à mon dernier souffle. Parce que c'était mal branlé, parce que ça réagissait pas de façon prévisible, parce que c'était des machines, certes, mais qui avaient encore quelque chose d'humain dans leurs imperfections.
      Quand un vinyl saute je peux gratter avec un ongle, des fois ça marche, quand un mp3 bug, je suis baisé. Et j'aime pas ça. Donc en gros le système Neil Young avec un super son ou le mp3, pour moi c'est kifkif bourricot, la seule question que je me pose c'est ça existe en galette ou pas.
      Hugo Spanky

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  4. d'accord avec devant, le son mp3 c'est chié comme les radio perrave qu'on écoutait sous les draps en douce ... l'important c'est la chanson quoi ... bon faut quand même que je change d'ampli ... et puis l'écologie, faut pas pinailler, ça devient salement une question de survie hein ? et les gosses ? un jour on sera plus ici ... je me demande d'ailleurs ce qu'on va devenir, est ce que l'âme se transmute avec une race extra terrestre ? peut être allons nous ressourcer l'énergie du soleil, cette version là me plait bien ... et si en fait ce ne serait qu'une illusion et qu'on serait condamné à rester jusqu'à ce que mieux s'ensuive ha ! là on s"rait bien embêté ... moi au cas où, je fais gaffe ... je dis ça, j'dis rien ...

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    1. Je sais pas comment vous faites, le son c'est un truc qui me travaille depuis tout môme. Et il n'y a que depuis peu que je suis satisfait de celui que j'ai composé avec mon assemblage hifi, faut dire que je me suis gaulé un ampli Nikko des années 70 et que ça aide méchamment vu les basses claires que le machin développe.
      Pour l'aspect résurrection de tes angoisses, je ne te serais d'aucune aide, je pense qu'on finit dans un trou comme des cons. Non ? Avec un peu de chance il restera quelqu'un pour balancer un Gene Vincent pour m'accompagner, manière que dans 1000 ans ceux qui découvriront mon tombeau (que je ferais placer modestement sous un mausolée tout de chrome orné) puissent être épaté par un tel bon goût.
      Hugo Spanky

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    2. Moi je m'en fous je veux qu'on m'empaille !

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  5. Neil Yong, c'est quand même un artiste immense. Et qu'il soit si banalement humain ne fait que renforcer mon admiration. Pour ma part, j'ai de plus en plus de mal à me répondre à la question de mes artistes préférés. Alors, je regarde mes étagères et je vois deux choses: des disques que j'aime très fort et des artistes qui prennent plus de place que les autres. Neil Young fait partie des eux. Et il a fait cette place tout seul, sans que je ne puisse dire qu'il faisait partie de mon panthéon personnel. Donc aujourd'hui, quand on me demande qui j'aime, force est de constater que je cote son nom. son oeuvre est immense et elle continue de grossir, là où tous ces contemporains sont plus à la retraite qu'autre chose.
    Ce qui me fascine chez lui, c'est cette foie en la musique. Il sait qu'il est né pour en faire, que c'est sa façon à lui de rendre le monde un peu meilleur.. Surtout qu'il n'a pas été gaté par la vie avec son fils...

    L'album This note's for you est un peu l'album de la renaissance... Je te dirais bien d'écouter Tonight's the night pour te convertir encore plus... Mais j'aime ton honnêteté et ta sincérité. lire un livre d'un artiste qu'on est censé aimé modéremment, c'est la grande classe. Et consacrer à ton blog tout un article, alors bravo!

    Joyeuses fêtes à toi et ton blog!

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    1. Merci Audrey, de joyeuses fêtes à toi aussi.
      C'est très vrai ce que tu dis sur nos disques, ceux de certains chanteurs s'additionnent au fil du temps sans trop qu'on s'en rendent compte et il est tout aussi vrai que le côté un brin sectaire de l'affaire s'estompe, comme toi si je devais faire une liste de mes dix artistes préférés, elle en contiendrait facilement quinze, vingt ou trente...
      Je vais étoffer mes connaissances en Neil Young, promis, quand j'écris sur un chanteur je suis souvent mon premier client, je me donne auto-envie de l'écouter ;-) Ceci dit je trouve dommage que Stephen Stills soit si peu reconnu, faudra que je cause de son fantastique premier album solo un de ces quatre et aussi de Manassas, de Buffalo Springfield et même de certaines merveilles de CSN(&Y) ou de choses plus récentes mais tout aussi admirables. C'est le grand oublié de l'histoire.
      Tant qu'à y être j'en profite pour conseiller le nouvel album de David Crosby, Croz, une vraie bonne surprise.
      Hugo Spanky

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  6. Je suis plus fan de Crosby que de Stills. Mais Manassas et son premier solo sont bons, mais ils ne me transportent pas. Et je ne pense pas que ce soit le plus grand oublié de l'histoire... Nash l'est certainement plus.
    Pour Crosby, je ne savais même pas qu'il avait sorti un nouvel album. Moi si j'avais un blog à moi, je parlerai de The Church (qui eux, en France, sont vraiment complètement oublié puisqu'on ne chronique même plus leurs disque y compris sur le net). Or je découvre par hasard qu'ils ont eux aussi sorti un nouveau disque que j'écoute que depuis quelques heures.

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