dimanche 17 août 2014

HaRDcoRe, GeoRGe C. ScoTT


Hardcore n’est surement pas un chef d’œuvre, mais c’est un film Les Dossiers de l’écran, un de ces bijoux des années 70 que je regardais avec mon Marcel de père et que je viens tout juste de revoir, pas grâce à une chaine de télé, faut pas rêver, Antenne 2 n’existe plus.

 
 
Hardcore, pour la plupart des cinéphiles, c’est un film de Paul Schrader, scénariste entre autre de Taxi driver avec lequel il partage la fréquentation des bas quartiers et des personnages troubles. Surtout, c’est un film avec George C Scott, le Lino Ventura américain. Pas que Paul Schrader ait manqué à quoi que ce soit qui lui incombait de faire, sa réalisation est splendide, sobre, efficace, le film capte fabuleusement l’éclairage aux néons des boites de strip et des sex-shops glauques, et contrairement à ce qu’on se fade maintenant avec tous ces blockbusters qui pétaradent dès le pré-générique, les vingt premières minutes prennent le temps de nous installer dans le quotidien de Jake, patron d’entreprise à ploucland comme d’autres vendent des tracteurs à Montauban. Jake est un homme de principes, un peu rigoriste sur les bords, vivant seul avec sa fille qu’il ne manque pas d’adorer, sauf qu’il ne la voit plus dans le décor. En quelques esquisses le problème se devine, et lorsque l’on apprend que la môme a disparu, on pige de suite qu’elle ne s’est pas barrée pour cueillir des coquelicots.



Et c’est là que ça devient un film avec George C Scott. Ce gars est merveilleux, intense, drôle, il passe d’une émotion forte à une autre à vous terrasser de douleur en un clin d’œil, et quand il distribue enfin les bourre-pifs nos poings se serrent pour se joindre aux siens. HardCore, c’est la quête d’un père pour retrouver sa fille au sein du milieu porno. Le périple est dans un premier temps celui d’un homme qui ne comprend tout bêtement pas ce qu’il fout là, ni comment sa fille a pu atterrir au milieu d’un pareil ramassis de crétins. Son éducation rigide, la foi qu’il lui inculqua n’ont donc servi à rien ?  Puis l’homme s’ouvre, sa rencontre avec une jeune prostituée, Nikki, qui pourrait être sa fille, sa présence sur des tournages de porno, dans les clubs à tapins, font qu’il se laisse imprégner, de chemise à carreaux, il passe à chemise hawaïenne. George C Scott nous trimballe comme il veut, son Jake il le tient sur le bout des doigts et quand le dénouement approche, que les sourires deviennent rictus, que sa douleur devient fureur, on reste scotché à l’écran.



Nikki, c’est la délicieuse Season Hubley, encore une vedette des années 70 qui, comme George C Scott, comme Susan Blakely (divine dans La Tour Infernale mais parfaitement hors sujet ici, j’en conviens) n’est pas devenue culte et dont dégun ne se réclame plus. Ingrats que nous sommes. Season Hubley aurait pu gagner un concours de la plus petite poitrine face à Jane Birkin, certes, mais quel foutu charme. Vous pouvez oublier la prestation de Jodie Foster dans Taxi driver, Season Hubley est saisissante de vérité dans son rôle de petite fille perdue qui soudain découvre l’espoir. 



HardCore a un charme que le temps n’altérera jamais, il nous parle, nous susurre sa morale sans nous la faire tomber sur les pieds, lourde comme une enclume, on peut aussi le voir comme un film d’action, c’est surtout un film d’amour, un film sur les priorités qu’un homme s’impose dans la vie quitte à ce qu’elles fassent naître l’injustice. En ce sens, la fin est d’une cruauté sans égal. 


  

Hardcore ne pourrait plus exister aujourd’hui, pourtant c’est pas faute d’essayer, les films avec une femme, une fille ou un fils kidnappé ou disparu, c’est pas ça qui manque. Mais systématiquement on se retrouve avec Liam Neeson, le genre d’acteur envers lequel on a un affect proche de celui que l’on a pour le con qui klaxonne sous nos fenêtres à trois plombes du matin. Vous imaginez George C Scott lever la jambe dans un mouvement de karaté filmé en 3D de synthèse ? Moi non plus, et c’est tellement mieux ainsi que je ne veux même pas imaginer la chose. Sans compter que les tristes sires bombardés réalisateurs ne manqueraient pas de faire hurler le son, de faire sonner les coups de poings comme des coups de massues, le tout avec une armada de hits taillés sur mesure, balancés n’importe comment, du moment que c’est à fond les gamelles et que ça fait vendre le cd de la B.O.
Alors que là, c’est Jack Nitzsche qui se charge de la partition, et soudain tout est beau, groovy, tantôt soyeux, tantôt punchy, jamais agressif. Et pour les amoureux du détail, celui qui fut le génie planqué derrière Phil Spector en profite pour glisser furtivement dans la bande-son, ses protégés d’alors, Mink DeVille.




HardCore a la classe des rues de notre enfance, un peu comme ces goûts qui reviennent subrepticement sur le palais et disparaissent aussitôt, sans qu’on ait eu le temps de les identifier. Délicieuse morsure d’un temps révolu. Et on reste désemparé par la nostalgie des plaisirs égarés.

Hugo Spanky 



Le sommaire  

12 commentaires:

  1. Ah ce bon George, il incarne à lui seul toute une époque: celle d'un cinéma qui avait du sens et donnait à réfléchir sur la société.
    C'est le cas notamment dans les formidables films de Richard Fleischer " Les complices de la dernière chance " et " Les flics ne dorment pas la nuit " où il crève l'écran comme à son habitude.
    Et puis qui d'autre que lui pouvait incarner Patton ? Personne, on est bien d'accord.
    Ensuite c'était un type qui dans la vie était sérieusement perturbé, piquait des colères terribles ( il a tout de même - honte à lui - tabassé Ava Gardner ! ) et buvait plus que de raison.

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    1. Cette Ava elle se démerdait toujours pour faire disjoncter tous les mecs.
      Les films des années 70 ont gardé un charme absolument unique, les couleurs, les fringues, les décors et l'audace. Et des acteurs et actrices comme on en fait plus. Définitivement mon cinéma préféré.
      Tiens je vais me remater La tour infernale et j'ai aussi choper Capone avec Ben Gazzara (encore un qui était bien gratiné celui là) et la divine Susan Blakely.
      Merci pour toutes ces précisions cher Harry Max, intarissable que tu es sur le cinéma (et de bon conseil, j'ai regarder les Banlieusards il est extra).
      Hugo Spanky

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    2. rooo, on ne parle pas mal d ava !!!! enfin mr spanky!! faire dijoncter tous les mecs... peut etre n avaient ils pas les bons fusibles.... et oui.... pam

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    3. Mea culpa, Pam ;-). Mais avec Ava c'était plus que des fusibles qu'il fallait avoir.
      Hugo Spanky

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  2. J'ai vu ce film l'année dernière et j'en pense la même chose. J'ai adoré. A une époque où le porno a tout envahi, le personnage du père à la recherche de sa fille m'est des plus sympathiques. J'ai trouvé ça bien mieux que Taxi driver en fait. une ambiance qui m'a rappelé l'errance de l'héroine de "Out of the blue". Vraiment un bon film.

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    1. Je n'ai pas osé dire qu'il était mieux que Taxi driver de crainte qu'on ne m'accuse encore une fois de faire de l'anti Scorsese primaire mais c'est vrai qu'il est bien meilleur. Pas d'épate, pas de hype, juste du bon cinéma.
      Hugo Spanky

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  3. Excellent texte, Hugo ! J'aime beaucoup "Hardcore" surtout pour ses aspects torturés (Schrader est un expert dans ce domaine) et la magistrale composition de George C .Scott. Le film est toujours aussi dérangeant et n'a rien perdu de sa force. À vrai dire, seule la fin du film me déçoit, je ne la trouve pas assez jusqu'au-boutiste, surtout vis-à-vis de la noirceur de son sujet. Si j'osais (et j'ose), je dirais qu'Hardcore annonce le revenge movie nihiliste et mal-aimé "8 mm". Plus bourrin et moins subtil que le Schrader certes, mais faisant preuve d'une vraie puissance glauque.

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    1. 8mm je l'ai pas vu, je vais corriger ça de suite. La fin de Hardcore je la trouve terriblement humaine. Elle amène un questionnement, comme disait mon père c'est à toi d'en tirer quelque chose. Il reste fidèle à lui-même, Jake, peut être que rien ne le changera jamais. Pas même Season Hubley.
      Hugo Spanky

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    2. 8mm est aux antipodes de Hardcore. C'est vrai qu'on prend toujours un malin plaisir à ce que les mauvais soient assassinés de façon sauvage et vengeresse, mais ce film sonne totalement faux contrairement à Hardcore. Ce dernier touche le quidam, celui qui a des enfants qu'il veut protéger contre les saloperies du monde extérieur. Et pour cela, il n'y a aucun manuel, un excès d'autorité ou de rigidité feront autant de dégâts que trop de laxisme. Ce film nous parle en direct. Sans parler des sublimes images et de la superbe moustache de Georges Scott mais à ce propos tout a déjà été dit... ;))
      8 mm part du caprice d'un bourgeois dont on a rien à faire et qui peut s'offrir le luxe de voir une jeune fille se faire assassiner... ça tient pas...

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    3. Plus que du fade 8mm, Hardcore se rapproche de La loi du milieu de Mike Hodges avec Michael Caine.
      Dans ce film, il incarne un tueur qui affronte la pègre Londonienne suite à la mort suspecte de son frère et il découvre que sa nièce a tourné dans un porno.
      Bref, les thèmes sont assez similaires et ce film dépeint lui aussi une époque avec brio.

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  4. Bon, tant pis, je viens au moins féliciter pour cet article que j'ai lu dès sa sortie, tellement alléché (Le Lino Ricain!!) que je me suis procuré le film. M'étant juré de revenir confirmer ou râler suivant le résultat de ma vision.
    Mais le temps passe, je regarde les films mais consacre plus de temps à écouter la musique, du coup, le film, toujours pas vu.
    Tant pis, au moins je viens vous dire tout le bien de cet article et de votre site (collectif? Hein?)

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    1. Merci l'ami et prends le temps de le regarder il vaut le coup d’œil, j'ai le même dilemme que toi souvent entre écouter des disques ou couper le son le temps d'un film.
      Hugo Spanky

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